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Critique de Annezzo


Un groupe de gens qui se fréquentent, s'apprécient, dans un salon new-yorkais. Surtout des homme, si ce n'est la fille de l'hôte, 27 ans. La trentaine, la quarantaine, la cinquantaine, parfois riches, parfois bourgeois, parfois pauvres, plutôt intellectuels. Ils échangent des idées, se contredisent, discutent. La jeune femme qui papillonne dans le groupe fait naître des sentiments, des envies.
Un groupe de gens qui se fréquentent au coeur de New York, on est en 1947. La guerre en Europe s'est terminée il y a peu, avec son lot d'horreurs.
Un groupe de gens qui se fréquentent en 1947 à New York, et ils sont tous juifs, juifs de Varsovie. La guerre et son lot d'horreur n'est même plus dans les têtes, elle est partout, dans les nerfs, les corps, les pensées, tatouée, sculptée, et ces gens qui se fréquentent, parlent de dieu, de la vie, de la destinée humaine, sont encore sonnés par la violence de ce qui s'est passé. Certains y ont perdu leur famille, ont réussi à fuir, d'autres ont émigré avant la guerre, et portent la culpabilité du survivant, certains veulent vivre, mais à chaque pensée, le génocide est là, évoqué comme "ce qu'a fait Hitler, les tueries d'Hitler, cet assassin d'Hitler". Un des personnages est un rescapé des camps, un des personnages les plus attachant.
Presque au même plan, il y a Staline, c'est curieux, ils mettent à égalité les deux assassins, les deux calamités du siècle (Mao n'a pas encore officié). Certains sont tentés par le communisme pourtant, défendent bec et ongles la cause du peuple et son petit père, en tous cas depuis les Etats-Unis. Mais les nouvelles d'URSS ne sont pas bonnes, notamment pour les juifs, mais pour tout le monde en général. On y blague même, pour ceux qui ont réussi à fuir le pays, sur les dénonciations qui occupent le quotidien soviétique : ta maîtresse te dit du mal de Staline, et si tu ne protestes pas vigoureusement, elle file te dénoncer pour non dénonciation… Donc, tu vas la dénoncer, et tout rentre dans l'ordre jusqu'à la prochaine lubie. Personne n'est dupe, il faut juste choper le truc.
Des pages un peu longuettes sur les cérémonies juives. D'autres sur "pourquoi y aurait-il un dieu, si c'est pour permettre à des Hitler ou des Staline de faire ce qu'ils ont fait ?". L'envie de suivre les préceptes de la religion, mais c'est un pensum. Les nouvelles générations qui s'en foutent complètement.
Et les femmes.
C'est quasiment une étude sur l'indécision. Ca conduit le livre et quelque part, ça le pourrit. On s'y reconnait, dans le questionnement, et si je fais ça, si je largue tout, ça va donner quoi dans deux ans, dans dix ans. Et j'ai trop envie de le faire, mais est-ce vraiment ce que je veux ? Mais pourquoi garder les choses en l'état, alors que je m'ennuie mortellement. Par acquis de conscience, par respect pour l'autre, mais la vie est faite d'autre chose, mais au fond, de quoi est faite la vie… Etc.
Pas de leçon de morale, ni de coups de gourdin sur "regardez comme on a souffert" assénés au lecteur. C'est de la vie qui est décrite, pleine de trous, vaille que vaille.
Ca a d'abord paru en feuilleton. L'auteur (prix Nobel) a dû lui aussi se triturer d'indécision sur le sort de ses personnages, alors j'en fais quoi, de celui-là, ce qui rend le livre vivant et bancal… comme la vie.
Ca fait 900 pages et ça pourrait encore continuer, 900 pages en photo d'une société à un moment donné, avec ce passé impossible et cet avenir assombri et pourtant porteur de lumière.
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