AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,22

sur 122 notes
5
8 avis
4
8 avis
3
1 avis
2
2 avis
1
0 avis
Ouvrir l'Acacia de Claude Simon pour en entamer la lecture, c'est vivre une expérience inédite de lectrice dès les premières lignes et ce fut mon cas.

Au fur et à mesure que j'avançais dans ma lecture, je percevais, malgré mon état de stupéfaction, qu'il se passait quelque chose sous mes yeux d'inhabituel. La qualité de l'écriture, son réalisme, les longues phrases, suscitaient en moi de nombreuses images sans que je puisse maîtriser les scènes qui se déroulaient sous mes yeux. Je restais médusée devant ces femmes qui parcouraient les sentiers dévastés par la Grande Guerre. Je comprenais bien qu'elles étaient à la recherche d'une tombe, d'un lieu, dans ce paysage apocalyptique. L'une d'entre elles devait être la veuve mais je restais médusée, j'étais aux portes de l' Hadès. Je lisais, totalement fascinée, ces longues phrases sans fin qui me projetaient en 1919.

La première idée qui me vint fut d'associer cette écriture aux phrases sans fin de Marcel Proust. Mais leur point commun s'arrêtait là bien que tous les deux fussent des auteurs du temps qui passe, de la mémoire.

L'écriture de Marcel Proust dégage une sensibilité, une musicalité, une grande délicatesse d'où émane la beauté dans le souci du détail qui se veut gardien du temps qui passe. L'écriture de Claude Simon est visuelle, époustouflante, impétueuse, rude, indéfinissable devant toutes les sensations qu'elle provoque.

Autant avec Marcel Proust, je suis dans mon élément. Au fil du temps, il est devenu un ami. Autant avec Claude Simon, je me sens démunie pour définir cette écriture. Je lis, je m'arrête devant cette écriture inhabituelle. Je suis bousculée dans cet ordre chronologique qui n'est pas respecté. Je passe de 1919 pour repartir en URSS, pour revenir en 1939, puis en 1914, et un détour en 1982, rien de conventionnel mais les chapitres sont datés. Si là aussi il s'agit de réminiscences, l'auteur excelle à perdre son lecteur comme parfois, notre mémoire ricoche d'un souvenir à un autre, sans que l'ordre chronologique intervienne, juste par association d'idées.

Mais je suis comme envoûtée, admirative. Il faut imaginer deux pages rédigées de main de maître, sans point, ponctuées de virgules et de quelques parenthèses, où défilent avec une minutie de « dentellière » les personnages, le paysage, les qualificatifs, les qualités ou les comportements des personnages, des animaux, des comparaisons qui inspirent imagination et réflexion..

Claude Simon fut aussi photographe. Est-ce l'oeil exercé du professionnel qui provoque cette symbiose entre la lecture de toutes ces descriptions, ces périphrases et notre intellect ?
L'auteur nous prend en otage afin de nous faire appréhender la réalité de la guerre qu'elle soit Grande ou Drôle. Je retiendrai dans l'Acacia son réquisitoire sous jacent contre la guerre, l'armée et ses officiers, comme son regard incisif, teinté d'ironie, qui transperce l'être humain sans aucune concession. Il interroge ce dernier sur sa tendance à la guerre en mettant en scène le destin d'une famille au travers des épreuves du XXème siècle.

Cette écriture tient du prodige. Il y a des scènes inoubliables comme celles de la déclaration de guerre de 1939 et le départ de tous ces hommes délaissant leurs épouses, leurs fiancés, leurs parents ou leurs enfants. Je me suis trouvée projetée sur ce quai de gare, je pouvais entendre les bruits, les paroles, les pleurs, j'aurais pu agiter mon mouchoir. Impressionnant !

Prix Nobel 1985, j'ai pu lire quelques extraits de son discours de Stockholm où il relate les évènements auxquels il a assisté. On retrouve ainsi la justification de ses écrits.

Son père, militaire, est mort très jeune, en 1914, près de Verdun alors qu'il n'a que quelque mois. Sa mère est décédée, quelques années après, en 1925, d'un cancer. L'auteur étant né en 1913, il est mobilisé en 1939. Il expérimente l'armée et se retrouve prisonnier des Allemands. Auparavant, il avait rejoint les républicains espagnols.

Le titre de ce livre m'a interpellée. L'Acacia dont le bois est imputrescible, symbolise la régénération, l'immortalité. A la toute dernière page, il est écrit :

« Un soir, il s'assit à sa table devant une feuille de papier blanc. C'était le printemps maintenant. La fenêtre de la chambre était ouverte sur la nuit tiède. L'une des branches du grand acacia qui poussait dans le jardin touchait presque le mur, et il pouvait voir les plus proches rameaux éclairés par la lampe, avec leurs feuilles semblables à des plumes palpitant faiblement sur le fond des ténèbres, les folioles ovales teintées d'un vert cru par la lumière électrique remuant par moment des aigrettes, comme animées soudain d'un mouvement propre, comme si l'arbre tout entier se réveillait, s'ébrouait, se secouait, après quoi tout s'apaisait et elles reprenaient leur immobilité ».

Je tiens à remercier Anna dont le retour de lecture a retenu toute mon attention. Sans elle, l'Acacia dormirait encore sur mon étagère, tant j'étais persuadée de l'avoir lu !
Commenter  J’apprécie          8245
Quand j'ai lu L'Acacia pour la première fois, c'est à peine si j'avais entendu parler de son auteur. Je ne savais pas s'il était vivant ou mort, j'ignorais complètement qu'il avait reçu le Nobel. En revanche, j'avais appris, je ne sais trop comment, qu'il vouait une grande admiration à l'oeuvre de Proust. Et c'est ça qui m'a donné envie de le lire.
Subjuguée dès les toutes premières lignes, je me souviens m'être dit : ‘Je n'ai jamais rien lu de pareil'. Je faisais l'expérience d'une immersion totale, j'étais dans la boue au milieu d'un paysage détrempé, ravagé par la guerre, en compagnie de deux femmes et d'un enfant dont je ne savais rien sinon que le malheur les avait frappés. Et ce que j'ai compris ou plutôt senti, c'est que l'auteur avait réussi là quelque chose d'inouï : restituer en quelques lignes et en une unique phrase une simultanéité de sensations, de perceptions, d'émotions et de souvenirs. Je pense que d'une façon ou d'une autre, tout auteur court après ce rêve : nous faire sentir et ressentir et voir et percevoir dans un condensé d'écriture la vie même… mais infiniment peu y parviennent avec tant de grâce et, j'ose le mot, avec tant d'efficacité.

Le chapitre I (1919) s'ouvre sur cette phrase :
« Elles allaient d'un village à l'autre, et dans chacun (ou du moins ce qu'il en restait) d'une maison à l'autre, parfois une ferme en plein champ qu'on leur indiquait, qu'elles gagnaient en se tordant les pieds dans les mauvais chemins, leurs chaussures de ville souillées d'une boue jaune que l'une des deux soeurs parfois essuyait maladroitement à l'aide d'une touffe d'herbe, tenant de l'autre main son gant noir, penchée comme une servante, parlant d'une voix grondeuse à la veuve qui posait avec impatience son pied sur une pierre ou une borne, la laissant faire tandis qu'elle continuait à scruter avidement des yeux le paysage, les prés détrempés, les champs que depuis cinq ans aucune charrue n'avait retournés, les bois où subsistait ici et là une tache de vert, parfois un arbre seul, parfois seulement une branche sur laquelle avaient repoussé quelques rameaux crevant l'écorce déchiquetée. »

Claude Simon était, paraît-il, un grand amateur de musique. Il a puisé dans son histoire familiale et dans celle des deux guerres mondiales les éléments d'une symphonie en douze chapitres qui bousculent la chronologie et notre rapport au temps. Parfois concentrés sur une seule journée (27 août 1914), une année (1940) ou s'étirant au contraire sur plusieurs décennies (1914-1982), nous y empruntons le cours sinueux d'un récit au croisement de l'intime et de l'Histoire, un récit fragmenté comme la mémoire qui le sous-tend, avec ses focales et ses ellipses.
L'auteur reste constamment à hauteur d'homme, il ne surplombe pas les choses, mais les donne à voir dans toute leur fragilité et dans toute leur absurdité. La guerre n'est pas une chose désincarnée ou abstraite, un événement édifiant ou tragique, la guerre c'est ça :
« (...) tous, les uns après les autres, déversés, engloutis, disparus sans laisser de traces, rayés des tableaux d'effectifs sans même que ce qui se passait (ce qu'ils (les cavaliers) étaient en train de vivre) ressemblât de près ou de loin à quelque chose comme une guerre, ou du moins à ce qu'ils s'imaginaient confusément que devait être la guerre : même pas un décor, le minimum de mise en scène, de solennité (ou même de sérieux) qui leur eût tout au moins permis de croire qu'on les avait envoyés là pour se battre et non pas simplement pour être tués (...) »
De même, l'amour, le désir, le sexe sont-ils restitués dans leur réalité la plus intime et la plus sensible, sans voyeurisme ni fausse pudeur :
« (...) elle dont probablement aucun homme n'avait jamais baisé ni même effleuré les lèvres, tout à coup arrachée à sa bienséante et végétale existence, projetée ou plutôt catapultée, précipitée au plein de sa vorace trentaine dans une sorte de vertigineux maelström qui avait pour centre le bas de son ventre d'où déferlait en vagues sauvages quelque chose qui était aux plaisirs qu'elle avait connus jusque-là comme un verre d'alcool à du sirop d'orgeat, ne s'arrêtait même pas aux limites de son corps, se prolongeait encore au-dehors, si tant est qu'elle fût encore capable de distinguer entre dedans et dehors lorsque, abritée de son ombrelle, encore pantelante et moite, de nouveau appuyée à ce bras dont à travers le léger tissu de toile elle pouvait sentir les muscles, épuisée (ou plutôt rassasiée, repue, hébétée), elle descendait la passerelle, allait flâner aux escales (ou plutôt mollement flotter, comme dans un état second, somnambulique) le long des étalages de souks ou de marchés indigènes, percevant comme dans un permanent orgasme ces ports, ces villes, ces pyramides, ces chameaux, ces foules barbares et loqueteuses (…) »

Je dirais pour finir que le ton de Claude Simon est à la fois lyrique et âpre, bienveillant et ironique, que son regard à la fois exalte le monde et le transperce comme une lame. Et si, dans sa quête effrénée de restituer en quelques pages la vie même, il perd parfois son lecteur, c'est pour mieux le rattraper par la suite, le prendre dans les rets de ses phrases enchanteresses.
Commenter  J’apprécie          4736
"L'Acacia" appartient à la seconde époque de la création romanesque de Claude Simon : après une période expérimentale, "formaliste", à l'école du Nouveau Roman, son oeuvre assume et dépasse les théories pour voler de ses propres ailes et manifester le génie de l'auteur par delà colloques et manifestes, pour lesquels il avait peu de goût. En même temps, l'auteur d'avant-garde qu'il est s'autorise une relation pacifiée avec la tradition, comme on le voyait déjà aux "Géorgiques" de 1981. "L'Acacia" rappelle "A la Recherche du Temps Perdu", car dans les deux romans un écrivain émerge dans le temps absurde et cyclique de l'Histoire et de la Nature (à savoir naissance, maturité, déclin et mort). Si le temps perdu proustien était celui des mondanités, des amours et des amitiés stériles, le temps perdu dans "L'Acacia" est celui des grands cataclysmes du XX°s inscrits dans l'histoire familiale du romancier, cataclysmes décrits avec la minutie artisanale, le sens merveilleux du détail et de la couleur de Brueghel ou de Jérôme Bosch. Ce temps perdu et destructeur devient la matière de l'art littéraire : la guerre, dont on sait qu'elle est, dans sa réalité, le Mal même, est devenue le beau matériau littéraire des grands poèmes de Claude Simon dans "L'Acacia", aux échos d'Iliade et d'Enéide. On trouvera aussi une forme de chronique familiale et d'autobiographie (sans "je") dans "L'Acacia" : l'histoire des ancêtres, les sinuosités des alliances et des familles, font immanquablement penser au "Labyrinthe du Monde" de Marguerite Yourcenar, à ceci près que Claude Simon brouille les limites entre le fictif et le réel avec sa palette de grand peintre réaliste et social. En nos temps de misère littéraire, de haine ignorante et de ressentiment contre la belle langue et le beau style, la lecture des longues phrases de Claude Simon est une volupté de chaque instant. En temps de moralisme et de dictature des ratés vertueux, la jouissance innocente de lire et de voir, d'oublier le Bien et ses sermons, console de tous les chagrins que nous cause "l'actu".
Commenter  J’apprécie          416
Un homme, un militaire issu de la paysannerie, a gravi les échelons pour enfin avoir "accès à l'inaccessible princesse", descendante d'un général d'Empire. Un enfant naît de ce mariage.
Ce roman ne cesse de monter et descendre l'échelle de la mémoire de cette famille : la première guerre mondiale, le communisme en URSS, le nazisme en Allemagne, la seconde guerre mondiale... il n'y a pas d'entre-deux-guerres dans L'acacia, mais un douloureux continuum de destins fracassés.
Claude Simon peut écrire un long paragraphe sur une chose aussi anodine qu'une carte postale, une boîte de cirage... sans un mot de trop. On pourrait parler d'écriture "minutieuse". Mais il raconte la mobilisation générale en 1939, au travers de l'instant du départ à la gare de Perpignan, et ces trois pages sont magistrales, exceptionnelles. de la même façon hallucinante, il relate la rencontre entre un cavalier ayant perdu son régiment, et un groupe de trois blindés, et ça vous laisse sans voix.
Challenge Nobel
Commenter  J’apprécie          212
Ils ont tout cassé, tout détruit, la structure romanesque, finit... L'intrigue, les personnages, c'était avant. Désormais avec le Nouveau Roman, vous allez vous coltiner un narrateur omniscient qui ne nomme aucun personnage et avec comme seul repère des dates. de plus, un rythme lent qui souhaite capter une forme d'unicité du temps avec un vocabulaire d'une richesse et d'une diversité à couper le souffle. de la branlette intellectuelle, de la vraie... Un amas de pensée, de détails, de micro-récits, d'anecdotes, un foisonnement d'images scrutant avec avidité le monde matériel à la recherche d'un sens qui reste toujours hors de portée.

Cette recherche menée en parallèle de celle du temps, d'un passé fragmentaire, empli de coïncidences bien grandes et d'un hasard puissant, mais qui, dans sa plénitude sensorielle semble revivre. Mais on ne peut non plus dire que cette oeuvre est autobiographique pour autant, elle met plutôt tout en place pour montrer l'irréalité d'expériences extrêmes. L'individu est ici écrasé par l'histoire meurtrière du 20eme siècle, celle de deux guerres qui ont vidé du monde, le sens de la vie.

C'est un monde morne, apathique, fatigué, froid, frappé d'hébétude, ou la faillite des idéologies règne en maître: Communisme, christianisme, républicanisme, anarchisme, aristocratie ou bourgeoisie libérale, tous ont failli et ont fait de l'Europe, un gigantesque circuit de trains à bestiaux, ou se sont entassé des millions d'hommes, qui par la suite, ont eu le privilège de voir un chaos sans aucun sens, et peut être eu l'honneur de faire la rencontre bien triste d'un magnifique morceau de métal si bien taillé.

C'est le récit d'une convergence, celle de sa propre histoire et de celle de son père. Tout cela le pousse à considérer sa vie comme la conclusion de celle de son père, le cycle d'anéantissement qui semble en effet vouloir se répéter. Un ouvrage clivant, plutôt ardu à lire, par moment ennuyant, une expérience étrange et très certainement assez unique...
Commenter  J’apprécie          172
Une écriture précise, avec des mots choisis...Des détails qui créent une ambiance. Par contre, une histoire dont il est difficile de suivre le cours, car se passant à des époques différentes selon les chapitres, mais également avec des personnages différents.
Une petite remarque qu'en aux descriptions, souvent très longues, qui alourdissent le récit, si bien que l'on a l'impression que l'histoire racontée est immobile.
Sinon, un bon livre ( si cela a un sens ).
Commenter  J’apprécie          160
L'histoire se déroule dans une ferme du Midi de la France bien que le livre, dans son intégralité, lui, couvre en réalité plus d'un siècle d'histoire et plus d'un quart de la Planète.
La ferme qui nous intéresse est une vieille demeure qui a vu le suicide d''un ancêtre, le mariage d'une vieille fille qui a fini par épouser, plus par convenance que par un officier qu'elle verra partir pour la guerre de 14-18 avant de voir son propre fils partir pour celle de 39 mais de laquelle il reviendra après le désastre de 1940. Près de la vieille demeure est planté un acacia qui a vu se succéder les générations et continuera encore à en voir passer, a survécu aux deux guerre mondiales et à bien d'autres fléaux encore. Je dirais donc que le protagoniste de ce livre n'est pas le fils, revenu de la guerre, qui décide de se mettre à écrire pour coucher sur papier toutes les horreurs dont il a été le témoin, mais l'acacia lui-même. le message de l'auteur est que malgré toutes les folies des hommes et leur auto-destruction, la nature, elle, et donc la vie, elles perdurent et finissent toujours par trouver un chemin.
J'ai plus apprécié cet ouvrage que le dernier de Claude Simon que j'avais lu en raison du message et des émotions que l'auteur veut nous transmettre. En revanche, j'ai encore eu autant de mal avec l'écriture qui est composée (pas intégralement heureusement) de phrases terriblement longues et que l'auteur n'allège même pas de temps à autre en incluant des dialogues dans son texte.
Commenter  J’apprécie          151
Dans ce roman, Claude Simon explore la mémoire de notre passé à l'aune de deux évènements traumatiques : la guerre de 14-18 à travers la mort de son père le 27 mai 1914 et la débâcle française de mai 1940 vécue par l'auteur lui-même. Ici, pas de récit autobiographique à proprement dit. Dans ce texte, la mémoire individuelle se fond dans la mémoire collective. Les lieux et les personnages ne sont pas nommés. Les souvenirs de l'auteur sont le fil conducteur vers la grande Histoire à travers de longues phrases accumulant des descriptions précises et détaillées qui rendent parfois la lecture difficile et demande une concentration certaine. A l'opposé de la plupart des récits contemporains privilégiant phrases courtes et dialogues, Claude Simon entraîne son lecteur dans une épreuve d'intelligence et de poésie, déroutante pour le néophyte, mais réjouissante si l'on se laisse entraîner dans ce flot verbal où les quelques pauses (il y en a !) permettent au lecteur de reprendre son souffle.
Alternant les deux évènements matriciels qui se font écho et soulignent l'absurdité de la guerre où viennent se briser des vies sacrifiées, tels des bestiaux menés à l'abattoir, l'auteur fait mémoire d'un homme qui s'extirpa de sa condition de paysan grâce au sacrifice de ses deux soeurs, devint capitaine à force de pugnacité, propriétaire terrien par son mariage avec une riche héritière puis engendra un fils avant de venir mourir dans les terres labourées d'obus du nord de la France, ce même fils qui fut lui aussi propulser, vingt-six ans plus tard, dans le maelström meurtrier d'une autre guerre mondiale, comme cavalier, face aux tanks allemands. Et face aux délires guerriers, en scène d'ouverture, la quête obstinée et digne de trois femmes vêtues de noir, accompagnées d'un petit garçon, à la recherche du corps d'un officier tombé au champ d'honneur en mai 1914 alors que la pluie tombe sur un paysage dévasté de maisons en ruine et d'arbres déchiquetés.
Commenter  J’apprécie          90
Le temps, le père, la mère, celui qui écrit à la fin, devant une branche d'acacia.. le texte qui avance en onze unités, introduites par des dates, dates qui peuvent porter sur longue période ou être plus précise, texte qui ne suit pas pour autant une chronologie, composé comme une oeuvre musicale.
Texte qui montre des hommes en guerre et commence par la fin d'une guerre et la recherche d'un corps. Texte qui ne se limite pas à la guerre mais qui construit les personnages, leur histoire, leurs entourages, qui porte aussi sur des maisons, sur une terre et son travail, sur des différences sociales...
Et puis toujours texte qui s'attache au réel, sa texture, ses odeurs, les pensées ou sous-pensées involontaires, le dissèque, le fait bouger, vivre, en longues phrases admirables.
Commenter  J’apprécie          91
J'ai enfin découvert l'oeuvre de Claude Simon avec "L'Acacia", et j'ai tout de suite été pris par son rythme lent, sa composition dense et par son jeu sur la précision des mots pour transmettre une pensée à la fois exacte et inachevée. Claude Simon s'amuse des ambiguïtés de notre langue en confrontant des termes proches, mais au sens légèrement décalé, différent. Ce jeu est purement jouissif et exaltant.
Au-delà du style, cette oeuvre est une continuation de "La Route des Flandres". Comme Proust avec sa Recherche du temps perdu, Claude Simon concrétise l'idée abstraite du temps. Par un savant croisement de plusieurs récits temporellement opposés, Claude Simon rend cohérent des époques en apparences disjointes: les conquêtes coloniales de la fin du XIXe siècle, la Grande Guerre et la drôle de guerre de 1939-1940. On se rend compte que tout se tient, qu'à l'échelle infime d'une famille, l'histoire impose son cours et influe sur le destin des individus.
Il y a des scènes époustouflantes, dignes de Stendhal, dans les errements d'un cavalier de l'armée française en déroute après l'assaut des forces allemandes en juin 1940.
Commenter  J’apprécie          60




Lecteurs (448) Voir plus



Quiz Voir plus

Claude Simon

Quel prix littéraire Claude Simon a-t-il reçu en 1985 ?

Prix Nobel de littérature
Prix Goncourt
Prix Femina
Prix Victor-Rossel

10 questions
18 lecteurs ont répondu
Thème : Claude SimonCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..