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Critiques filtrées sur 4 étoiles  

Marie Sizun, comme dans " Un jour par la forêt ", a un talent fou pour transcrire les pensées, les paroles d'un enfant. Elle le fait avec beaucoup de justesse et de sensibilité.

Marion remonte à ses souvenirs les plus anciens. Elle a deux ans et sent confusément que quelque chose ne va pas chez sa mère, Fanny. Quelque chose qui lui fait peur:" Tu cours comme tu peux. Horreur à l'idée qu'elle t'atteigne. Et c'est " non" que tu cries, non à ce contact, à cette épouvante. "

Nous suivons ensuite son parcours si poignant jusqu'à l'adolescence. C'est à sept ans qu'un nom est mis sur l'étrangeté de sa mère ; à l'école, on lui dit qu'elle est folle. Il s'agit en fait de bipolarité. A ceci s'ajoute le passé tragique de Fanny. Elle a aimé durant la seconde guerre mondiale un allemand, le père de Marion. Rejetée, salie, elle a progressivement réveillé en elle sa maladie enfouie.

Marion sera toujours écartelée entre deux univers: celui de sa mère, avec qui elle vivra une relation particulière, faite de passion-répulsion, et celui de ses grands-parents maternels, chez qui le prénom de Fanny ne doit jamais être prononcé, comme si elle était morte.

La narration est faite à la deuxième personne, donnant l'impression que Marion adulte se dédouble et s'adresse à l'enfant qu'elle a été. Comme si elle voulait se détacher de ces moments de crises de sa mère vécus dans la terreur ou dans la gêne.

Que de souffrances trop grandes pour un coeur de petite fille! Et quel horrible sentiment de culpabilité qui ne la quittera pas, car elle s'est toujours sentie responsable de sa mère, les rôles étant inversés, elle protectrice et Fanny se comportant de manière souvent puérile.

C'est avec beaucoup d'émotion et de compassion que je me suis glissée dans les sentiments, les rêves, les cauchemars de cette enfant perdue, au destin à jamais brisé. Tant d'autres enfants , autour de nous, ont à vivre ce type de relation fragilisante et mortifère. Pensée attristante et effrayante...
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le narrateur interpelle Marion pour lui rappeler sa vie et ses relations avec sa mère " la femme de l'Allemand".
Il lui rappelle sa petite enfance avec cette mère et leur relation fusionnelle, sa relation avec ses grands-parents à qui sa mère ne rend jamais visite.
Il lui rappelle le silence de sa mère au sujet de son père qu'elle dit être mort en Russie, ses comportements inexplicables et provocants et ses séjours à l'hôpital.
Marie Sizun a le mérite de parler d'un sujet que l'on aborde rarement . Elle écrit avec beaucoup d'émotion une histoire compliquée : être la fille d'un allemand.
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J'ai fait la connaissance de Marie Sizun avec La Gouvernante Suédoise il y a deux ou trois ans et j'ai pu la rencontrer lors du Printemps du livre à Montaigu en 2019 et lui exprimer tout le plaisir que j'avais eu à lire son roman. Que pourrais-je lui dire aujourd'hui après la lecture de la femme de l'Allemand ?

"Ta mère fait tout trop haut, fait tout trop fort. Elle n'est pas comme les autres. Elle détonne parmi les fidèles, ces gens tranquilles, sans éclat, ces gens qu'on ne remarque pas, qu'on ne voit pas (...). Dans un monde décoloré elle est en rouge. Elle crie au milieu des muets, Elle danse parmi des gisants. (p67)"

Marion, la narratrice, s'adresse à l'enfant et l'adolescente qu'elle a été. Elle lui parle et utilise le "Tu" installant un climat d'intimité, se confiant à elle en restituant cette enfance auprès de sa mère Fanny, qui sera détectée au fil du temps comme maniaco-dépressive et fera plusieurs séjours en hôpital psychiatrique avec séances d'électrochocs et traitements abrutissants. Elles forment à elles deux un couple Fanny-Funny comme sa mère les appelle. Peu à peu Marion remarque et reconnaît les attitudes, les comportements qui ne sont pas "normaux" et sont annonciateurs de crises. Elles vivent doublement isolées : éloignées de toute famille car Marion est le fruit d'une relation de sa mère avec un Allemand pendant la guerre et par le comportement imprévisible de Fanny qui exclut toute relation extérieure. Seule la soeur de Fanny, Elisa, sert de lien, de rempart et gère parfois les débordements et même si l'enfant est accueillie par ses grand-parents maternels, Maud et Henri, sa mère a été définitivement bannie du clan familial.

En partant de ses premiers souvenirs, toute petite, où elle comprend que sa mère est différente, elle part de ses plus lointaines souvenirs et analyse non seulement les symptômes, les comportements de sa mère mais également ses propres réactions face à ceux-ci sans perdre de vue sa recherche d'identité, ce père prétendument mort à Stalingrad pendant la guerre, qu'elle nomme l'Allemand, n'ayant eu aucun autre nom pour l'identifier, allant jusqu'à suivre l'option allemand au lycée pour se sentir proche de lui et croyant ainsi faire ressortir ses gênes germaniques.

Marion va au fil du temps détecter les signes avant-coureurs des crises délirantes, va devoir assumer une mère imprévisible, ses excès, allant jusqu'à masquer les dérapages de celle-ci afin de la protéger des traitements douloureux qu'elle ne veut plus subir et tenir les promesses qu'elle lui fait de ne pas la faire interner. Une enfance douloureuse mais parfois traversée de périodes joyeuses, complices mais où le moindre grain de sable fait basculer dans l'imprévisible, les excès, la folie.

C'est avec une écriture douce, tendre et bienveillante que Marie Sizun, nous raconte la relation entre cette fille et sa mère, Marion devenant la mère de sa mère, devant anticiper ses délires, protéger le couple qu'elles forment afin d'avoir le sentiment d'être une famille même si les rôles sont inversés, elles qui vivent en marge dans ces années d'après-guerre où une femme s'excluait de la société pour avoir aimé l'ennemi.

J'ai aimé la manière dont l'auteure a abordé les différents thèmes : l'enfant de la honte, la folie, la relation mère-fille sans jamais porter de jugement mais simplement en rassurant et consolant l'enfant, justifiant ses actes et parfois les décisions difficiles qu'elle a dû prendre.

Un roman vacillant entre amour-folie-désespoir et manque, manque d'un père, manque d'une mère qui n'en possède souvent que le nom, manque d'une enfance sereine. J'ai aimé la tendresse et la bienveillance de l'adulte face à l'enfant qu'elle a été essayant de la rassurer, de la consoler et la manière dont l'auteure évoque une enfance partagée entre amour, peur, responsabilité et loyauté.
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J'ai découvert Marie Suzin lors d'un salon, j'avais beaucoup apprécié l'auteur et j'avoue avoir été bouleversé par son roman. L'histoire de cette mère et de sa fille ( Fanny et Marion) flirte tout le temps sur la corde sensible des émotions mais sans patho ni sensiblerie. Car Fanny est maniaco-dépressive. Marion subit au quotidien la maladie de sa mère, et son amour se dispute avec la peur, dans l'attente d'une nouvelle crise. La description de la maladie de Fanny alors que le regard de Marion évolue en grandissant est remarquablement décrit. Marie Suzin distille de page en page avec retenue et justesse une petite musique qui va droit au coeur. Une bien belle découverte.
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Tu as deux ans. Un cri sur une route de campagne, ta première peur vis-à-vis de ta mère.

Qui parle à Marion en utilisant ce « tu » si insistant, au fil de ces pages qui nous bouleversent ?

Par cette voix, nous apprenons ton éprouvante enfance, puis ton adolescence, face à une mère dont l'incompréhensible maladie te sera nommée un jour : psychose maniaco-dépressive.
Tu es née au sortir de la guerre, d'un père allemand disparu. Aucune trace de lui et surtout un silence honteux que tes grands-parents, ta tante Élisa, ta mère, entretiennent autour de toi, autour de cet Allemand.
Déjà privée de père, nous souffrons avec toi lorsque ta mère se transforme. Son regard, sa voix, sa façon de chantonner. Elle erre dans un autre monde qui te terrorise.
Tapie parfois mais toujours à l'affût, la folie ressurgit. Elle est latente. Des signes ne te trompent plus, Marion, les scènes se répètent tristement. L'auteure répète les faits, répète la peur, tout suit le même déroulé avec cette maladie qui n'est que répétition.

Marie Sizun sait implacablement instaurer et nous faire vivre cet éternel recommencement. Avec son écriture hachée, les mots n'ont aucun mal à percer notre esprit. C'est parfois dur, inexorable, âpre. Les émotions affleurent et se bousculent.
Tendresse, angoisse, amour et peur se succèdent. Des moments heureux émergent entre deux crises, des petits déjeuners partagés, complices, dans le petit appartement parisien.

C'est un roman qui, au-delà des troubles bipolaires, parle de culpabilité, de non-dits, de rupture de liens familiaux due à la guerre, de la douleur du rejet. Et surtout c'est la difficile construction d'une vie, celle de Marion, au milieu de cette instabilité familiale.
Marie Sizun est remarquable pour décrire cet amour filial déchirant.
Une lecture marquante sans aucun doute.
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Encore une fois, un roman dont le narrateur s'adresse à un « tu » dont on a vite fait de comprendre qu'il ne s'agit pas du lecteur mais de l'un des deux personnages principaux : Marion, non pas « femme » mais « fille » de l'Allemand. Marion, toute petite fille de deux ans et demi glacée de peur devant celle qui, sur la petite route, devrait lui tenir la main pour la protéger, l'accompagner, la rassurer. Au lieu de quoi, elle la terrorise. Et c'est de sa propre mère, Fanny, dont elle garde ainsi le plus ancien souvenir, avec effroi. Qui d'entre nous a au coeur le plus lointain souvenir avec sa maman ? Elle semble tellement évidente, proche, faisant partie intégrante de notre histoire, de nous-même !

Il en va bien différemment pour Marion, Funny, Face -Funny, comme la nomme sa mère dans l'étrange (et malsaine) idée qu'elles ne font qu'un être en deux personnes, les deux faces d'une même médaille : jumelles, ennemies, amies ?

Marion est fascinée par sa mère, cette toute petite femme qui rappelle une ado, drôle, vive, enjouée. Sombre, perverse, menaçante, totalement incontrôlable. Car Fanny a deux visages, maniaco-dépressive disait-on à l'époque, bipolaire aujourd'hui.

C'est beaucoup demander à une petite écolière, puis à une ado lycéenne, que de gérer les alternances de comportement d'une mère adorée, effrayante et parfois détestée. Comment se construire avec un tel modèle ?
Et la blessure se creuse encore avec l'image du père, désespérément absent. Qui donc était cet Allemand dont Fanny s'est éprise en 1945, qui lui a fait un enfant, qui l'a faite rejeter par sa bourgeoise famille avant d'aller mourir à Stalingrad sous les balles russes ? Marion grandit vite sous les quolibets de ses copines d'école : fille de la folle ! Encore heureux que son origine germanique reste secrète ! Un secret qui la torture.

Un livre attachant, si bien documenté sur la maladie et exprimant si bien les mouvements du coeur de l'enfant meurtrie qu'on s'imagine que, peut-être, l'histoire a été vécue par l'auteure ou par l'une de ses proches.
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j'ai aimé la façon dont l'auteur parle de cette petite fille, à la 3ème personne, qui assiste impuissante aux crises psychotiques de sa mère qu'elle adore et qu'elle déteste à la fois. En cette période d'après guerre on ignorait tout de cette maladie, les traitements étaient inadaptés ou violents. Cette gamine courageuse devra grandir malgré cela et sera d'une grande maturité. Ce n'est pourtant pas un sujet que j'affectionne mais ce roman est bien fait et se laisse lire avec grand plaisir.
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J'ai découvert Marie Sizun dernièrement avec "la gouvernante suédoise" et j'ai beaucoup aimé. Je me suis donc procuré "la femme de l'allemand" dont je n'avais jamais entendu parler. J'ai lu le livre en un jour. C'est un histoire douloureuse, intime et forte qui interpelle et prend aux tripes parce qu'elle est racontée par Marion, la fille de Fanny qui est maniaco - dépressive, à présent on parle de bi-polarité pour la même pathologie.
C'est dur, très bien écrit et ça m'a fait furieusement penser à "rien ne s'oppose à la nuit" de Delphine de Vigan. La maladie mentale détruit le sujet lui - même et aussi souvent son entourage, fortement impacté.
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Qui ne se souvient des clichés de femmes tondues à la Libération ? Violence des images, humiliation publique des victimes, traumatisme sans blessure, comme un viol : il fallait punir la « collaboration horizontale » et aussi sans doute venger, selon un rite primitif, l'honneur viril du combattant vaincu et trompé. le roman de Marie Sizun évoque de loin ce sujet, mais pas en historienne, et seulement en creux.

C'est par le regard de l'enfant d'une des ces femmes qui n'ont pas su résister aux charmes ou aux assauts de l'ennemi, que le récit se construit, en même temps que la petite fille grandit et comprend sa situation singulière : fille d'un père indicible et d'une mère tant aimée, mais si étrange. Dans le cocon familial exclusif de cette solitude à deux, la « folie » qui rode autour de la « faute » initiale empoisonne petit à petit les relations mère-fille, explose avec la crise de l'adolescence et la quête du père. La psychose maniacodépressive, enfin nommée, n'est pas exorcisée de ce fait. Avec son redoutable cortège de crises de démence, d'électro-chocs, d'enfermements, elle est plus qu'une maladie. Pour l'enfant, c'est à chaque fois un arrachement, une trahison et la culpabilité d'un lâche soulagement.

Ce qui touche la lecteur, c'est l'épreuve de cette petite fille, si douée pour le bonheur comme pour les études. Tout est remis en cause à chaque rechute de sa mère, dont elle observe les symptômes de manière aigüe. Ce sont les relations familiales, plombées et distendues par le lourd secret que l'enfant découvre en grandissant. Ce sont les émois de l'adolescence, insupportables à la mère qui en a payé si cher les conséquences. C'est enfin le regard des autres sur cette maladie, et la compassion exprimée, quelquefois si pesante pour l'enfant.

Le style de l'auteur est singulier : Marie Sizun a choisi la forme d'une chronique à la deuxième personne. L'auteur s'adresse à la petite Marion, mais reste mystérieux. Qui est-il ? D'où parle-t-il ? A quelle occasion ? Pourquoi Marion reste-t-elle silencieuse ? Ce « tu » instaure la proximité d'un dialogue sans réponse et d'une sollicitude impuissante. La phrase est dense, ramassée. Les chapitres sont courts, comme les diapositives des années qui passent. Ils rythment un vrai suspense psychologique, où tout l'art est de dire en si peu de mots une aussi grande douleur, dont le souvenir poursuit longtemps le lecteur, une fois le livre refermé.

http://diacritiques.blogspot.fr/2010/03/la-femme-de-lallemand-marie-sizun.html
Lien : http://diacritiques.blogspot..
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Dans le droite ligne de "Le père de la petite" ce roman est tout aussi bouleversant.

Marion est une enfant qui grandit à Paris dans l'immédiat après guerre. Marion qui partage sa vie avec sa mère folle, sa mère maniaco-dépressive, cette mère, qui malgré la honte, est l'objet de piété.

Par le biais d'un style narratif particulier dû à l'utilisation de la deuxième personne du singulier, Marie Sizun nous fait vivre toutes les émotions de cette jeune fille, de l'enfance à l'adolescence. Et nous voilà plongés dans ce couple mère-fille, dans cette relation à la fois simple et compliquée. Marion cherchera son salut à travers l'image de son père, l'Allemand, celui dont elle ne connait pas le nom et dont l'absence emplit ses vides.

Et si cette absence était la source de leurs maux ?

Une magnifique histoire, très bien racontée. Un livre touchant et profond.
Lien : http://animallecteur.canalbl..
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