Dystopie
Finlande de nos jours
Vanna nous raconte tout d'abord son enfance. A l'âge de 4 ans,ses parents meurent dans un accident de la route et elle et sa soeur sont recueillies par leur grand-mère en Finlande. On apprend les réalités de la vie de ce pays par les yeux d'enfants. Les petites filles sont élevées pour devenir de parfaites ménagères et il existe une « cérémonie » qui détermine le sexe des filles : une fille peut devenir soit une Eloï, soit une Morlock. Etre une Eloï signifie devenir domestiquée mais avec une vie relativement facile (avec mari, enfants,sécurité) ; être désignée Morlock revient à être « déclassée », utilisée pour du travail physique très pénible, être stérilisée et devenir une esclave. La grand-mère, consciente du danger, élève les deux filles pour qu'elles soient « reconnues » comme Eloïs , c'est le cas sans doute pour Manna, la plus jeune soeur, mais pas pour Vanna l'aînée, celle ci devient donc officiellement Eloï même si elle se sait Morlock à l'intérieur. Les hommes eux sont partagés également en deux groupes , les virilos à qui tout est permis et les infras réduits en esclavage.
Au delà de l'histoire passionnante de Vanna qui recherche sa soeur disparue un an après son mariage, c'est tout une société de faux semblants et de mensonges qui est décrite. Côté personnages masculins, Jare gagne peu à peu la confiance de Vanna.
Le roman alterne l'histoire vue pr Vanna, quelques témoignages de Jare, et des extraits de pseudo- encyclopédie démontrant l'infériorité de la femme (juste bonne à faire des enfants et tenir le foyer)
Cette dystopie où les femmes sont réduites en esclavage (que ce soit les Eloïs ou les Morlocks, cela reste de l'esclavage) est aussi intéressante que la servante écarlate de Margaret Atwood.
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Bienvenue en République Eusistocratique de Finlande !
Bienvenue dans ce pays idyllique où les femmes sont fortes, riches et respectées. Où le bonheur de certains n'empiète pas sur celui des autres, où l'épanouissement personnel est de mise, voire encouragé.
Bienvenue en République Eusistocratique de Finlande, pays où il fait bon vivre et dans lequel la liberté de parole est la même pour tous. Et toutes.
Enfin, on peut toujours rêver.
Ce roman dystopique nous emmène dans ce froid pays devenu, au lendemain de la guerre, un état où toute forme de jouissance et de plaisir est bannie, sauf le sexe car il faut certainement bien se tenir chaud les longues nuits d'hiver... et il ne faudrait pas non plus que ces messieurs dépriment.
Car, une fois encore, ce sont surtout les femmes qui pâtissent des nouvelles lois en vigueur. Considérées comme appartenant à une sous-catégorie, les femmes sont, au mieux, de parfaites idiotes ; au pire, dangereuses car indomptables puisqu'elles savent faire fonctionner leur cerveau.
Les premières deviennent des éloïs, soit de parfaites petites ménagères dont le seul rôle est de satisfaire aux besoins du mari et de pondre des gosses, tandis que les secondes, les morlocks, sont stérilisées dès le plus jeune âge – il ne faudrait pas qu'elles se reproduisent non plus – et sont employées dans des travaux subalternes.
Johanna Sinisalo raconte l'histoire de Vanna, une morlock dissimulée sous les traits d'une éloï.
Vanna a une soeur, Manna, qu'elle cherche désespérément et nous conte alors leur enfance, leur adolescence, leurs différences. Vanna appartient aussi à la résistance, ou ce qui s'apparente à une forme de résistance, en participant à un réseau clandestin qui fait entrer dans le pays de la marchandise prohibée, dont le fameux piment bourré de capsaïcine.
J'ai été attirée vers ce roman par sa couverture (une belle femme blonde, très distinguée, très bon chic bon genre, mais avec un balai-brosse – un balai à chiottes, appelons un chat un chat – en guise de couvre chef), puis par son résumé qui m'a donné envie.
Ce roman alterne les points de vue, particulièrement celui de Vanna, et est parsemé d'extraits de la nouvelle constitution finlandaise, des manuels scolaires, d'études réalisées pour expliquer – justifier ! - la mise au ban de certaines catégories de la population. Et quand on sait que certaines de ces études sont véridiques... Cela fait froid dans le dos.
Ce roman s'inscrit dans la lignée de La Servante écarlate de Margaret Atwood, roman revenu à la mode ces derniers temps grâce à la série tirée dudit roman et à l'avènement de Trump en tant que Président des États-Unis (donc du Monde). Comme beaucoup de dystopies, ce roman est perturbant, même si captivant, car nous montre ce que notre société pourrait devenir – voire est déjà.
La plume de Johanna Sinisalo est agréable et j'ai tourné les pages avec plaisir.
Mais, comme presque à chaque fois que je lis un roman d'anticipation, je suis restée quelque peu sur ma faim, beaucoup trop de choses restent inexpliquées. Pour moi, ce genre ne devrait pas se contenter d'un seul tome mais appartenir à une série de romans afin d'expliquer comment chaque partie de la population vit la chose. C'est une très bonne base pour un scénariste.
Challenge Trivial Reading II
Challenge multi-défis 2019
Challenge Monopoly
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La distribution de sexe - un produit de consommation essentiel à la paix sociale - doit être aussi efficace que possible. A cet effet, le corps scientifique gouvernemental a généré une nouvelle sous-espèce humaine - les éloïs. De type blond, réceptive et soumise, l'éloï est jugée apte pour le marché de l’accouplement et sera vouée à favoriser par tous les moyens le bien-être de son époux. Les morlocks, en revanche, éléments de la population féminine jugés trop indépendants et difficilement domesticables, sont une espèce en voie de disparition. Stérilisées depuis leur plus jeune âge, elles constituent un réservoir de main-d’œuvre affectée à des tâches répétitives.
“Vanna. Si l’enfant, à cause de coliques ou d’une otite, par exemple, pleure sans discontinuer, que fais-tu ?”
La question du professeur me fait sursauter. C’est un virilo, père de famille, déjà âgé d’une quarantaine d’années. Il aime son travail, c’est pour lui une victoire personnelle chaque fois qu’une éloï quitte le lycée pour se marier.
Qu’est-ce qu’il a bien pu dire avant ça ? Je n’ai pas écouté un mot.
Je jette le bébé par la fenêtre ?
“Eh bien, euh, j’essaie de protéger mon conjoint du bruit.
- Plus précisément ?
- Eh bien, j’emmène le bébé loin de l’endroit où il dort. Ou je donne à mon mari des bouchons d’oreilles.”
Le professeur me regarde, surpris. “Tiens, tiens, Vanna, tu as quand même écouté.”
Je n’ai pas écouté. Mais réfléchi.
Les robes à volants rose criard des six demoiselles d'honneur étaient conformes à la tradition : nous devions être aussi peu à notre avantage que possible afin de rehausser la beauté de la mariée. La couturière avait fait un bon travail, nous avions toutes l'air de petits cochons luisants, râblés, venant de se rouler dans un tas de feuilles roses.
Nous savons que chez la fémine, les caractéristiques physiques et psychologiques de l’enfance propres à provoquer l’attendrissement et susciter un désir de protection persistent également, de nos jours, jusqu’à la maturité sexuelle et même au-delà. Ces caractéristiques, telles que le besoin de plaire, la sociabilité, la recherche d’un soutien et d’une sécurité auprès du sexe masculin et la naïveté espiègle, sont, comme nous en convenons maintenant tous, intrinsèquement féminines. Or elles étaient, avant la domestication, en voie d’affaiblissement ou même de disparition, du fait d’une sélection naturelle faussée (qualifiée d’émancipation).
Hanna, Janna, Sanna et Leanna écarquillent leurs yeux maquillés pour m’interroger, la bouche en cœur, sur mon futur mariage.
Comment est-ce qu’il a fait sa demande ?
- C’était plutôt romantique. Il m’a demandé combien d’années de cours de gestion domestique j’avais à mon actif, et j’ai dit deux.
- Mais c’est presque vrai ! Tu es à l’institut depuis plus d’un an.
- Avec comme matières cuisine, budgétisation des achats, hygiène domestique, puériculture, entretien du corps et bien sûr agilité sexuelle.
- Et comme options ?
- Couture, organisation de réceptions et décoration intérieure. Quand j’en ai parlé à Jare, il a dit que je serais bientôt une épouse accomplie.”
Toutes soupirent, c’est si merveilleusement virilo.