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Ils ont tout perdu dans ce pays qui fut le leur, détruit par la guerre. Il faut fuir. Rejoindre l'Europe malgré le froid et la peur. Amir et son frère luttent, attachés à la vie, pas après pas, vers l'espoir d'une terre d'asile ; ils progressent bien que séparés, bravant les éléments et la laideur des hommes.
Le texte saisit comme le givre aux pieds du garçon, glace le coeur et fige l'air. On est en apnée, sidéré par tant de justesse, par l'atmosphère qui nous étreint jusqu'à l'oppression – nos pas sont ceux de ces hommes, leurs peurs nous envahissent, la tension nous submerge. Les phrases sont courtes telle une course que l'on ferait sans souffle. La scène d'Amir « voyageant » sous le capot d'une camionnette est insoutenable.
Sombre et abrupt, cet écrit raconte l'horreur et l'espoir, le courage et le chagrin. Il humanise ces hommes migrants que beaucoup (trop) déshumanisent, accrochés aux privilèges de leurs pays stables. Il raconte la douleur sans l'amoindrir et claque le bec.
Un roman fort qui bouleverse auquel je reprocherai juste quelques longueurs qui m'ont perdue un instant avant que le récit ne me ré-entraine. Une belle lecture.

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Amir et son frère fuient leur pays en guerre, probablement la Syrie. Grâce à l'argent d'interprète gagné par l'aîné, les deux jeunes font appel à des passeurs pour aller en Europe.

Malheureusement, les deux frères sont séparés et, chacun de leur côté, vont tenter de trouver le chemin pour l'eldorado tant espéré...

Ce roman est celui des migrants, de ceux qui tentent une route longue, dangereuse pour trouver une vie meilleure.

Cet exil, qui leur est imposé par leur pays en guerre, est un voyage de froid et de misère.

L'auteur prend le parti de faire un récit immersif, au plus proche des sensations ressentis par les personnages. L'on ne saura que très peu d'eux, au final, mais on les accompagnera dans chaque minute d'agonie, coincé dans une voiture, ou s'échappant d'un centre de rétention.

La solitude, coupant le réconfort qu'aurait été la présence d'un frère, les obstacles qui se succèdent. La peur d'errer de ne pas savoir où l'on se situe, sans carte, ni téléphone.

Ce récit prend aux tripes, face également à l'absence d'empathie rencontrée sur la route. La stupidité et la xénophobie affligeant encore davantage les deux frères. Les rares exemples de sympathie sont plutôt des exemples d'égoïsme, cachés sous le vernis de la philanthropie, une publicité à peu de frais.

La fatigue du matériau, de ce corps poussé à l'extrême, comment pourrait-il en être autrement ? Il faut toujours avancer, malgré le froid, la fatigue et la faim. Ce corps, que peut-il faire ?

Ce court roman chamboule par l'immersion qu'il impose au lecteur, dans ce destin qui en d'autres lieux, d'autres temps auraient pu être le vôtre ou le mien.

Un excellent récit, nécessaire, pour nous rappeler que les migrants ne sont pas une masse, une simple expression entendu au J.T du soir mais des individus comme vous, comme moi.
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Deux jeunes frères ont fui un pays en proie au chaos, où ils n'avaient plus personne, où ne restaient que ceux qui n'avaient nulle part où aller. Ils ont grandi dans la guerre, et pris précocement conscience du lien terrible, fanatique, avec lequel la vie s'accroche au corps.
Ils ont donc migré vers l'Europe et, on ne sait dans quelles circonstances, ont à un moment été séparés. Ils tentent de se retrouver. Sans indice sur leur localisation respective, ils n'ont d'autre recours que de se diriger toujours plus vers le nord.

L'aîné, Amir, est mis en relation avec des passeurs qui le font voyager dans un moteur de voiture, recroquevillé des heures durant dans une insoutenable position, tentant de se focaliser sur la conscience de son corps, le goût du gazole envahissant ses muqueuses. La suite de son périple lui fera rencontrer, parmi une foule d'autres migrants, la folie, la misère, l'humiliation.

Le plus jeune reste anonyme. Enfui d'un camp de détention où on le désignait par un numéro préalablement marqué au feutre sur sa peau, il marche, avec ses seules jambes comme moyen de transport.

Son parcours nous est détaillé avec minutie, étape par étape, périple infini et périlleux dans un monde inconnu et hostile, dont même les sons lui sont étrangers. Son corps devient son véhicule pour la survie, "sa conscience n'est plus que ce qui trimballe sa misérable enveloppe charnelle pour la mettre hors de danger". C'est donc à travers le prisme de ses sensations physiques, d'inconfort, de souffrance, et l'énumération de ses gestes et mouvements -de la peur, de la survie…- que nous appréhendons son calvaire, marqué par le froid mortel que diffuse un paysage montagnard et enneigé. L'isolement des étendues qu'il traverse est parfois interrompu par la marque d'une présence humaine qui paradoxalement exhausse l'étrangeté et la froideur de l'environnement : clôtures et fils de fer en quantité inimaginable, ruines de constructions abandonnées, usine abritant de gigantesques mécanismes robotisés, où règnent tôle et béton. Il émane de ces lieux déshumanisés une ambiance quasi surnaturelle et post apocalyptique, le garçon découvrant là un univers inédit, démesuré et effrayant.

On comprend rapidement que le matériau du titre, c'est ce corps, celui du migrant, qui soumis à la loi des passeurs et aux contraintes d'un environnement naturel contre lequel il doit lutter, est malmené, transformé, affaibli. Un corps précieux, parce qu'il permet la fuite, le déplacement, mais aussi vulnérable.

En focalisant son texte sur la dimension physique de l'épreuve de la migration, l'auteur crée la possibilité d'une véritable immersion aux côtés de ses personnages. le cauchemar que constitue leur parcours en devient palpable et fait de la lecture de "La fatigue du matériau" une expérience quasi physiologique..

Très fort.
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Marek Sindelka a 37 ans et n'en est pas à sa première publication. Poésie, nouvelles et un premier roman « L'erreur » font de lui un auteur qui compte et a déjà été primé plusieurs fois. A peine traduit, ce roman-ci, paru en 2017 dans sa version originale, a reçu en 2018 le Cutting Edge Award pour le meilleur livre traduit.

« La fatigue du matériau » est un roman ancré dans la situation géopolitique actuelle. Nous suivons deux frères, Amir et « le garçon » ; nomades et déracinés, ils tentent de survivre après avoir quitté leur communauté pour rejoindre l'Europe, où ils espèrent commencer une vie nouvelle. Nous suivons le parcours de chacun après que le plus âgé, Amir, se retrouve séparé de son frère. Après une première traversée clandestine réussie, il se prépare à une seconde qui doit le mener en Europe. Parallèlement, le plus jeune, jamais nommé, raconte son périple en plein hiver après avoir fugué d'un centre de rétention où il attendait depuis des mois.

Ces deux récits s'inscrivent dans un cadre spatiotemporel différent (et non géolocalisé) et relatent deux parcours différents. Mais on retrouve en chacun les mêmes souffrances : la peur, la fatigue, la faim, le froid, la douleur et cette angoisse lancinante et permanente de savoir de quoi sera fait demain. L'un est isolé en pleine forêt à la recherche d'une zone d'habitation où se réfugier, l'autre est en pleine mer à la merci des éléments. Deux récits de force, de volonté surhumaine pour rester en vie, deux récits qui ne peuvent que susciter l'empathie et le respect pour toutes les souffrances endurées.

L'écriture est vive, les phrases courtes, traduisant l'immédiateté, la vivacité de réaction nécessaire pour survivre. Les descriptions sont nombreuses, dans leur solitude, les frères observent ce qui les entoure. Mais ce qui m'a frappé, c'est la distance que l'auteur choisit de mettre entre ses personnages et le lecteur. J'ai eu la désagréable sensation d'être un voyeur observant deux êtres se débattant dans un monde violent et injuste sous le regard indifférent des autres, mieux nantis.

Ce roman dur décrit la crise migratoire actuelle, crise politique qui ne grandit aucun état et crise humanitaire qui voit chaque jour périr des milliers de personnes. Un sujet sensible mais ô combien indispensable à traiter en ce moment.

Merci aux éditions des Syrtes pour l'envoi de ce roman. Je ne peux que vous conseiller sa découverte.
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•PARTIR POUR VIVRE•
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🦊 Migrer pour éviter le pire. Parfois galvaudée, ou clouée au pilori, la migration fait partie de notre humanité. Nos ancêtres, mes parents, mes grands-parents ont migré. Qui peut se targuer du contraire ? Nous sommes tous des migrants. Certains par envie, d'autres par nécessité. Pour fuir la guerre, un régime dictatorial ou des exactions, il fallait partir pour continuer de vivre. Écrit en 2016 au coeur d'une actualité migratoire foisonnante, mettant à mal les droits de l'Homme et libertés fondamentales, la décence des gouvernements respectifs qui traitaient le sujet comme du bétail, la fatigue du matériau est un roman aux confins de la suffocation. L'Europe, eldorado pour beaucoup d'âmes en peine, chemin de traverse où le rêve d'une vie meilleure est à portée de rames. Avec Amir vous ne ne chanterez pas « youhou hou hou » cette fois. Avec Amir vous irez dans la tête d'un homme et de son frère au plus profond du matériau•••
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🦊 Ne mangez pas pendant une journée, ne buvez pas, passez de nombreuses heures sous le capot d'un camion et nous relativiserons nos souffrances au quotidien si futiles. Ce roman est une course d'endurance. Non seulement pour ces deux frères mais également pour le lecteur. Deux frères dont on ne connait ni le passé, ni la situation géographique, qui devront survivre. Chaque scène est extrêmement visuelle, olfactive voire sensorielle. le travail de Christine Laferrière dans sa traduction paraît phénoménale tant la langue tchèque de Marek Sindelka est riche et dense. Vous allez humer, sentir, ressentir, être en immersion totale. Dans la tête de deux frères qui veulent s'extirper de leur condition actuelle, avec une volonté qui fera endurer à leur corps et leur esprit de multiples douleurs. le rythme rapide donne du corps aux éléments, et en même temps chaque détail compte. Chaque parcelle de vie est étudiée sous ses moindres recoins. Comme si le devoir d'humaniser ceux qui migrent (vous noterez l'absence du mot migrant qui dans la bouche de certains sonneraient comme une insulte) était une nécessité absolue. Elle aurait du couler d'elle-même, eux qui échouent sur les plages, que l'on compte comme un troupeau de vaches et dont on ne prend que bien rarement la mesure de ce qu'ils sont•••
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🦊 Plus qu'une histoire c'est d'abord une plongée quotidienne dans le destin de ces deux frères. N'attendez pas un début, un milieu et une fin, vivez. Seulement, vivez dans la peau de ces individus qu'on déclasse, par fainéantise, par peur, par désarroi ou par absurdité. Souvent à géométrie variable la migration écoeure par son absence d'humanité. Et si demain c'étaient vous les migrants ? Si une pandémie mondiale vous obligeait à vous exiler ? Quel migrant seriez-vous ? Seriez-vous assez solides mentalement et physiquement pour endurer ce qu'ils vivent actuellement ? Ce roman est aussi par de nombreux aspects le reflet de notre société et la façon dont on traite certains individus. Jusqu'où le corps humain peut-il aller pour vivre ? A quels sacrifices est-il prêt ? Et vous ....?•••





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(Lu dans le cadre d'une opération Masse critique, mille mercis à l'éditeur et à Babelio pour cette lecture)

Un énorme coup de coeur que cette lecture… malgré une grande déception avec cette fin qui n'en est pas une. Je peux comprendre ce choix de l'auteur, qui est d'ailleurs cohérent avec sa volonté de se concentrer sur le présent du trajet vers l'Europe sans s'étendre sur le passé et l'avenir des personnages, mais j'ai toujours beaucoup de mal avec ce genre d'histoire inachevée. Pour moi, la chute d'un récit est primordiale, c'est après tout la toute dernière chose qu'on lit avant de refermer un livre et qu'on gardera à l'esprit. Elle se doit donc de nous mener à un instant où on peut quitter ce récit en ayant l'impression d'avoir achevé quelque chose. Ca m'a d'ailleurs gâché plus d'une lecture, au point de baisser considérablement mon appréciation sur certains livres. Ici cependant, le niveau général du roman est largement assez haut pour ne pas en être trop pénalisé, et je ne peux décemment pas passer sous les 4 étoiles !

Car donc, à part ces dernières pages qui ne m'ont pas convaincu, ce récit est pleinement réussi : on est immergé dans le parcours de ces deux frères auxquels on s'attache fortement, même si on ne connaît presque rien d'eux, pas même le prénom du second. A l'image des frères Dardenne qui suivaient leur personnage caméra vissée sur la nuque dans je ne sais plus lequel de leur film, on suit ces deux jeunes dans leur périple en vivant avec eux les affres de leur migration sans jamais les lâcher.

Clairement ce livre n'est pas fait pour nous divertir, tant l'adversité s'acharne tout au long de leur parcours, et se traduit physiquement. La fatigue du matériau dont parle le titre du livre, c'est en effet celle du corps, brutalisé par les passeurs, les coups, le froid, la faim, et partout la peur. Les deux jeunes héros de l'histoire vivent ces évènements de façon viscérale, et les lecteurs sont pris aux tripes tout au long de ce court récit. Mais en fallait-il plus, après tout je n'en suis pas sûr, c'est déjà beaucoup d'émotions pour un si court livre (à peine plus de 200 pages).
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Amir et son jeune frère fuient la guerre. Ils paient un transport en camion pour gagner l'Europe dans des conditions inhumaines et se trouvent séparés. Plus de contact, plus de téléphone, plus de repères. On suit alors
2 parcours, 2 destinées, 2 luttes contre la mort.
Amir, intoxiqué par le dioxyde de carbone, est laissé pour mort au bord d'une route. Il s'en réchappe . Il rencontre un jeune palestinien qui a vendu une partie de son corps ( un rein ?) pour sauver sa famille de la misère puis un groupe d'ados racistes qui les tabassent et les humilient. Il continue malgré tout avec l'espoir de retrouver son frère au bout du voyage
Celui-ci s'est échappé d'un camp de rétention où il a dû passer quelques mois. Il affronte alors le froid, la faim, la soif dans un pays enneigé et venteux. Quand il aboutit dans une usine de fabrication automobile, il voit avec terreur un homme/ouvrier réduit à la machine qu'il sert. Et toujours il fuit, poursuivi par des policiers.
Dans ces 2 récits, pas de considérations psychologiques, morales ou philosophiques. Que des faits et des sensations. Comment le corps puise ses dernières forces par instinct de survie. Comment le cerveau fonctionne encore quand tout semble perdu.
Merci à Babelio et aux éditions Syrtes pour ce livre que je n'oublierai pas tant j'ai ressenti les souffrances de ces jeunes garçons.
L'absence de prénom ( le frère) de précisions géographiques, l'emploi de l'article défini ( le Palestinien) et le style tendent à généraliser le propos. Les migrants aujourd'hui ce sont eux, et demain nous peut-être ?
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Combien de temps tient le matériau ?
Que peut-il endurer ?
Jusqu'où vont ses limites ?
Le matériau, c'est le corps d'Amir et son frère, l'esprit aussi. Qui s'épuise et se heurte à l'éreintant parcours migratoire en quête d'une terre plus en paix pour fuir les horreurs subit dans un pays qu'on ne quitte jamais vraiment pas envie. C'est pour le besoin, la survie qu'ils le font, c'est pour cette exacte raison qu'ils repoussent les limites de leurs corps pour atteindre leur objectif.
Le livre ne s'attarde pas sur le pourquoi, le comment, s'attarde peu sur l'avant, ne parle pas d'avenir. Il est dans l'instant : la route, les rencontres qui la jalonne, la souffrance, l'épuisement, le désespoir.
J'avoue m'être un peu perdue entre les temporalité, savoir où ça se passait, quand etc. mais ça ne gâche en rien la lecture qui prend aux tripes par la puissance des émotions qui en ressort. Parce que ce n'est pas tant l'histoire qui compte mais ce que les personnages de l'auteur éprouvent. Une écriture entièrement tournée vers ce qui se joue à l'intérieur de soi pendant tout ce parcours et la puissance de la volonté et du corps.
Si vous souhaitez un livre sur les parcours migratoires, les comprendre et voir le chemin parcouru, ça ne sera pas le bon livre. Par contre si vous chercher à entrapercevoir la psychologie et l'endurance qui font partie de ces parcours dans ce cas : foncez ! Une vision nouvelle sur un phénomène que les médias décident de pointer du doigts comme une masse informe en oubliant bien trop souvent (pour ne pas dire toujours) qu'il s'agit d'être humain autant que nous et qu'on pourrait tout aussi être Amir ou son frère un jour.
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Si la littérature tchèque a ses classiques, parmi lesquels Karel Capek, Milan Kundera, Jaroslav Hasek, Jaroslav Seifert ou encore Bohumil Hrabal, il est heureux de voir émerger une jeune génération d'écrivaines et d'écrivains prometteurs. Parmi eux figure Marek Šindelka, né en 1984, double lauréat du prestigieux prix littéraire Magnesia Litera dans son pays, notamment pour son dernier roman traduit en français, La fatigue du matériau. Un livre fort qui s'inscrit dans l'actualité de son époque en traitant du thème des migrants.

« Un sac à dos atterrit dans la neige, suivi d'un garçon. » Voici la première phrase du livre, une phrase énonciatrice du message du livre : le sac passe avant le garçon, lequel n'est pas le sujet de l'action ni plus largement l'acteur de sa vie. Ce garçon, nous ne saurons jamais son nom. Il est retenu dans un centre pour migrants dont il s'enfuit pour aller plus au nord à la rencontre de son frère avec lequel il a fait la traversée pour rejoindre l'Europe.

L'essentiel du roman retrace le parcours du « garçon » après sa fuite ; il alterne avec un second fil narratif dont son frère, Amir, est le personnage principal. Les deux récits se succèdent, mais ne se déroulent pas de façon simultanée. Amir est la seule personne dont nous apprendrons le prénom pendant tout le livre. Plus âgé que son frère, son histoire ne se déroule pas qu'au présent. Grâce à lui, on apprend ainsi comment les passeurs cachent les migrants dans les véhicules, les raisons qui ont poussé ces jeunes hommes à quitter leur pays, ou encore le rêve commun à chacun des migrants.

L'une des grandes forces du roman réside dans l'ambiance restituée par l'auteur. le garçon s'échappe du centre durant la nuit, et l'obscurité l'accompagnera dans une grande partie de sa fuite. Il se heurte à des conditions climatiques difficiles, obligé d'évoluer dans un paysage enneigé et gelé qui freine sa progression. Pendant un certain temps, il est même traqué par des habitants dont il s'est rapproché trop près des habitatations. le vocabulaire du corps est omniprésent : il s'agit pour lui tout simplement d'un combat pour la vie, au présent, à l'instant présent. Il a faim, il a froid. Ce corps est la seule chose qui lui appartient, mais c'est un corps en souffrance ; à un moment, même ses mains lui deviennent étrangères. Il y a peu de repères dans le texte, qu'ils soient temporels ou spatiaux, peu de choses auxquels se rattacher. le récit autour d'Amir est différent puisqu'il est moins centré sur lui, mais par son évocation de la guerre dans le pays natal, les immeubles soufflés, il suffit à lui-seul de justifier le choix de rejoindre l'Europe.

Quid des Européens dans ce contexte ? Il sont finalement peu évoqués et quand c'est le cas, ce n'est pas de manière flatteuse : dans le récit d'Amir, on en rencontre deux qui viennent sentir l'odeur du sang dans des pays en guerre ; dans celui du garçon (mais est-il vraiment en Europe ?), qui se retrouve à errer dans des bâtiments abandonnés ou au sein d'une usine entièrement automatisée, c'est l'absence d'humanité qui se fait cruellement sentir.

A la lecture de certains livres, on se dit que l'auteur met un nom sur des souffrances, sur une réalité. Ici, il n'y a guère de noms. Les migrants restent anonymes, et peu de destins sont évoqués. Pour autant, la force du récit est réelle et comme le souligne la quatrième de couverture, ce livre constitue indéniablement « un puissant remède contre la déshumanisation. »
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La fatigue du matériau est une tentative pour imaginer une voix à ceux qui n'en ont pas en littérature, ou du moins pas encore : celle de migrants prêts à tout pour quitter leurs communautés détruites, et rejoindre un endroit où ils pensent voir construire un avenir – l'Europe. Ces voix sont celles de deux frères, imaginées à travers deux fils narratifs séparés et asynchrones. le plus âgé, Amir, ayant réussi une traversée clandestine, se retrouve séparé de son frère alors qu'il se prépare à la deuxième traversée qui devait l'amener vers une ville du nord de l'Europe ; le fil narratif du plus jeune frère, qui n'a pas de nom, semble se dérouler quelques mois plus tard et débuter au moment de son évasion du centre de rétention où il végète depuis plusieurs mois.
Par le point de vue adopté, à la fois intérieur et extérieur aux deux frères, et centré sur leur immédiat, Šindelka nous invite à nous glisser dans leur peau.
Ces deux récits individuels font de la fatigue du matériau un roman très fort, sur une expérience humaine beaucoup plus large et dont les deux frères sont un symbole, mais aussi sur l'endurance insoupçonnée de corps et d'esprits que la nécessité pousse jusqu'à leurs limites extrêmes.
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