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Critique de SZRAMOWO


Trois sublimes enquêtes de Maigret dans ce recueil :
La folle de Maigret
Une vieille dame implore Maigret de la sauver d'un danger : les objets bougent chez elle, on la suit... Est-elle folle ? Elle n'en a pas l'air. Pourtant, Maigret se décide trop tard : la veille dame est étranglée dans son appartement. Meurtre sans préméditation, dû peut-être à la panique d'un voleur ? Elle n'avait pas d'argent. Mais des traces d'huile dans un tiroir signalent la disparition d'un revolver.
Maigret et Monsieur Charles
Nathalie Sabin-Levesque vient demander à Maigret de retrouver son mari disparu depuis plus d'un mois. le commissaire commence une enquête qui va le conduire auprès des domestiques des Sabin-Levesque, des amis (juristes et médecins) du notaire disparu et dans le milieu des boîtes de nuit des ChampsElysées. Il peut alors mesurer la profondeur du désaccord qui existait entre les époux. En quinze ans de mariage, les Sabin-Levesque n'ont pratiquement jamais mené la vie d'un couple uni : Nathalie s'est sentie rejetée par l'entourage de son mari et a compris qu'elle comptait très peu dans sa vie ; elle s'est mise à boire et n'a rien fait pour améliorer la situation du ménage.
Maigret et l'homme tout seul
En 1965, un homme est trouvé mort dans une chambre abandonnée du quartier des Halles. C'est un clochard vivant dans une telle solitude que personne ne sait rien de lui. Patiemment, Maigret va rechercher sa famille et scruter son passé. Il s'appelle Marcel Vivien, était ébéniste à Montmartre et a quitté, un jour de 1945, travail et famille pour suivre une jeune fille.
Ces romans, écrit entre 1970 et 1972 présentent plusieurs points communs :
Dans chacun de ces romans des mondes, des époques et des personnages, souvent antagonistes, se côtoient, se confrontent sous l'oeil observateur et attentif de Maigret-Simenon. Souvent, les faits qui se produisent dans les années 1960 ont leur origine dans l'immédiat après-guerre qui a marqué le parcours social des personnages.
Maigret et l'homme tout seul : 1965 à Paris, le quartier des Halles vit ses dernières années, Rungis est déjà en construction, la décision de déménagement prise en 1962 ne sera effective qu'en 1969, mais dans le quartier beaucoup d'immeubles sont démolis en prévision des futurs aménagements. Un monde disparait que Simenon nous décrit avec sobriété, émotion et précision.
«Il régnait une odeur de poussière et de pourriture avec, en plus, le relent des Halles. »
« A mi-chemin s'amorçait un escalier et deux plaques d'émail étaient fixées au mur qui avait été jadis peint en vert mais qui était devenu d'une teinte indéfinie.
Joseph
École de coiffure et de manucure
Veuve Cordier
Fleurs artificielles
Ici aussi une flèche désignait l'escalier mais était accompagnée des mots Deuxième Étage. »
Marcel Vivien, un ancien entrepreneur de peinture a disparu depuis 1946, mais la police n'en est informée que lorsqu'elle apprend qu'il n'est autre que le clochard assassinée dont le cadavre est découvert dans un immeuble insalubre de la rue du Vieux Four.
Après avoir suivi à la trace la vie de Marcel Vivien clochard, Maigret comprend qu'il doit mener son enquête en essayant de découvrir quelle a été la vie de Vivien lorsqu'il a abandonné le domicile conjugal en 1946.
Maigret et Monsieur Charles : le notaire policé Sabin-Levesque ne s'est jamais départi de sa gouaille et de son insouciance d'étudiant privilégié, réussissant sans travailler et faisant la fête plus qu'à son tour. Il sait qu'il héritera de l'étude de notaire de papa…
Notaire irréprochable le jour, il devient Monsieur Charles la nuit, fréquentant des boites de nuit au nom évocateur le Cric Crac, le Chat Botté, la Belle Hélène…
A chacune de ses virées nocturnes, qui se font de plus en plus fréquentes et de plus en plus longues, il embarque une entraîneuse, Zoé, Martine, Sonia,… avec laquelle il passe plusieurs jours filant le parfait amour ou ce qui lui ressemble pour lui.
La folle de Maigret : Quelle abime sépare Angèle Louette, la masseuse massive, hommasse fait dire Simenon à Maigret, seule avec un fils, obligé de trimer dur passé 55 ans, sa vieille tante Léontine Antoine de Caramé, deux fois veuve, jouissant des confortables pensions de ses époux décédés et Billy Louette le fils guitariste d'Angèle vivant d'amour, d'eau fraiche et de musique, préfigurant à la mode Simenon l'esprit de 1968 !
« Une dizaine de couples mangeaient, surtout des spaghettis qui semblaient être la spécialité de la maison. (…) le commissaire n'y connaissait rien en pop-music, mais celle-ci ne lui semblait pas plus mauvaise que celle qu'il entendait à la radio ou à la télévision. Les trois garçons y allaient de bon coeur et finissaient par atteindre à une sorte de frénésie. »
L'autre point commun à ces trois Maigret, est l'opposition entre la femme abandonnée (Angèle Louette, Nathalie Sabin-Lévesque et Madame Vivien) et la femme libre, le plus souvent corruptrice et proie de l'homme en recherche de nouveauté.
Dans l'homme tout seul, Nina Lassave, en sortant simultanément en 1946 avec Louis Mahossier et Marcel Vivien provoque le drame de 1965.
Dans Maigret et Monsieur Charles, Nathalie Sabin-Levesque ronge son amertume dans l'alcool, après avoir été Trika, la femme libre et anonyme, elle devient l'épouse délaissée…
Autre lien entre ces trois Maigret, le contrepoint apporté par la vie du couple Maigret, faite de complicités implicites, de bonheurs simples, d'allégresse sans fard, aux vies chaotiques des personnages.
« - Comme tu n'es pas rentré à midi, je t'ai réchauffé le ragoût d'agneau
- Tu as bien fait.
(…)
- Tu ne voudrais pas faire une promenade ? Il dit oui. Ils descendirent vers la Bastille où ils s'assirent à une terrasse.
(…)
Il haussa les épaules et se faufila entre les guéridons. Sur le trottoir, Mme Maigret accrocha son bras au sien. le boulevard Beaumarchais. La rue Servan. Puis le boulevard Richard-Lenoir et leur bon vieil appartement. »
Dans ces trois Maigret l'écriture de Simenon intègre avec brio les événements qui façonnent désormais la société française, la liberté des moeurs, la télévision, l'évolution des activités économiques, et brosse le portrait de personnages qui se trouvent privés de leurs repères habituels.
A lire.
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