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J'étais toute contente de lire un Simenon. D'autant plus contente que ce n'était pas vraiment un policier, malgré le suspense sous-jacent que l'on ressent à vouloir connaître le fin mot de toute l'histoire. Et ça commençait bien : Un homme a visiblement commis un crime assez grave pour être passé devant un juge d'instruction puis avoir été jugé au cours d'un procès. Cet homme étant médecin (destiné à sauver des vies), on se demande quel concours de circonstance a bien pu l'amener là : un cas de conscience médical ? Une erreur ? Etc… On est donc suspendu au texte qui nous apportera la réponse. Il semble avoir perdu ce procès puisque c'est de la prison qu'il décide d'écrire à son juge d'instruction, pour lui révéler tout ce qu'il n'a pas su lui expliquer en audience ; « son » juge d'instruction, le seul personnage avec qui il a senti une connivence, comme si ce juge-là, qui s'occupait de son dossier, aurait pu le comprendre.
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Eh bien laissez-moi vous dire que, si c'est vraiment le cas, ce n'est pas rassurant ! le roman entier est cette lettre écrite à « son » juge. Ce faisant, l'auteur donne un ton intimiste au récit, propice aux confidences, à la révélation de secrets, l'ambiance est bien posée : l'arrivée dans la vie adulte de ce jeune médecin de campagne, marié un peu par opportunité, qui a des enfants un peu par hasard et sa mère encore à charge. Une vie bien rangée mais sans amour, à part les tromperies par-ci par-là dont il parle comme si c'était normal - un homme des années 50's, dira-t-on pour se rassurer. Ou juste un homme déviant. Seulement les confidences épistolaires deviennent plus profondes au fil du texte et nous amènent à farfouiller d'un peu trop près dans l'âme de cet homme, qui finira par connaître ce qu'il appelle l'amour. Fou.
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Et en effet, le texte est tellement bien construit que, non-seulement il nous tient en haleine jusqu'au bout mais, en plus, on en vient à « comprendre » la « logique » complètement timbrée qui a amené au résultat final. de ces points de vue-là, ce roman est parfaitement conçu et écrit, rien à dire.
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Mais quand je mets des guillemets partout, c'est qu'il y a un lézard. Et pour moi, c'est le thème : le crime et la personnalité du narrateur. Je ne lis jamais de roman sur ce thème parce que je sais que je les déteste. Mais là, pour conserver le suspense, le thème n'était pas clairement explicité. Pour éviter des déconvenues aux gens comme moi, je l'écris en masqué comme ça vous ne lisez que si vous le voulez : Bref. La dernière partie m'a été insupportable à lire, et d'autant plus insupportable que ce malade s'explique pour qu'on le comprenne, en osant justifier ce qu'il fait par une cause noble : !
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Voilà voilà, pour résumer c'est pas mal fait mais le personnage m'est tellement détestable que j'ai lu vite-fait la dernière partie et je vais refiler ce bouquin à une boîte à livres. Maintenant comment noter… 4 pour le texte qui tient en haleine par sa construction, mais 2 pour le plaisir de lecture passé la première moitié plus neutre, tellement la fin m'a énervée ; Quant à savoir si l'effet est réussi tout dépend de l'intention de l'auteur : Si c'était de nous mettre au plus proche de son personnage pour nous amener à ressentir de l'empathie pour lui, c'est loupé : Expliquer sa « logique » ne le rend que plus givré et effrayant. S'il est vraiment en accord avec les pensées de son personnage, c'est encore pire. S'il ne l'est pas, comment a-t-il pu écrire aussi intimement sur ce personnage ? C'est un mystère pour moi, ça a dû être insupportable de se mettre dans la peau de ce personnage (enfin j'espère). Mais si, par ce roman, il entendait plutôt, au contraire, dénoncer un type de comportement que, d'ailleurs, nous continuons de supporter de nos jours, alors là c'est parfaitement réussi. Il reste la possibilité qu'il ait juste choisi ce thème au hasard pour créer une histoire à suspense, et que ça vous plaise car c'est sûrement habilement réalisé : à la fin, la boucle est bouclée, nous avons bien l'explication née de ce cerveau malade. Allez, je mets 3 et on en termine là, mais n'en parlons plus. Simenon, c'est fait. Laissons-là son petit côté désuet qui a fini par bien me saouler. Auteur suivant !
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Parmi les "romans durs" de Simenon, - Lettre à mon juge - est l'un de ses tout meilleurs, un de ceux qui laissent une trace indélébile dans la neige longtemps après que celle-ci ait fondu.
Comme souvent dans ses oeuvres romanesques, cette histoire emprunte une part de son narratif à la réalité biographique de l'écrivain.
"J'ai écrit Lettre à mon juge pour me débarrasser de mes fantômes et pour ne pas faire le geste de mon héros."
En effet, Simenon vient de rencontrer Denise Ouimet qui va devenir sa secrétaire, puis sa maîtresse, avant qu'il n'en fasse sa seconde épouse.
Leur liaison est tumultueuse.
Le talent et la plume du père de Maigret vont se charger du reste.
Du fond de sa cellule un médecin quadragénaire, un bourgeois de province comme les "aime" Simenon, purge une peine de prison pour avoir tué sa jeune maîtresse.
Un crime passionnel ont conclu les jurés, ses pairs, sa famille ou ses proches.
S'il s'était mieux conduit durant son procès, il aurait été acquitté, se persuade son défenseur.
Eh oui, en 1946, un homme qui tuait sa maîtresse sous l'emprise de la passion pouvait passer entre les gouttes de la sanction judiciaire...
Qui plus est si la maîtresse en question avait délibérément fait tout ce qu'il ne fallait pas faire pour exacerber la passion en question et poussé à bout celui qui allait devenir son bourreau.
D'ailleurs, sa seconde épouse, Armande, s'est dite prête à reprendre la vie commune avec son époux adultérin devenu entretemps un assassin jugé aux assises.
Car il y a de la révision dans l'air...
Certains pensent que la place de Charles Alavoine n'est pas à la Santé, mais dans une clinique où l'on s'occuperait de panser les plaies de son âme...
"Je voudrais qu'un seul homme me comprenne et que cet homme soit vous", s'écrit le criminel dans une longue correspondance, un long monologue avec "son" juge, celui qui a instruit son dossier.
Alavoine qui, grâce à son geste irrémédiable, s'est défait de ses oripeaux sociaux, du poids de ses atavismes bourgeois, de leur morale, des mensonges et des postures et impostures qui encarcanent son milieu, clame qu'il a tué "en connaissance de cause et avec préméditation".
Dès lors Simenon autopsie l'âme noire ( pléonasme ? ) du monstre ordinaire qu'est ce grand gaillard d'1m80 pour 90 kg, faible de caractère, fils d'un père alcoolique à la vie dissolue, suicidé alors que son fils était à peine âgé de neuf ans, et qui va, tel un automate vivre une vie sans vie, régentée par deux femmes : sa mère et sa seconde épouse, Armande.
Jusqu'à ce jour un peu avant les fêtes de fin d'année où Charles qui vit à La Roche-sur-Yon en Vendée, se retrouve à Nantes pour y faire les achats et cadeaux de Noël, qu'il ne rate son train et tombe par hasard sur Martine Englebert, jeune Belge qui vient à La Roche pour un emploi de secrétaire et qui elle aussi a raté son train.
Rencontre et amour improbable entre ce toubib "rangé" de province et cette jeune femme maigre, trop maquillée, qui passe son temps à aguicher les hommes.
Et pourtant, entre ces deux "ratés", ces deux antithèses, naît une passion hautement inflammable qui va les consumer.
Cet amour va libérer le vrai Charles et chasser "l'autre" Martine, l'insatiable mangeuse d'hommes.
Le docteur indifférent à tout... même à ses deux filles nées d'un premier mariage, va devenir un écorché vif, une bête humaine jalouse, brutale.
La vampette belge nymphomaniaque va céder la place à une Blandine purifiée par son amour pour le lion qui va lacérer ses chairs jusqu'au sacrifice ultime.
Naturellement, ces deux-là vont envoyer un formidable coup de pied dans la fourmilière des conventions bourgeoise... sans que cela ne change le monde...
L'histoire est passionnante.
Le portrait de la vie provinciale est exécutée de main de maître.
L'étude de caractère est subtile et profonde.
L'utilisation, le prétexte du narratif sous la forme d'une lettre n'est pas seulement "un artifice" d'écriture mais une occasion pensée et maîtrisée de donner un écho, une tonalité singulière à ce roman, permettre au héros assassin de nous ouvrir les portes de sa vérité, de ses vérités aussi enténébrées soient-elles.
Sans ce procédé, il eut été difficile pour l'accusé de dire toute la vérité, rien que la vérité et de ne la dire qu'à celui qui seul compte à ses yeux : "son juge"... à vous à présent les déductions !
Notons que le roman a donné naissance en 1952 au film d'Henri Verneuil - le fruit défendu -... avec un Fernandel dans un de ses très rares rôles sombres.
Et que l'exception confirmant la règle, "c'est la seule et unique fois que Simenon donnera gratuitement les droits d'une de ses oeuvres." pour en faire une pièce de théâtre.
Du grand Simenon !

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L'oeuvre est si vaste qu'il est difficile d'être catégorique mais Lettre à mon juge pourrait être l'un des romans les plus profonds, les plus graves de Simenon. L'un des plus désespérants aussi. de sa geôle le médecin assassin de sa maîtresse écrit longuement à son juge. Très longuement et très "plombement". La province française des années cinquante (ici vendéenne mais peu importe), Dieu sait si nous l'avons lue chez Simenon, tapie et racornie derrière le gâteau du dimanche et le bridge du mardi soir des notables. A nous faire peur, et pour longtemps. La descente aux enfers du Docteur Alavoine, père alcoolique suicidé, mère tout à son dévouement, marié, deux enfants, veuf, remarié, cabinet de campagne, puis un peu plus huppé, labeur incessant, bonheur néant, ne pouvait qu'être inéluctable depuis qu'en gare de de Nantes, en un de ces lieux carrefours des détresses qu'affectionnait tant Simenon, il avait rencontré Martine.

Publié en 1947 Lettre à mon juge est un roman glaçant et empoisonnant, qui distille son venin et sa hargne, sa misanthropie à l'intérieur même d'une carrière médicale honnête. La tempête sous le crâne de Charles Alavoine, balayée de faux semblants et de tristes certitudes, l'emporte au plus loin du drame, près de Martine, pourtant comme une soeur de malheur et qu'un amour réciproque ne sauvera pas de la folie brutale et meurtrière. Plus de soixante ans après sa parution Lettre à mon juge demeure un objet romanesque contondant, certes à sa place dans le carcan simenonien, mais qui relègue les pourtant très "humaines" enquêtes de Maigret au rang de faits divers ordinaires, comme si quoi que ce soit de la vie d'un homme pouvait l'être, ordinaire. On comprend bien que le film d'Henri Verneuil le fruit défendu où Fernandel tenait le rôle, ne pouvait qu'être très affadi, voire défiguré, pour que le célèbre comique accepte d'endosser un peu la défroque de Charles Alavoine. On comprend mieux encore l'écrivain totalement majeur qu'est Georges Simenon.
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C'est mon premier Simenon et le choix de ce livre tient à son titre et mes études juridiques.

Je trouvais intéressant de lire la lettre d'un criminel (au début nous ignorons le crime comis même si la lecture de la 4eme de couverture donne une idée de la situation) au juge d'instruction qui l'a rencontré afin d'établir ou non la préméditation du crime.

Charles Alavoine est médecin. Il est assez bouru et il l'explique lui même par le fait d'appartenir à la 1ere génération post fermier de sa famille.

Pour raconter son crime dont il veut que le juge comprenne enfin les tenants et les aboutissants, parce qu'il a senti en cet homme une faille identique à la sienne ...(le texte ne le prouve pas), le Dr Alavoine nous raconte son enfance, son père alcoolique et aimant les femmes, dilapidant les terres; sa mère digne et acceptant son mari pour ce qu'il était mais désireuse d'un autre avenir pour son fils "prêtre ou medecin" régissant la vie de son fils, son besoin d être utile. Puis il nous explique son premier mariage sans amour mais qui lui a donné 2 filles. Son second mariage sans amour mais qui a donné une mère a ses filles et de l envergure à leur situation.
Et il en arrive à la rencontre de Martine, cette pauvre fille, qui va le toucher au coeur et de ce qu'est l'amour pour lui ; la découverte de l'amour, de la jalousie, du mensonge, de la possessivité et du drame.

La plume est magnifique, le texte profond.
Même si crime passionnel (en droit on retire la conscience de l'acte au moment des faits) ne semble pas correspondre, on a la description ici de l homme tourmenté, de ses fantômes, de ses peurs.
Un homme qu'une femme des années 2022 ne pourrait pardonner mais en ce temps là (années 1945) il faut se rappeler que la femme était encore l objet du père qui passe au mari ...et qui accepte une condition difficile (ah qu'on a envie de le secouer ces femmes en temps que femme d'aujourd'hui).
Si Simenon écrivait de nos jours ce même texte, j'aurais aimé qu'il alterne les points de vue.

Je pense pourtant que le propos n'était pas là et j'ai aimé cette lecture malgré les faits dont il est question tant par le style que par la profondeur, la noirceur aussi du texte.

bonne lecture à tous.
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Avec le personnage de Maigret, Georges Simenon se hisse sans difficulté parmi les très grands du roman policier. Il peut converser sans honte en buvant une tasse de thé avec Agatha et Phyllis ou en fumant sa pipe assis dans un chesterfield avec Raymond, Dashiell, Mickey ou Ross au paradis des auteurs de Romans Policiers (et que tous ceux qui y sont et que je n'ai pas cité ne m'en veuillent pas...). Mais il a aussi les clés du paradis des Ecrivains tout simplement. Attention ! que personne ne s'y méprenne : je ne dis pas que le roman policier est un sous-genre littéraire avec tout ce que cela peut avoir de péjoratif dans le terme. Mais tout simplement comme le disait André Gide : "Simenon est un grand romancier, le plus grand peut-être et le plus vraiment romancier que nous ayons en littérature française aujourd'hui."
Et "Lettre à mon juge" en apporte la preuve indubitable. Ici point n'est besoin de Maigret. Jugé et condamné pour un crime passionnel, le docteur Charles Alavoine développe, dans une longue missive adressée au juge d'instruction qu'il a côtoyé à de nombreuses reprises dans son bureau lors de l'enquête, les motifs qui l'ont poussé à étrangler la femme qu'il aimait. Il réfute le terme de passionnel qui sous-tend un esprit troublé et ne veut être tenu ni pour fou, ni pour irresponsable. Il revendique au contraire la préméditation, comme si une profonde réflexion l'avait conduit à n'envisager la délivrance aussi de bien de la victime que de lui-même que sous cette forme irrévocable et irrémédiable qu'est la mort.
En cent vingt pages seulement, Georges Simenon creuse, avec une précision chirurgicale et un style dépouillé, direct fait de phrases courtes et simples, les tréfonds de l'âme humaine et les travers de la société provinciale bourgeoise. Il nous montre comment un homme faible et soumis d'abord à sa mère, qui a supporté un homme alcoolique et coureur, et qui a voulu en faire un médecin pour s'élever dans l'échelle sociale, puis à sa seconde femme qu'il a épousé sans amour et qui régente la totalité de sa vie, va se transformer et se libérer des carcans qui rendent son existence morne et sans attrait, lorsqu'il trouve l'amour, le vrai, le seul, l'unique en la personne de Martine, un être perdu et meurtri au plus profond de sa chair et de son âme. La recherche éperdue du bonheur par le couple qui repart à zéro dans une banlieue parisienne populaire ne résistera pas à la jalousie maladive de Charles, amant possessif, violent puis criminel.
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Une longue lettre du docteur Charles Alavoine, assassin passionnel, à Maître Coméliau, juge d'instruction. Dans ce courrier, il explique de sa cellule son geste d'amour selon lui ... Un meurtre à tout le moins.

Je t'aime ... Un peu .... Beaucoup ... Passionnément ... À la folie .... Pas du tout ...
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Lettre à mon juge est la longue confession (un des rares romans de Simenon à la première personne) du docteur Alavoine, condamné pour le meurtre de sa maîtresse, au juge d'instruction Cornéliau (ennemi intime de Maigret par ailleurs) expliquant avec une précision étonnante comment un homme somme toute plutôt ordinaire bascule un jour dans une autre vie et subit ce que le sociologue Bernard Lahire appelle une « rupture de trajectoire ». Thème que l'on retrouve par exemple dans L'homme qui regardait passer les trains, Maigret et le clochard ou Maigret et l'homme du banc.

Homme d'origine modeste, Charles Alavoine réussit sa médecine et grimpe dans l'échelle sociale, ce qui ne l'empêche pas de ressentir un immense sentiment de malaise. Car cet homme soumis, à sa mère d'abord, à sa seconde épouse ensuite, s'est laissé installer par lâcheté et par vanité dans une vie qui ne le satisfait finalement pas. Et la réussite et la reconnaissance débouchent soudain sur un sentiment de vide : « Je continuais à accomplir les gestes de tous les jours. Je n'étais pas malheureux, ne croyez pas cela. Mais j'avais l'impression de m'agiter à vide. ». C'est sa rencontre avec Martine, une femme de mauvaise vie qui cache de nombreuses blessures et qui deviendra sa maitresse, qui lui permettra enfin de quitter un milieu auquel il n'a finalement jamais souhaité appartenir pour repartir à zéro, pour se « déclasser » en quelques sorte. Pour se perdre aussi, jusqu'au drame final.

Ce qui pourrait n'être qu'une banale histoire de « ménage à trois » aborde plusieurs thèmes récurrents chez Simenon : le décalage social (un médecin issu d'un milieu modeste peine à se situer dans une société d'héritiers, ou comment la « première génération montante » ne s'est pas encore intégrée à une bourgeoisie plus ancienne) ; la difficulté de vivre avec une épouse qui domine socialement et culturellement son mari et vit son mariage comme un déclassement (Alavoine écrit que son sourire est empreint d'une « ironique condescendance » ; la jalousie, surtout sexuelle (cf. Les vacances de Maigret) ; le besoin de communiquer (« Mon juge, Je voudrais qu'un homme, un seul, me comprenne. Et j'aimerais que ce soit vous. ») ; le procès d'assises considéré comme un spectacle de la justice ne voulant pas voir ce qui importe dans un crime. Cela donne un des romans les plus graves et les plus sombres de Simenon, un livre dont on ne sort pas tout à fait indemne.
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Petite mise en garde.
A celles et ceux qui espéreraient juste une critique, un avis ou un résumé du livre, passez votre chemin et n'allez pas plus loin dans la lecture de ce billet, vous y trouverez de tout sauf ça.
J'avais envie d'essayer de transmettre ce qui guide mes choix de lecture et les liens que j'essaie de tisser et qui se construisent d'un livre à l'autre. Il y a bien sûr les avis, les échanges et les recommandations d'amis et connaissances mais pourquoi précisément tel livre à tel moment?
Je ne crois pas vraiment au hasard et j'ai plaisir à essayer de trouver des signes, des petites passerelles qui peuvent expliquer le pourquoi du comment je suis passé de ce livre ci à celui-là. C'est parfois simplement l'envie de passer à un livre court après avoir lu un pavé. C'est un jeu un peu idiot mais j'aime ça. Ne m'en voulez pas mais j'ai envie de me laisser aller à mes divagations.

Et donc, comment expliquer qu'après avoir lu "Crime et châtiment", j'en sois arrivé à "Lettre à mon Juge" de Simenon? du plus court, du plus léger sans pour autant tomber dans la niaiserie.
Ce qui est particulier, c'est que MAIGRET ne m'évoque pas vraiment de bons souvenirs. Sans en avoir lu, je trouve que c'est poussiéreux, lent, sans action. Ça me rappelle des dimanches pluvieux devant la télévision avec ma mère. Elle aimait bien Jean Richard et Bruno Cremer. Moi, en général, je m'endormais aussi rapidement que devant une étape du Tour de France.

Et alors? Il est où le lien?
J'y arrive. Comme il ne m'a pas laissé de bons souvenirs télévisuels, pourquoi donc essayer les romans? Parce que j'ai découvert que son oeuvre ne se limite pas à son commissaire. Il y a aussi ses "romans durs" dont "Lettre à mon Juge", considéré par certains comme ce que Simenon a produit de mieux. Je ne peux pas émettre d'avis éclairé puisque j'en suis à mon premier Simenon.

Je sais, le rapport avec Dostoïevski?
J'ai cherché quels étaient les acteurs qui avaient interprété le rôle de Maigret au cinéma et à la télévision hormis les deux pré-cités.
Gabin bien-sûr, plus récemment Gégé Depardieu mais aussi Harry Baur et Charles Laughton entre autres. Ma mère adorait Harry Baur. Taras Boulba, Raspoutine, Jean Valjean… et, je vous le donne dans le mille, il a joué le rôle du Juge PORPHYRE dans "Crime et châtiment.
Moi, je vénère Charles Laughton, le capitaine Bligh dans "Les révoltés du Bounty". le vieux hein, celui avec Clark Gable, pas la version avec Marlon Brando. Et puis c'est le réalisateur d'un unique film. Mais quel chef d'oeuvre, "La nuit du chasseur", vous voyez. Les lettres LOVE and HATE tatouées sur les phalanges du pasteur, ça vous dit quelque chose ?
Et il se fait que ces deux acteurs ont tous les deux tourné une adaptation de "La tête d'un homme" en endossant le rôle du brave Jules.
Et, le personnage de Radek est directement inspiré de Raskolnikov. Marrant, non?
Il va sans dire que j'ai ajouté "La tête d'un homme" dans mon pense-bête et ce sera mon premier Maigret.

En conclusion, je dirais que comme tout le monde je crois, on s'interroge sur la psychologie de l'assassin. Tout le monde aimerait comprendre ce qui se passe dans la tête de Ted Bundy, Guy Georges ou Francis Heaulme. Et le succès des séries et des comptes rendus d'entretiens avec des "Serials killers" le démontre bien.

Et donc, qu'ai-je pense de "Lettre à mon Juge"?
Une confession, une longue lettre du docteur Charles Alavoine au Juge d'instruction Ernest Coméliau qui explique les raisons ou les motivations qui l'ont poussé à assassiner sa maîtresse, Martine. Une folle passion amoureuse, dévorante vue du côté de l'homme. Cette lecture m'a fait penser a beaucoup d'égards aux "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme" de Stefan Zweig.
C'est une lecture franchement agréable, pas noeud-noeud, loin de là et s'agissant d'explorer les tréfonds de l'âme humaine dans ce qu'elle a de plus sombre, de plus mystérieux et de plus noir, il sait faire Simenon.
Il est inexcusable le toubib mais vivre dans la même maison avec ses deux filles nées d'un premier lit, sa mère qui choisit pour lui sa deuxième épouse, Armande, femme castratrice qu'il n'a jamais vraiment aimé et sa maîtresse, c'est peut-être un peu compliqué …

Okay, ça n'excuse rien.
COMPRENDRE MAIS PAS JUGER.
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Un homme en prison décide d'écrire à son juge d'instruction, révolté de ce qui s'est dit durant son procès. Non qu'il conteste le verdict ou qu'il nie le meurtre, non, mais il réfute les circonstances atténuantes ou l'attitude cynique qu'on lui prête. C'est pourquoi il a décidé de donner son point de vue sur l'affaire à l'homme qui a su l'écouter longuement durant l'enquête. Charles Alavoine, élevé par sa seule mère, a suivi ses directives et est devenu médecin de ville, non par passion mais par obéissance. Tout comme il s'est marié peu après son installation avec une jeune femme quasiment choisie par sa mère, qui lui donnera deux filles. Mais un troisième accouchement sera fatal à sa femme, qui restera pour lui, une inconnue. L'apparition d'Armande, qui sera sa seconde épouse, ne changera pas beaucoup son parcours. La femme remplacera la mère pour régenter chaque aspect de sa vie. Passé la quarantaine, Charles vit la vie d'un bourgeois de province bien comme il faut, selon les convenances, sans aspérités, sans excès, sans plaisirs non plus. Jusqu'à la rencontre avec Martine, sur le quai d'une gare, après avoir raté tous deux le même train. Cette jeune femme, qui fume, boit, fréquente des bars le soir, a déjà connu des hommes et a même avorté, représente pour Charles l'interdit et la liberté qu'il n'a jamais connus. Après une nuit de boissons et de sexe, Charles de retour au foyer décide, avec la complicité involontaire de son épouse, de la faire s'installer sous son toit. Mais sa passion pour la jeune femme sera sans limite et l'amènera rapidement à leur perte. Roman épistolaire, donc, Lettre à mon juge est une critique sans concession de la bourgeoisie provinciale de l'époque, de son hypocrisie, de son apparente bienséance. Mais ce besoin de liberté et de passion de Charles Alavoine n'est-il pas non plus une excuse toute trouvée pour la violence de son attitude et la sécheresse de ses sentiments ? Un drame psychologique où Simenon développe en moins de 200 pages une intrigue solide, des personnages complexes et subtils vivant dans un univers bien précis, une analyse sociétale fine, rien que ça ! Un concentré de talent, donc !
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"J'aurais voulu..."

Charles Alavoine, médecin à La Roche-sur-Yon, a quitté femme et enfants pour sa jeune maîtresse, Martine. Alors qu'il atteint au bonheur, il étrangle cette dernière parce que "c'était le seul moyen d'en sortir." Purgeant sa peine en prison, il écrit une longue lettre de connivence à son juge : il y revient sur son enfance, sa vie d'homme, sa rencontre déterminante avec Martine Englebert et l'amour absolu qui l'a alors submergé.

C'est une vague scélérate qui heurte, emporte et engloutit le docteur Alavoine. Jusqu'à lors il menait sa barque sur une mer étale, une morne bonace, sans embruns ni amertume. Une enfance terne, un premier mariage évanescent, un second, tout de raison, une chasteté contrainte : la mort lente... Soudain, une lame traîtresse, stupéfiante de violence, anéantit le frêle esquif : deux épaves sur les flots, Charles et Martine.

Elle, trimballait son petit visage chiffonné et son âme charbonnée de lit en lit, en quête d'une innocence retrouvée. Lui, s'étiolait, le coeur anesthésié, sans autre horizon qu'un néant cotonneux. La passion qui les dévore est édénique. Ensemble ils se dépouillent de leurs oripeaux : il se débarrasse de ce qui l'encombrait, elle retrouve sa virginité de petite fille. Dans les bras de Charles, Martine connaît enfin le plaisir et seule une vilaine cicatrice vénérienne (" Out, damned spot! Out, I say!") rappelle ses errements passés. Les amours chiennes des deux protagonistes (entre coups et caresses) sont d'une rare impudeur et leur course haletante au bonheur semble condamnée par contumace.

La mise à mort inopinée, brutale de Martine, gracile martyre consentante sur le bûcher de l'absolu, met fin à la lancinante douleur de Charles : acmé d'une passion suprême ou délire paranoïde ? Simenon laisse son lecteur trancher dans le vif.

Formellement impressionnant, "Lettre à mon juge" -le romancier en son miroir- dissèque la trajectoire d'un incompris (comme celles, déjà, de Kees Popinga ou Joris Terlinck). Charles a vécu par procuration, accumulant les "Pourquoi ?" sans réponse. Il lui faudra tuer celle qu'il aime pour enfin trouver un sens à son existence.

Sec et moite tout à la fois, le récit angoisse par ce qu'il révèle de nos insatisfactions et Simenon y tisonne les cendres encore rougeoyantes de nos vieilles frustrations.

Un immense petit roman !
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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