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Critique de Apoapo


Une conférence intergouvernementale à huis clos tenue à Évian les 8-16 juillet 1938, afin de « faciliter l'émigration des réfugiés politiques en provenance d'Autriche et d'Allemagne », confère à la problématique de la tentative d'exode des Juifs fuyant les persécutions nazies sa première dimension officielle internationale. Il convient d'en rappeler in extenso les résultats, afin de se remémorer le Zeitgest de la fin des années 30 vis-à-vis de la question des réfugiés (et le comparer, n'en déplaise à Monsieur Finkielkraut, à celui d'aujourd'hui...) :
la France déclara être « au point extrême de saturation, si elle ne l'a pas dépassé » ;
la Grande Bretagne laissa espérer l'installation de « quelques centaines de familles de colons » en Nouvelle-Calédonie et de « quelques milliers » à Madagascar, mais surtout pas en Palestine ;
les États-Unis, où en sus du visa d'entrée était déjà en vigueur le système des quotas d'immigration par pays, ne jugèrent pas opportun de modifier leurs quotas d'immigration d'Allemagne et d'Autriche ;
l'Italie déclina l'invitation à participer à la Conférence, que la Suisse refusa même d'héberger, alors que l'Afrique du Sud n'y envoya qu'un observateur ;
les pays d'Amérique latine, à l'exception de la République dominicaine, proclamèrent leur incapacité à accueillir des réfugiés ;
l'Australie affirma que, « n'ayant point de problème racial réel, elle juge[ait] inutile d'en créer un ».
À l'issue de la Conférence, Goebbels exulta et fit paraître un article de presse intitulé : « PERSONNE N'EN VEUT ! » ; quelque temps plus tard, dans un célèbre discours prononcé à Nuremberg, Hitler eut beau jeu de clamer :
« L'Allemagne n'a cessé, des dizaines d'années durant, d'accueillir des centaines de milliers de ces Juifs. Mais aujourd'hui que le mécontentement populaire s'amplifie […] on gémit à l'étranger. Oui, on gémit. Mais cela ne veut pas dire que ces pays [les démocraties] aient l'intention de résoudre par une action efficace le problème qu'ils posent avec hypocrisie. Bien au contraire, ils affirment le plus froidement du monde qu'il n'y a pas de place chez eux. » [cf. pp. 31-33]

Tout cela sert d'introduction à l'épisode historique relaté dans ce récit. Fort de cette situation, et à l'évidence en guise de coup d'éclat médiatique, Hitler autorise les Juifs à quitter l'Allemagne : le 13 mai 1939 le navire de ligne allemand Saint-Louis quitte le port de Hambourg à destination de la Havane, avec à son bord près de mille réfugiés juifs, majoritairement des femmes et des enfants, tous munis de visa d'entrée pour les États-Unis ainsi que d'un visa cubain qui s'avérera avoir été délivré frauduleusement. Cuba n'accueillera pas les passagers, pas même contre un supplément fort en numéraire à extorquer aux différents organismes israélites d'aide, notamment américains. Durant un peu plus d'un mois, les passagers seront confrontés à un cycle alternant espoir et désespoir d'être autorisés à débarquer, espérance et désespérance de survie.

Je suis très surpris pas la tiédeur de certaines notes de lecture face à ce livre qui, pour ma part, m'a véritablement enchanté. Outre que m'apprendre un épisode que j'ignorais, un contexte historique auquel l'on n'a pas l'habitude ni l'envie de penser – car il est particulièrement honteux ex post – et de révéler les drames de conscience individuels – en particulier la splendide personnalité du capitaine Schröder, qui, inculpé après la guerre par les Alliés, fut d'abord disculpé par les témoignages des survivants du Saint-Louis, puis honoré post mortem du titre de « Juste des Nations » –, j'ai particulièrement apprécié en cet ouvrage la dose minime et pourtant indispensable de romanesque, comparée à l'amplitude des citations documentaires, qui se glissent si habilement dans la narration que l'on n'en ressent jamais de pesanteur.
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