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Critique de Pris


Pris
22 novembre 2020
Je viens juste de terminer le Cinquième Coeur de Dan Simmons.
Qu'est-ce qu'il a pu me mettre en rogne!
Mon mari m'a entendue grommeler tout le week-end des phrases du type 'mais pour qui il se prend celui-là?', 'et puis quoi encore?', 'euh Samuel Clemens c'est bien Mark Twain?', 'Mince 576 pages, dire que je ne vais même pas pouvoir le passer en Pavé dans le Challenge!', 'c'est une nouvelle de Henry James, ça?' etc.
Plusieurs choses m'ont prodigieusement agacée. le Narrateur a provoqué mon premier pincement de lèvres; il intervient au tout début pour étaler sa science sur Henry James avant d'avouer n'avoir aucune idée de la raison pour laquelle il tente de se suicider à ce moment-là au bord de la Seine, provoquant ainsi la rencontre avec Sherlock Holmes. le Narrateur disparaît et revient à deux reprises si je ne me trompe, une première fois pour parler du point de vue narratif et annoncer qu'il va désormais raconter l'histoire du point de vue de Holmes... ce qui ne dure que quelques pages. Puis, bien plus tard dans le livre, il nous joue le même tour qu'au premier chapitre: moi, pauvre Narrateur, ne sait pas ce que fait Henri James pendant ce temps... (bon, à ce niveau du livre je ne pinçais plus les lèvres, je grommelais, carrément).
Ensuite, l'auteur démonte allègrement les Aventures de Sherlock Holmes de Conan Doyle, avec une certaine délectation (c'est là qu'est apparu le premier 'mais il se prend pour qui celui-là?'). Evidemment que quelques-unes des nouvelles sont mal construites et tirées par les cheveux! Pas besoin de se taper la lettre A de l'Encyclopedia Britannica pour ça! J'ai trouvé ça assez petit de la part de Simmons. Je me suis consolée en me disant qu'il avait quand même aimé suffisamment les oeuvres originales pour en faire un pastiche. Mouais...
Le personnage de Sherlock Holmes a ensuite été entièrement détricoté: le Canon ne plaisant pas à l'auteur, les frères Holmes sont devenus des enfants des rues des mauvais quartiers londoniens avec un bref passage à la campagne histoire de rejoindre un tant soit (très) peu les éléments biographiques donnés au compte-gouttes dans les oeuvres originales (la fameux Canon) ; Sherlock n'a rien d'un gentleman mais a été acteur - ce qui colle assez bien avec le personnage original, j'ai fini par l'admettre à contre-coeur - , il a été très jeune en Amérique et parle lakota, ce qui va lui servir lors de l'exposition universelle de Chicago où un chaman le met en garde très précisément contre son ennemi. Sans compter le clou du clou: figurez-vous que Sherlock Holmes se demande s'il est un personnage réel ou un personnage de fiction! Thème qui est de plus en plus galvaudé, ne serait-ce que dans Sherlock Holmes aux Enfers de Nicolas le Breton que j'ai lu il y a quelque temps .
Enfin, comme tout bon Etatsunien qui se respecte, il a fallu absolument que Dan Simmons place cette aventure aux Etats-Unis. Déjà que les scénaristes et écrivaillons hollywoodiens et étatsuniens nous ont fait le coup à plusieurs reprises (bon, Conan Doyle l'a fait dans La Vallée de la Peur mais lui en avait le droit). Hors de l'Amérique, point de salut! Merci à J.K. Rowlins d'avoir résisté à la Warner qui voulait faire parler Harry Potter avec un accent américain et placer l'action aux Ussas ! (elle a cédé sur Les Animaux fantastiques, mais je digresse, je digresse). Aux States, M. Holmes ne rencontre que du beau monde en plus de Henry James, il fait la connaissance notamment de Mark Twain et, par digression de celui-ci Simmons nous présente même Harriet Beecher Stowe, Theodore Roosevelt -très antipathique d'ailleurs-, l'explorateur Clarence King, le vice-président des Etats-Unis, le Tout-Washington et même le chef cuisinier Charles Ranhofer fait une courte apparition à Washington, quittant opportunément son fameux restaurant newyorkais Delmonico's.

Malgré ou à cause de tous ces éléments j'ai lu le Cinquième Coeur jusqu'au bout car je n'ai pas pu m'en empêcher -il y a tout de même une enquête policière!- et aussi à cause de Henry James. J'ai lu très peu d'ouvrages de celui-ci et j'ai trouvé très intéressante la manière dont Simmons dépeint la relation complexe et distante qu'il entretient avec son frère, le psychologue William James, dont l'ombre l'écrase, ses déboires et ses remises en question d'auteur.
En soit, le Cinquième Coeur n'est pas un mauvais livre, mais le pastiche en lui-même n'est pas réussi, prenant trop à rebrousse-poil les amateurs de l'original, et la réflexion sur la Littérature et la réalité de l'être n'est pas convaincante.
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