Le troisième jour du troisième mois de la neuvième année de l'ère Yong He de la dynastie des Jin, c'est-à-dire à la fin du printemps 353, un groupe d'érudits se réunissent pour accomplir, selon la tradition, des rites de purification. Rien d'austère pour autant. le rite consiste à attraper une coupe de vin qui passe au fil de la rivière, à la boire et à écrire un poème.
Le grand poète et calligraphe Wang Xizhi décrivit la scène dans la Préface au recueil de ces poèmes, qui resta comme un modèle de perfection calligraphique.
Pour les Occidentaux, il n'est pas simple de s'imaginer ce que représente la calligraphie pour les Chinois. C'est une pratique d'écriture aux confins de la littérature et de la peinture. La nature même de l'écriture chinoise, où chaque caractère correspond à un mot, y est pour beaucoup. La pratique de la calligraphie est une discipline spirituelle et corporelle, une sorte de performance artistique.
Dans ce remarquable catalogue d'une exposition tenue à Bruxelles en 2009-2010, les divers aspects de l'histoire de la calligraphie chinoise sont abordés, depuis les origines divinatoires sur les carapaces de tortues jusqu'aux réinterprétations artistiques du 20e siècle. Bien sûr, quand on ne peut pas lire l'écriture chinoise, une grande part de la compréhension de cette pratique à plusieurs dimensions nous échappe. Mais l'iconographie du catalogue peut au moins éduquer notre oeil à repérer les styles et les usages de la calligraphie, voire les personnalités des calligraphes. Que ce soit la portée politique, littéraire, artistique ou religieuse de la calligraphie, rien n'est oublié. Et le vagabondage d'une planche à l'autre, nous fait percevoir l'infinie variation de l'écriture dans des cadres pourtant parfois fort contraints. Une belle découverte à faire patiemment.
Apparemment le catalogue serait encore disponible sur des sites de livres anciens.
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Les croyances religieuses d’une nation ne manquent jamais d’influencer, à une époque donnée, l’ensemble des secteurs culturels d’une société et de les marquer de leur empreinte. Si la calligraphie chinoise existe en tant que discipline autonome, elle n’en appartient pas moins à une culture et, comme telle, elle est exposée à de multiples influences, politiques, économiques, géographiques, sociologiques. Celles des croyances sont parmi les plus profondes. Depuis les inscriptions divinatoires sur carapaces de tortues et os, l’art calligraphique chinois demeure génétiquement lié à la religion de manière indélébile. Par la suite, le taoïsme et le bouddhisme tissèrent également de nombreux liens directs ou indirects avec la calligraphie.
La calligraphie et la religion
Wang Yuanjun
(p.99)
Une écriture doit avoir l'esprit, le souffle, l'ossature, la chair, le sang; si un seul des cinq éléments vient à manquer, elle n'existera pas comme calligraphie.
Su Shi (1037-1101)