Connaissez-vous Henrietta Lacks? Non ? C'est pourtant l'une des personnes les plus importantes pour la médecine moderne. L'auteur
Rebecca Skloot, une journaliste scientifique, en a entendu parler pour la première fois lors d'un cours de biologie. Ou plutôt a entendu parler de ses cellules, nommées « HeLa », comme les premières syllabes du prénom et du nom de la patiente. Car Henrietta Lacks était atteinte d'un cancer de l'utérus particulièrement virulent et c'est à l'occasion de ses séjours à l'hôpital que les médecins prélevèrent des cellules à son insu afin d'étudier son cancer. Les scientifiques réaliseront alors rapidement que ses cellules ont le pouvoir incroyable de survivre et de proliférer à l'infini contrairement aux cellules humaines saines qu'ils essayaient vainement de cultiver depuis des années. Des expériences in vitro (hors du corps humain) peuvent maintenant être lancées et les cellules Hela vont permettre des avancées scientifiques déterminantes telles que la découverte du vaccin contre la poliomyélite. Henrietta Lacks, décédée en 1951 des suites de son cancer, aura ainsi contribué à sauver des vies sans même le savoir.
C'est cette histoire incroyable que l'auteur entreprend de nous conter dans ce livre à mi-chemin entre ouvrage de vulgarisation scientifique et biographie. Dans la première partie, le récit alterne habilement entre les chapitres consacrés aux progrès de la science et ceux dédiés à la vie d'Henrietta Lacks. le lecteur apprend ainsi, grâce à des explications simples, ce que sont les cellules, les techniques de culture et de congélation de celles-ci ou encore quelques notions de génétique.
Rebecca Skloot a également choisi de nous faire découvrir le destin d'Henrietta Lacks, cette jeune femme afro américaine née dans les années 20 en Virginie et qui reste inconnue du grand public malgré sa contribution à la science. A travers sa biographie, nous plongeons dans l'Amérique des années 50, encore fortement marquée par la ségrégation. La seconde partie de l'ouvrage se concentre ensuite sur les héritiers d'Henrietta Lacks (que l'auteur a eu bien du mal à rencontrer et à convaincre) et sur la manière dont ceux-ci ont appréhendé l'histoire de leur mère (qui leur a été cachée pendant des années). Cette partie du récit est beaucoup moins convaincante car elle comporte beaucoup de longueurs et de répétitions et apporte finalement peu au propos général. Elle contient néanmoins des moments touchants et montre le combat pour la vérité de Déborah, la fille d'Henrietta Lacks.
Pour conclure, il s'agit d'une enquête très fouillée (l'auteur a mis plus de dix ans à écrire ce livre) qui rend un bel hommage à Henrietta Lacks et aborde des débats passionnants sur l'éthique (le consentement des patients, les droits des patients sur leurs propres tissus) et sur la société (les inégalités face aux soins, les profits générés par les laboratoires, etc.). Dommage que la seconde partie du récit ne soit pas aussi pertinente !