Simonetta Greggio m'a fait connaître et aimer Elsa Morrante une femme si belle et si libre. Je n'ai plus qu'une envie, découvrir son oeuvre, dès ma chronique finie je vais donc me rendre chez ma libraire préférée pour commander « La Storia ».
L'auteur laisse la parole à Elsa Morrante. Elle va nous raconter sa vie, ses rencontres, ses amours. Des rencontres qui donnent lieu à des portraits sans concession Visconti,
Fellini, Rossellini, mais aussi des moments de tendresse infinie quand elle évoque
Pasolini poète, écrivain et réalisateur maudit et Bill Morrow peintre, tous deux homosexuels, ses deux petits-frères de coeur.
Le style m'a tout de suite plu, et le fait qu'Elsa s'adresse directement au lecteur donne un ton intime et sensuel à ce récit. L'auteur nous dresse le portrait d'une fillette douce, sauvage, arrogante, menteuse, effrontée mais sensible. À six ans, les premiers romans lus en cachette, chipés dans la bibliothèque, la découverte de
Zola.
« J'écris depuis que j'existe. Avant de savoir écrire, j'écrivais déjà. J'étais écrivain dans le ventre de ma mère. Avant de naître, j'étais écrivain. »
L'auteur sait parfaitement décrire les tourments de cette fillette, une mère et son amant, son vrai père et puis le mari de sa mère, son faux père. Les disputes à la maison, une mère qui hurle, un père qui se défile, une mère maquerelle qui va essayer de vendre les premières nouvelles écrites par sa fille de onze ans, une petite fille qui rêve de caresses de cette mère tyrannique. Comme souvent les débuts sont difficiles, elle met sa machine à écrire au clou tellement elle a faim.
« Me réveiller la nuit, la bouche aigre, dans un lit inconnu. Cela ne s'appelle pas de la prostitution. Cela s'appelle misère. »
Elsa est une femme atypique, prête à tout pour être publiée et lue. Elle veut vivre de son écriture, apprendre à voler de ses propres ailes.
« J'aurais pu tuer pour être reconnue à ce que j'estimais être ma valeur. »
Et puis voilà la rencontre avec
Moravia, la situation financière s'améliore, l'auteur nous entraîne à la suite de ce couple où les séparations brutales alternent avec les retrouvailles passionnées, les amis qui apprennent à se faufiler entre leurs disputes. Cela n'est pas sans rappeler le couple Liz Taylor et
Richard Burton.
« À la fin de la soirée,
Moravia m'a serré la main pour prendre congé. J'en ai profité pour lui glisser la clef de mon studio. Nous avons cela en commun,
Moravia et moi. Nous ne lambinons pas avec le désir. »
À chaque début de chapitre l'auteur a la bonne idée de replacer le parcours du couple dans
L Histoire mouvementée de l'Italie et de l'Europe, la guerre qui les rattrape, juifs à moitié ils doivent déguerpir, cachés par des amis, jusqu'à la fin du conflit. Ils rentrent à
Rome, la vie reprend,
Moravia continue de la tromper.
Et puis tout au long du récit il y a le souvenir obsessionnel de la mort de son ami et la hantise de la vieillesse. Par son écriture, faite de fines touches posées régulièrement,
Simonetta Greggio nous fait bien percevoir les angoisses d'Elsa.
L'auteur tient à nous préciser qu'il s'agit bien d'une oeuvre de fiction, les fragments de journaux, de poèmes, de lettres d'Elsa qui illustrent le récit rendent ce portrait encore plus vrai. Je crois bien que je suis tombé amoureux d'Elsa, une femme si forte et si fragile à la fois, qui souhaite être protégée tout en étant voulant être indépendante.