Ce livre ne doit pas être lu comme un roman, et encore moins comme une "oeuvre littéraire". Ce livre est un exutoire, une soupape que l'auteur a soulevée pour laisser enfin échapper la vapeur de sa souffrance. Il nous prouve, s'il en était besoin, la capacité de résilience qu'ont certains pour tracer leur propre route envers et contre tout, et ne pas rester figés dans la tristesse d'une enfance gâchée par le mépris et la violence d'un père à demi fou.
J'ai terminé "
La Golf blanche" il y a quelques jours, mais il m'a fallu prendre du recul pour en écrire mon ressenti, comme à chaque fois qu'un livre touche à des thèmes qui résonnent dans ma propre mémoire. Mais je tenais à le lire, je l'avais d'ailleurs sélectionné dans une précédente Masse critique, mais j'en avais reçu un autre. Je remercie donc tout particulièrement @Ileauxtresors qui me l'a très gentiment envoyé.
Charles habite Sélestat, une ville moyenne du Centre-Alsace que je connais bien. C'est un enfant à priori sans problèmes, sa mère est institutrice, et son père, allemand, travaille pour un cuisiniste local. Ils ont acheté une maison quand Charles avait 6 ans, il a des copains, une petite soeur, la famille ne manque de rien. Mais insidieusement, le caractère du père va se modifier sans que l'on comprenne vraiment pourquoi, il va devenir irascible et s'en prendre de plus en plus souvent à sa femme et à son fils. Rien de ce que fait celui-ci ne trouvera grâce à ses yeux, qu'il s'agisse de tondre la pelouse, de nager, de participer à des clubs sportifs, ce n'est jamais digne d'un éloge ou simplement d'un peu d'attention. C'est "Scheißdreck", "de la merde" aux yeux de ce tyran domestique. Avec son accent allemand et ses éternels Birkenstoks au pieds (une célèbre marque de chaussures allemandes), sans oublier sa Golf, c'est une vraie caricature. Cette Golf, justement, qu'il utilise comme instrument pour terroriser encore davantage toute la famille, en conduisant comme un malade dans les villages alentours ou sur les routes en lacets des Vosges. Des routes que je connais par coeur, et je vous assure que je comprends parfaitement l'angoisse qui étreignait les tripes de Charles. J'ai connu la même à une époque antérieure, avec une R16...
Ce père qui part en vrille parvient cependant à garder un visage aimable et parfaitement respectable aux yeux du monde extérieur pendant longtemps, ce qui rend les choses encore plus difficiles pour la famille : qui va les croire s'ils se plaignent ? Alors on encaisse, en serrant les dents. Mais les choses finiront par évoluer...
Je ne peux pas dire que j'ai aimé ce livre, ni d'ailleurs l'inverse. Il a remué en moi trop de choses enfouies, en plus avec ces lieux si familiers...Il m'a en tout cas conforté dans mon idée, que non, la répétition du vécu n'est pas inéluctable, on peut prendre en main son destin même si l'enfance n'a pas été toujours facile, même en traînant des traumatismes. Ma fille aînée est de 1988, comme Charles. Je lui ferai lire ce livre, un jour, elle qui n'a pas eu du tout cette enfance-là...