Sont exposées ici deux études sociologiques courtes développant l'idée selon laquelle les hommes vivant dans les villes modernes se détachent du monde tout en y étant plus intimement liés. Si l'on est déterminé à ignorer son voisin de pallier, c'est que la proximité qui nous lie à son individualité nous inquiète dans la mesure où ce rapprochement implique une perte de notre autonomie. A l'expliquer à un citadin, on peut encore se faire comprendre et pourtant cette idée affole l'habitant de la campagne qui nous ferait presque passer pour des monstres. Si nous devions avoir des égards pour tous les habitants de la cité galopante nous serions aliénés par la trop grande quantité d'information absorbée, sans compter que nos temps de trajet seraient rallongés de beaucoup. En quelque sorte nous protégeons notre individualité en étant indifférents aux autres.
Je suis moins d'accord avec Simmel sur le caractère «blasé» qu'il retrouve chez les citadins : certes on se blinde en se coupant de pas mal d'émotions, les sensations peuvent s'émousser à certains moment. Mais aucun autre espace sur terre ne concentre une énergie et une diversité aussi grandes que les villes. Souffrant d'une réputation sulfureuse depuis l'antiquité, elles offrent pourtant tous les ingrédients nécessaires à notre émerveillement.
L'étude sur la sociologie des sens met en perspective la contribution de nos sens dans la construction du rapport aux autres, spécifiquement dans les grandes villes modernes. L'apport de Simmel prend un coup dans l'aile lorsqu'il expose la complétude de l'ouï par rapport à la vue qui ne donne qu'une perception partielle : on ne peut pas se boucher les oreilles (du moins on évite) alors que l'on peut diriger notre regard là où l'on veut. Un siècle plus tard le rapport des sens a subit une révolution puisque aujourd'hui, grâce aux portables et aux casques, les citadins sont coupés du monde en pleine ville. Autistes mais canalisés et inoffensifs.
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