Lorsqu'un père jésuite fréquente la diplomatie secrète du Vatican et ordonne prêtre un espion du KGB.... Lorsque revolvers et mitraillettes se dissimulent sous djellabas et soutanes.... lorsque un ecclésiastique à la soutane râpée loge dans des hôtels de luxe pour raison de service.... Ce thriller, qui ne manque pas d'humour, pourrait être franchement drôle ; en réalité il n'en est rien si l'on songe aux sept martyrs de Tibhirine assassinés sur l'autel de la raison d'état algérienne, et dont il est question ici (entre autres). L'auteur, ancien directeur de la DGSE, bien renseigné sur le sujet, nous révèle les ficelles de tout ce qui s'est joué dans le sort de ces pauvres gens.
On sourit, on s'indigne, on se révolte et finalement écoeuré, on se dit que vraiment la droiture, l'honnêteté, la générosité et la loyauté ne sont d'aucune valeur ici-bas. Un cynisme aussi ouvertement affiché par les grands de ce monde laisse tout de même pantois.J'ai bien aimé la personnalité profondément humaine, avec ses qualités, ses défauts et ses doutes, du père Stroem, enquêteur au service du Saint-Siège (mais quelque peu joué par lui). L'histoire se lit facilement, on se demande souvent qui espionne qui, et on est pris par l'histoire jusqu'au bout. Sans rien apporter de bien nouveau sur le sujet ce livre apporte des perspectives approfondies sur les rapports entre l'état algérien et les milieux islamistes, entre le Vatican et l'Islam, le tout pimenté d'un peu d'espionnage russe. On apprend beaucoup de choses sur l'implication de deux grandes religions monothéistes dans le monde moderne (y compris sur les dérives sectaires de l'Islam) et sur le contexte historique du moment. Passionnant !
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Les deux amis discutèrent longuement de la religion et la foi, de leur rapport avec le pouvoir des hommes. Le père Stroem était convaincu que la raison n'avait rien à voir avec la foi. Pour lui, elle était dans le coeur. A partir du moment où la raison s'en mêlait, c'était un marchandage. Le pari de Pascal. Après tout ça ne coûtait rien de croire. Le jésuite s'était trop investi dans une sorte de mystique douloureuse, un combat sur soi-même, pour croire simplement par intérêt. Il était bien possible qu'il n'y ait rien après la mort, le néant quelle importance ! La foi avait donné toute sa force à la vie, n'était-ce pas ça le paradis ?
Le seul luxe était la grande bibliothèque qui couvrait un pan entier de mur. Elle comprenait des livres de théologie, bien sûr, mais de toutes les théologies. Le père Stroem n’était pas jésuite pour rien. Des livres de littérature française et américaine, une littérature noire, dure. Des livres de psychologie et des traités de psychanalyse. Après tout, il avait été professeur de psychologie sur le campus d’Anvers.
— … amen.
Il achevait de se signer. La voix était à peine audible.
Le père Stroem venait de terminer sa dernière prière, celle qui précédait sa nuit de sommeil. Un sommeil profond, sans rêves, sans cauchemars non plus. Depuis sa plus tendre enfance, bien lointaine déjà, il était doté d’un sommeil de plomb, « le sommeil du juste », comme lui disait sa grand-mère. Etait-il toujours un juste ? Il le pensait pour une bonne part.
La psychanalyse n’était finalement qu’une des formes de la confession, une forme laïque.
Pierre Siramy, Invité de l'émission ZERO INFO du Mercredi 24 Mars 2010