Voici un livre qu'il faut lire en contre-champ de ce qu'il raconte. L'histoire en elle-même n'est pas son objet. La femme libérée n'est qu'une approche du problème qu'il pose. Madhuban sombre dans la folie. Très tôt dans le roman cette sortie paraît inévitable. La fenêtre par où semble s'envoler l'oiseau s'ouvre sur un abîme. Elle a depuis longtemps fait pénétrer le vent de la dissociation.
C'est le texte qui est la clé et là est tout l'intérêt du livre, le non explicite. La jeune Indienne dont
Sumana Sinha nous parle est évidemment un de ses avatars. Elle a son origine et son parcours historique. Ce qui est essentiel c'est la schizophrénie qui se profile alors même que tout pourrait nous faire penser qu'elle a trouvé dans l'exil la liberté et le bonheur dans la liberté. Et c'est par là qu'elle trébuche et tombe. L'abîme dans lequel elle sombre est ce que l'on ne quitte pas. Son passé. Elle y revient sans cesse, entre les remugles de son pays et surtout de sa famille qui ne veut pas la laisser fuir. Et vers quelle fuite court-elle ?
Le destin la rattrape, à jamais incapable de trouver une stabilité, pour toujours écartelée. le gouvernement des souvenirs reste maître de notre avenir. Et son avenir est dans son passé profond, le ventre de sa mère (mère patrie et obsession de l'eau ?). Madhuban condamnée à errer s'estompe pour laisser place à ce que
Sumana Sinha a de plus intime à nous dire. " Un seul être nous manque et tout est dépeuplé. " Sous le vernis hyperactif que traduit si bien le texte, l'image du père et du manque nous conduit vers l'inévitable (source oedipienne ?). Tel le Marchand de Samarkand elle retrouve son destin là où elle le croyait fuir. Les hommes de sa vie sont ses transferts qui ne sont là que pour lui permettre son retour aux sources. Lisez ce beau livre, vous en sortirez enrichis.