Jeune indien de la tribu des lakotas, Paha Sapa, alias «
Collines Noires », n'a que 11 ans quand survient la dernière grande victoire indienne de la Conquête de l'Ouest : la bataille de Little Big Horn où le général Georges Amstrong Custer et 267 hommes du 7e régiment de cavalerie trouvèrent la mort sous les tomawaks et les flèches sioux et cheyennes. Trop jeune pour participer aux combats, Paha Sapa ne l'est pas assez pour résister à la tentation de se rendre sur le champ de bataille après le massacre, une initiative qui va se révéler très malvenue puisque en touchant le corps d'un officier mourant, l'enfant absorbe accidentellement l'esprit de l'agonisant – « Longs Cheveux » Custer en personne ! A sa grande consternation et à celle des siens, voici l'enfant forcé de partager son esprit et ses souvenirs avec ceux du fantôme du colonel défunt, un fantôme particulièrement teigneux, épouvantablement bavard et peu disposé à se faire exorciser.
Cet incident va également réveiller le don de divination en sommeil de Paha Sapa et provoquer chez l'enfant un rêve terrifiant : celui de quatre géants de pierre taillés dans le roc des
Collines Noires, le site sacré des nations indiennes auquel le jeune garçon doit son nom, et dévorant tout sur leur passage, indiens, animaux, végétaux… Terrorisé, Paha Sapa n'a plus qu'une seule idée en tête : vivre assez longtemps pour voir se réaliser sa vision et pour détruire les quatre gigantesques statues dont l'édification, il en est certain, signera la défaite finale et l'irrévocable perte de son peuple.
S'il faut reconnaître quelque chose à
Dan Simmons, c'est que celui-ci n'a pas peur de s'éloigner des sentiers battus de la littérature fantastique ! Après nous avoir entrainé au fin fond des glaces arctiques avec «
Terreur », puis dans les bas-fonds du Londres du XIXe siècle avec «
Drood », c'est à l'Histoire américaine que le romancier se mesure maintenant et, plus précisément, celle de la Conquête de l'Ouest. A travers la longue et mouvementée existence de Paha Sapa, de la petite enfance de celui-ci à son ultime et désespérée tentative de destruction des quatre statues du Mont Rushmore en 1936, c'est tout un pan de l'épopée des Etats-Unis que Simmons fait revivre pour nous et ceci avec un luxe de détails à faire rougir d'envie un historien. C'est d'ailleurs dans cette accumulation parfois abusive d'anecdotes véridiques que réside le principal défaut de son récit,
Dan Simmons résistant parfois difficilement au plaisir de raconter l'Histoire avec un grand H plutôt que de nous raconter « une » histoire, perdant ainsi en rythme ce qu'il gagne en richesse narrative. Autre point noir – mais celui-ci tout à fait indépendant de la volonté de l'auteur : une traduction de qualité assez moyenne et pas toujours très judicieuse, notamment en ce qui concerne les lieux et les noms indiens.
Ces défauts mis à part, «
Collines noires » n'en reste pas moins une oeuvre valant le coup d'oeil, porteuse d'une réflexion tout à fait fascinante et dépourvu de manichéisme sur le choc et la lutte des civilisations, forcées de se détruire mutuellement pour pouvoir survivre et évoluer, doublée d'un hommage touchant à la culture amérindienne. le tout donne un roman tout à fait recommandable, ambitieux et subtil qui devrait satisfaire tous les amateurs d'Histoire américaine : pas le meilleur livre de
Dan Simmons mais un bon cru tout de même.