Une Gifle est un roman qui alterne les points de vue. Celui d'Antoine, très intime, personnel, rédigé à la première personne pour tenter de nous immerger et de nous transpercer par ses propres sentiments. Son point de vue à "Elle", plus distant écrit à la 3e personne, celui de cette femme dont on ne connaîtra même jamais le prénom après avoir refermé le livre... Et enfin, celui de Mio, plus tard, son fils, à "Elle", à la 1ère personne, comme lui.
Le roman suit donc une construction classique en alternance mais repose aussi sur trois grandes parties.
Dans la première, on fait connaissance avec nos personnages, plus précisément on va entrer dans des brèves de vie de leur passé. Mises bout à bout, de manière anecdotiques et parfois très chocs.
Il m'a déjà manqué ici une certaine profondeur. Un petit quelque chose pour parvenir à m'attacher à eux. J'ai assisté à une surenchère de douleurs, une juxtaposition de souffrances, un manque d'amour, des actes odieux, parfois même horribles... Bref des fondations bien branlantes pour des enfants et de jeunes adultes offertes avec une vision plus noire que noire...
Dans la seconde partie, on entre dans le vif du sujet "la construction de l'humain meurtri durant son enfance", et on constate que nos personnages sont bien difficilement et bien malgré eux devenus des adultes blindés de failles, incomplets, emplis de blessures, de chagrin, d'amertume... Ici encore, tout ce qui domine ce sont les manques, les besoins impossibles à combler. Même les choses positives de leur vie m'ont paru présentées de manière trop amère (notre héros est quand même devenu médecin, ils ont de beaux enfants, tout n'est pas si noir...). J'ai continué le récit sans réussir à m'attacher à eux avec moi-même trop de manques et tout juste à peine secouée par des moments brefs et disparates de leur propre existence, sans jamais savoir qui ils étaient vraiment... Des humains certes mais des humains existant uniquement à travers leurs tourments ? Cette vision trop sombre, désolante, désespérée ne m'a absolument pas conquise. Leur pseudo bonheur manque de vrai, je me suis mise à lever les yeux au ciel, détestant presque Antoine, celui qu'il se laisse devenir, perturbée aussi par une chronologie un peu bancale (Oscar semble encore être un gamin de 11 ans dont Antoine attend donc la majorité dans 7 ans alors que sa mère était enceinte en 1994 (p65) et qu'on est maintenant selon les indications temporelles en 2019 (p158)).
Dans la troisième et dernière partie, j'étais presque soulagée d'être parvenue jusque-là ayant déjà eu envie d'abandonner ma lecture à plusieurs reprises mais curieuse de savoir ce que cette fameuse gifle, la ligne à ne pas franchir allait déclencher, j'ai persévéré... On passe alors plus de temps avec les protagonistes. C'est à mon sens le moment du livre le plus abouti car on entre plus (et mieux) dans leur intimité et on a une vision plus complète, plus globale sur le thème central, les conséquences de leur enfance troublée sur leur construction, leur personnalité et leur vie d'adulte. L'auteur essaye de résoudre sa problématique autour de l'Amour. Cet Amour qui pourrait tout réparer, sauver, changer, empêcher une reproduction des violences ? Ou pas... Une direction à laquelle je m'attendais mais qui ne m'a malheureusement encore une fois pas convaincue.
Pour résumer, à aucun moment de ma lecture je n'ai été touchée, à aucun moment de ma lecture je n'ai su ouvrir ma propre réflexion, j'ai juste laissé le fil décousu de leurs vies passer devant mes yeux, avec une indifférence non feinte. J'ai ressenti de l'aigreur, j'aurais voulu tellement plus. La lumière m'a bien manqué dans cette histoire où seule la fatalité semble trouver sa place. Trop de drames, trop de pathos, des clichés, j'ai été au bord du gouffre sans aucun espoir auquel me raccrocher. L'écriture de l'auteur certes contemporaine et maîtrisée, habitée de touches poétiques ne m'a pas non plus séduite outre mesure. Quelques coquilles (non, on ne dit pas maline), quelques erreurs d'uniformisation ou des répétitions (4 fois salles de bain(ou bains)) sur la même page, ou des maladresses de style (anacoluthes), des phrases souvent trop courtes et non développées manquant de teneur, des expressions surprenantes parfois teintées de vulgarité dont je cherche encore la véritable utilité, des dialogues mêlés au récit sans indications typographiques... Enfin, peut-être suis-je trop dure ou trop puriste... Et je veux bien l'admettre et laisser toutes libertés assumées à son auteur. Néanmoins, on est chez Flammarion...
Une Gifle, pour moi n'en sera pas une, je ressors de ma lecture plutôt insatisfaite et vraiment déçue, sans aucune marque, sans une quelconque cicatrice non plus. Ni remuée, ni alertée, encore moins bouleversée, je n'ai vraiment pas été sensible à l'essence de ce récit pourtant très prometteur et j'en suis la première désolée...
Il est évident que je vous invite à vous en faire votre propre avis, je sais qu'il a déjà trouvé son public et qu'il plaît à d'autres, alors pourquoi pas à vous ? On sent une vraie belle volonté de l'auteur de présenter sa vision, on y ressent des côtés contemporains à la "
Louise Mey" qui convaincront nombre d'entre vous.
Pour ma part, c'est juste un rendez-vous manqué, un malheureux coup d'épée dans l'eau... Probablement car je ne peux pas adhérer à cette façon de voir les choses. Je ne peux pas me dire que chaque enfant qui a subi "
Une gifle" (métaphore) est forcément voué à un destin malheureux, sans véritable résilience et se construire en étant vraiment heureux et épanoui. J'aurais voulu plus de nuances, plus de différences aussi entre nos deux héros fissurés par le passé (même s'il y en a déjà une de taille). J'ai ressenti cela comme une vision réductrice du traumatisme, de la maltraitance, avec un "too much" exacerbé, limite imbuvable me concernant. J'ai bien trop besoin d'un pansement d'espoir sur les sevices, sur la violence, pour guérir nos âmes meurtries, et je suis donc complètement passée à côté, sans comprendre où l'auteur voulait véritablement en venir et m'amener, mea culpa. J'espère qu'il saura vous toucher, vous.