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EAN : 9782253142270
157 pages
Le Livre de Poche (01/12/1999)
3.59/5   22 notes
Résumé :
Joseph Lambert dirige une grosse entreprise familiale avec son frère Marcel. Sa vie est monotone et parfaitement réglée : le bureau dans la journée et le soir la compagnie de sa femme Nicole avec qui il ne partage plus rien, la partie de bridge au café, sa secrétaire Edmonde avec qui il a - bien entendu - de bonnes relations, Léa, sa maîtresse occasionnelle, et les repas de famille le dimanche.

Jusqu'au jour où, au volant de sa traction avant, il a u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Nous sommes en 1955 dans une petite ville de province, ces villes de province qu'affectionne tant Georges Simenon et dont il se plaît dans chacun de ses romans à nous faire partager son goût pour le charme discret de sa bourgeoisie...
Joseph Lambert, quarante-sept ans, solide gaillard doué en affaires, codirige avec son cadet Marcel, l'intellectuel, le polytechnicien de la famille, une entreprise de travaux publics.
Joseph est marié à Nicole, une femme qui lui est intellectuellement supérieure.
Le couple ne s'entend plus depuis longtemps et coexiste pour les apparences.
Joseph partage son temps entre son travail et ses maîtresses, ses loisirs avec ses copains de bridge et ses maîtresses, les bars, les beuveries et quelques scandales sexuels auxquels sont mêlées des prostituées...
Nicole, catholique, partage le sien entre ses soeurs, l'église et les oeuvres caritatives.
Arbitre de ce couple d'imposture, Angèle, qui n'aime pas son patron, lui préférant son épouse.
Femme et domestique n'ignorent rien ou presque des frasques de Joseph, lequel n'ignore pas que les deux femmes, tout comme le reste de la famille et de la ville, n'ignorent rien ou presque de sa vie de patachon.
Mais les apparences...
Marcel pour sa part est marié à Armande, la soeur belle et provocante de Nicole.
Armande a eu, au moins, un amant avec lequel elle a failli quitter pour toujours le domicile conjugal ; Marcel l'a rattrapée in extremis sur le quai de la gare.
Convaincue par les arguments financiers de son mari, elle a réintégré ledit domicile dans lequel elle cherche à tromper l'ennui en accrochant le regard des hommes ou en bichonnant son cocu en lui offrant à l'occasion de son anniversaire un magnifique sac de golf...
Car contrairement à son aîné, le cadet sauvegarde les apparences grâce au mondain.
Personne n'est dupe mais on joue à faire semblant.
Lors d'un déplacement pour aller visiter un chantier, Joseph emmène avec lui Edmonde, sa jeune secrétaire et maîtresse.
Edmonde n'est pas belle, mais elle a une sensualité " animale ".
" C'est une sacrée femelle " comme le lui répète à l'envi et avec envie un de ses clients agriculteur...
Lorsqu'il a embauché la jeune femme, Marcel ne l'a pas fait avec l'intention d'en faire une conquête féminine de plus.
D'ailleurs, les employés des Lambert l'ont surnommée " le bestiau "... Mais un jour qu'il s'apprêtait à rentrer dans le bureau de sa secrétaire, il a trouvé Edmonde, la jupe retroussée, inclinée sur son fauteuil de bureau, les jambes écartées, la main entre les cuisses se caressant jusqu'à l'extase. Ayant vu après le dernier spasme que son patron avait assisté à la scène, elle a repris son travail comme si l'interlude avait été une chose banale, naturelle, allant de soi.
Cette féminité-là, Joseph n'a pas pu y résister.
Leur liaison n'est pas "cérébralisée" ; elle est vécue instinctivement, " primitivement ", au sens de " originelle ".
Dans ce plaisir qu'il trouve avec Edmonde, il y a la réminiscence d'un souvenir qui l'a à tout jamais marqué.
Enfant, souffrant d'une rage de dents, le médecin de famille lui avait donné deux antalgiques. Non seulement les comprimés avaient fait disparaître la douleur mais l'avaient également débarrassé des pesanteurs de la réalité. Il avait réussi à se détacher, le temps de leur action, de l'insupportabilité de ce monde. Et il s'était senti si bien !
Avec Edmonde, il retrouvait ce "déclic"...
" L'univers s'éloignait alors jusqu'à n'être plus qu'une sorte de nébuleuse sans importance. Les objets perdaient leur poids, les gens n'étaient plus que des pantins minuscules ou grotesques et tout ce à quoi on attache d'habitude du prix devenait saugrenu. Il ne subsistait, dans un monde rétréci, enveloppant et chaud, bienveillant, que le battement du sang dans les artères, une symphonie d'abord vague, diffuse, qui se précisait peu à peu pour se concentrer enfin dans leur sexe...
Ces moments... ceux-là et ceux du mal de dents sous le tilleul, c'était la même chose, la même envolée, le même bond dans un autre monde.
Ce qu'il avait obtenu jadis avec deux comprimés d'une drogue quelconque, avec l'engourdissement, les rayons tamisés du soleil et la chanson des mouches, ils l'obtenaient, Edmonde et lui, avec leurs deux corps...
Ils n'étaient pas des amants comme les autres, ils n'étaient pas des amants, ils étaient, ils avaient toujours été deux complices."

Au volant de sa traction avant Joseph roule doucement... à peine à trente à l'heure.
Sa main gauche tient le volant tandis que sa main droite caresse le sexe d'Edmonde.
La traction zigzague ; un puis deux coups de Klaxon.
Un car transportant 48 enfants de retour d'une colonie de vacances , trois accompagnatrices et le chauffeur sont sur le point d'entrer en collision avec une traction qui occupe le milieu de la chaussée.
Le chauffeur du car parvient à éviter la voiture du chauffard mais heurte un arbre qui l'envoie s'écraser en contrebas contre le mur du Château-Roisin.
Le véhicule prend feu.
Les portes restent bloquées.
Quarante-huit enfants et trois adultes sont brûlés vifs.
Seule la petite Lucienne Gorre a survécu... mais les médecins ne sont pas sûrs de la sauver.
Joseph, lui, n'a pas eu le temps de libérer sa main droite.
Edmonde et lui savent.
Joseph, fuit... sans comprendre exactement la raison de sa fuite.
Cet homme dont le destin a basculé, cet homme mal dans sa vie, mal dans ce monde va se retrouver dans un face-à-face avec lui-même, dans un huis clos perdu d'avance, dans ce qui n'est même pas une fuite en avant mais un attentisme où se mêlent conscience des faits et refus de sa culpabilité.
Y a-t-il eu des témoins ?
L'homme aux chèvres a-t-il vu passer la traction dans la Grande Côte ?
Y a-t-il d'autres traces que celles des pneus sur la chaussée ?
Et que pense de lui sa complice ?

160 pages intenses où l'action côtoie le monologue d'un couard ordinaire responsable d'une tragédie, 160 pages dans lesquelles Georges Simenon avec son savoir-faire et sa plume talentueuse introspecte les travers de la nature humaine, zoome, télescope et étudie les petits êtres qui se débattent sous nos yeux dans leurs costumes d'un quotidien travesti.
Léa, la prostituée au grand coeur mettant à nu pour Joseph quelques-uns de ces petits hommes qui, une fois qu'ils sont dans leur habit de naissance se révèlent être ce qu'ils font tout pour laisser croire qu'ils ne sont pas, est un de ces moments de vérité où plus personne n'a intérêt à tricher...

Les complices -, c'est un peu une version légèrement modifiée de - Les demoiselles de Concarneau -.
Dans les deux romans, un accident de voiture par imprudence qui aboutit pour l'un à la mort de plus de quarante enfants, pour l'autre à celle d'un des deux jumeaux d'une jeune mère ouvrière.
Les responsables sont deux chauffards qui s'enfuient sans trop vouloir s'enfuir et sont poursuivis tout au long de leur fuite par des flics qui recherchent leurs voitures. Deux patrons, l'un entrepreneur, l'autre marin- pêcheur... tous deux prisonniers des moeurs, des préjugés d'un environnement avec lequel il n'est pas question de négocier... prisonniers surtout de ce qu'ils ont fait eux de ce que la vie a fait d'eux.

Parmi les 117 romans durs de Simenon, - Les complices - occupe une place tout à fait recommandable.











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Joseph Lambert dirige une entreprise familiale de bâtiment en province. Une imprudence va déclencher un événement tragique et faire basculer sa vie. Il se rend à un rendez-vous de chantier accompagné par une de ses secrétaires, Edmonde Pampin, qui est occasionnellement sa maîtresse. Sur le chemin du retour, alors qu'il est au volant de sa traction, Lambert caresse sa passagère. Déconcentré, il perd le contrôle de son véhicule. A la sortie d'un virage, un bus rempli d'enfants parvient de justesse à l'éviter mais s'écrase quelques mètres plus loin contre un mur et prend feu. Lambert s'enfuit et veille à emprunter des voies secondaires. La nouvelle du drame se répand très vite. En ville, tout le monde est sous le choc. La traque débute : la police et la compagnie d'assurances du car cherchent à découvrir l'automobiliste qui a provoqué l'accident. Lambert accablé par sa mauvaise conscience se cherche une contenance. Quant à Edmonde, son visage ne trahit aucun trouble.
Avec cette trame, le lecteur s'attend à un roman sur deux coupables cherchant par tous les moyens à ne pas se faire démasquer. Alors oui, l'intrigue comporte quelques éléments appartenant au genre du roman policier, mais ce qui importe chez Simenon, c'est la crise que vit Lambert. La culpabilité devient secondaire. le drame a mis au jour la profonde solitude de cet homme. Lambert a réussi, son affaire est prospère. C'est un sanguin, un « taureau » qui a hérité des traits physiques de son père. Pourtant, il ne se sent pas à sa place. Il se sent étranger au sein de sa propre maison, trop propre, aseptisée, et auprès de son entourage familial et amical. Il n'a aucun lien, aucune complicité avec sa femme. Son frère Marcel qui travaille avec lui, plus intellectuel, le méprise. Sa bonne le hait comme elle hait tous les hommes. Ses partenaires de bridge sont des notables avec qui il n'a rien en commun. Il n'a personne avec qui partager sa détresse, à qui se confier. Un matin, Lambert se focalise sur Edmonde. Il se convainc que le lien qui les unit est plus que charnel, qu'il existe une vrie complicité entre eux deux. Leurs rapports sont une évasion dans un univers dominé par les tressaillements des sens. Sentant le dénouement arrivé, Lambert veut éprouver une dernière fois cette faculté de fuir. Il s'isole avec Edmonde, la possède brutalement mais rien ne se passe. Il prend brutalement conscience qu'Edmonde lui est tout aussi étrangère que son épouse. Il n'a d'ailleurs jamais pu partager avec elle sa culpabilité. Comme l'écrit Thomas Narcejac dans son ouvrage « le cas Simenon » (en 1950, soit 5 ans avant l'écriture de ce roman) : « Quand il est impossible de communiquer avec ses proches, quand l'amour cesse de circuler comme un flux nourricier, la conscience s'étiole, l'étouffement survient. » Une solution s'impose à lui, le suicide. Ce n'est pas un aveu, il ne se sent pas coupable, c'est le geste ultime vers la liberté.
Le héros des « Complices » est l'archétype du héros simenonien : un homme en crise, ressentant une solitude lancinante, dont la vie bascule. J'ai trouvé deux thèmes récurrents chez Simenon : la fièvre avec ses douleurs voluptueuses et le réveil avec la torpeur qui enivre l'âme. le roman est court, dense et puissant, caractéristiques qui sont la marque de fabrique de cet auteur. Je vous conseille fortement ce roman !
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"Pour la première fois, il avait vu les narines d'Edmonde se pincer comme celles d'une morte, sa lèvre supérieure se retrousser en découvrant les dents en une grimace douloureuse qui ne rappelait en rien un sourire."

La quintessence du roman dur selon Simenon. Un canal et ses péniches, la solitude au sein du couple, l'alcool, les prostituées, la fuite et... une fillette avec un noeud rose dans les cheveux en leitmotiv...

Joseph Lambert, mari infertile, provoque un terrible accident d'autocar dans lequel une quarantaine d'enfants trouvent la mort. Fuyant lâchement ses responsabilités, il plonge dans un marasme de l'âme. Déprisant son quotidien -une épouse chaste, un frère dédaigneux, un cénacle de bourgeois mesquins-, il croit trouver une parade entre les bras de sa secrétaire, la froidement lubrique Edmonde. Car si la mort y rôde, le plaisir féminin frissonne tout au long du récit : la jouissance monnayée, économisée, exécrée, offerte mais surtout l'orgasme fascinant car hermétique d'une maîtresse impavide.

Simenon, brutal et cru, s'il explore les pensées les plus secrètes de son piteux héros, ne psychologise ni son personnage, ni sa trajectoire ce qui rend d'autant plus captivant ce court roman opaque. Il parsème les vaines dérobades de Lambert de funestes présages : une silhouette menaçante, un règlement de compte au couteau, de sombres avertissements lancés par de familières sibylles. Les abîmes intérieurs de l'homme en fuite se fracassent contre un quotidien désormais cryptique.

On peut lire cette errance comme un moment suspendu entre deux morts, celle de l'acte charnel d'où pourrait renaître un vertige, la plénitude d'un souvenir d'enfance, et l'autre, la mort bien réelle, par laquelle Lambert finira par s'effacer.

Pénétrant !
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Quel romancier que Simenon! je commence à avoir pas mal de lectures de ses « romans durs » et je suis toujours admiratif de la qualité de sa narration et Les complices ne déroge pas à la règle. En virtuose, il dresse des portraits de personnages denses et entier au service d'une histoire qui sous des allures de simplicité, touche au fondamental, à l'universel.

Les complices, même si ce texte est vieux de plus de 60 ans n'a quasiment aucune trace temporelle et rien qui ne laisse penser que le roman est d'un autre temps. Et c'est pourquoi l'image vieillotte de Simenon n'a pas lieu d'être. D'autant que son style épuré, vivant dynamique est très agréable.

Les complices, c'est une histoire tendue, un cas de conscience que tout un chacun peut être amener à vivre en se demandant ce qu'il aurait fait à la place du personnage principal. C'est donc un récit très concernant qui m'a beaucoup plu.
La suite sur le blog…
Lien : http://livrepoche.fr/les-com..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Ce fut brutal, instantané. Et pourtant il resta sans étonnement et sans révolte comme s'il s'y attendait depuis toujours. D'une seconde à l'autre, dès le moment où le klaxon se mit à hurler derrière lui, il sut que la catastrophe était inéluctable et que c'était sa faute.
Ce n'était pas un klaxon ordinaire qui le poursuivait avec une sorte de colère et d'effroi mais un meuglement pareil à celui qu'on entend, lugubre et déchirant, dans les ports, les nuits de brouillard. En même temps, il voyait, dans son rétroviseur, la masse rouge et blanche d'un énorme autocar qui fonçait, le visage crispé d'un homme aux cheveux grisonnants et il découvrait que lui-même roulait au milieu de la route.
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Il fallait, aujourd'hui, que cela dure très longtemps et qu'il la voie, telle une morte, les narines pincées, la lèvre supérieure retroussée sur ses dents. Sans la laisser revenir à elle, il recommencerait, inventerait de nouvelles caresses qui lui feraient demander grâce. Ils iraient très loin tous les deux, plus loin que jamais, jusqu'à l'extrême bord du précipice, jusqu'à frissonner de peur et n'en pouvoir revenir.
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