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Critique de MissVio


C'est avec Gemma Bovery que l'on a découvert en France la dessinatrice de presse et illustratrice britannique Posy Simmonds. Cette bande dessinée, publiée d'abord en feuilleton dans The Guardian, mérite plus qu'aucune autre le nom de "roman graphique", car le texte y envahit tout l'espace laissé libre par les dessins. Son sujet aussi est éminemment littéraire, puisqu'il s'agit d'un détournement de Madame Bovary.

Gemma n'en peut plus de la vie londonienne. Elle a un chagrin d'amour à oublier et un nouveau fiancé à éloigner de son ex-femme et de ses enfants. C'est ainsi qu'après avoir épousé Charlie Bovery, elle le convainc d'acheter une maison en Normandie, non loin de Rouen, et d'aller s'y installer. A Bailleville, ils deviennent les voisins de Raymond Joubert, le boulanger grand amateur de littérature, que les noms de ses nouveaux voisins ne vont pas laisser indifférent...

L'idée forte de Posy Simmonds dans ce détournement du roman de Flaubert est de déplacer le bovarysme de Gemma à Joubert. Car c'est lui dans le roman graphique qui a lu trop de livres au point de voir le monde à travers eux et d'attendre de la vie qu'elle se conforme à la fiction. C'est lui aussi, l'ex-éditeur parisien, qui s'ennuie en Normandie et devient voyeur de sa voisine, comme pour vivre par procuration la vie d'aventures qui est la sienne. Gemma, quant à elle, est plutôt heureuse (même si elle aussi s'ennuie rapidement en Normandie). Et si nous savons dés le début qu'elle va mourir comme son modèle, sa fin sera amusante et ridicule, mais absolument pas tragique.

Au-delà de la thématique littéraire, il y a une dimension satirique au roman graphique de Posy Simmonds. Elle s'y moque gentiment de ses compatriotes, de cette tendance très contemporaine qu'ont les Anglais à acheter des maisons en France, alors qu'ils ne parlent pas un mot de français, ignorent tout de la culture française (qu'ils réduisent aux vins et aux fromages) et n'ont pas vraiment envie de fréquenter les autochtones.

Bien sûr je suis allée voir au cinéma l'adaptation qu'a réalisée Anne Fontaine de Gemma Bovery. J'y ai prolongé très agréablement le plaisir de cette relecture. le charme du film provient en grande partie de son casting. La pulpeuse Gemma Aterton (qui avait déjà incarné Tama Drewe) apporte une sensualité que son personnage de bd n'avait pas vraiment (Anne fontaine exploite d'ailleurs cet aspect jusqu'à l'outrance). Quant à Fabrice Lucchini, il apporte à son personnage sa propre passion pour la littérature. On croit donc à fond à son personnage, qui semble vivre beaucoup plus en littérature que dans le monde réel. La fin du film, tout en s'inspirant de celle de la bd, est plus enlevée, plus drôle. Gemma Bovery au cinéma est donc une très sympathique comédie, qui devrait même donner envie aux plus jeunes de lire Madame Bovary...

Malgré tout, pourquoi ma préférence va-t-elle toujours à la littérature ? Pourquoi une oeuvre littéraire, même graphique, a-t-elle toujours plus de force pour moi que le meilleur des films ? Dans le film, tout paraît atténué. La dimension satirique a pratiquement disparu (il n'en reste plus que le personnage de snobinarde jouée par Elsa Zylberstein). Au cinéma, Gemma Bovery a perdu de son mordant, sans doute parce que Posy Simmonds est beaucoup plus impertinente qu'Anne Fontaine, ou parce que le cinéma n'est jamais qu'une pâle imitation de la littérature.

Lien : http://liresurunbanc.wordpre..
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