Dans cette suite de
la gouvernante suédoise, on retrouve tous les protagonistes du premier opus dont la vie se trouve désormais bouleversée par le décès de Hulda. La fratrie est séparée. Les deux garçons sont envoyés en pension et les trois filles vont désormais retrouver la proximité affectueuse de leur père qui accepte l'invitation d'un ami russe à s'installer dans son hôtel particulier de Saint Petersbourg. Alors que leur relation est des plus distantes, Léonard convie la gouvernante à les accompagner. C'est une nouvelle vie, certes modeste mais heureuse qui s'offre à eux. Les trois soeurs grandissent dans un milieu sécurisé et amical, aux côtés de chaleureux hôtes russes qui les entourent avec bienveillance. La relation de Léonard avec Livia reprend.
Malheureusement, le contexte politique se tend qui précipite le retour des Sézeneau en France, chez un oncle veuf qui leur propose le gite et le couvert dans sa nouvelle maison campagnarde bretonne. La gouvernante les quitte à paris et disparaît de leur vie.
les filles passent alors d'une adolescence épanouie et confortable au sein de la belle société de St Pétersbourg à un âge adulte, morne et impécunieux… Leur père reste un mystère, peu loquace, ombrageux, tyrannique et surprotecteur. C'est donc avec beaucoup de difficultés qu'il admettra le besoin d'indépendance de sa benjamine Alice. Louise est désormais malade et ses soeurs sont inquiètes pour elle. Eugénie, la plus libre des soeurs, tente de s'affranchir des carcans et découvre l'art et l'amour en même temps que le Montparnasse des peintres et des sculpteurs.
Ce texte est comme dans le premier opus, linéaire et chronologique.
Marie Sizun y dépeint avec délicatesse et vraisemblance le destin de ses ascendants. Elle recompose un passé enfoui pour lequel elle interprète les indices qu'elle a recueillis dans les archives familiales.
Bientôt la descendance de Livia se rappelle au bon souvenir de la famille Sézeneau et le mystère de
la gouvernante suédoise devient dès lors réalité.
C'est un beau roman, tout en douceur et en finesse. L'écriture de Marie Suzin en fait tout le charme un peu suranné et l'intérêt. On y vit au rythme de cette bourgeoisie désargentée de province, guindée et puritaine qui a du mal à s'affranchir des carcans sociaux et des idées préconçues du siècle précédent.
La souffrance des femmes isolées, celle des hommes prisonniers des convenances y sont dépeintes avec subtilité et nuances.
J'ai beaucoup aimé m'aventurer, guidée par la jolie plume de
Marie Sizun, dans ce début de XXième siècle dont l'ambiance n'est pas sans rappeler les grands romans sociaux entre romantisme et réalisme.