Pour un bénéfice mutuel
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il comprend les épisodes 1 à 7 de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits, dessinés et encrés par
Steve Skroce, avec une mise en couleurs réalisée par Dave Stewart. La quatrième de couverture comporte un petit mot gentil écrit par
Brian K. Vaughan qui avait réalisé
We stand on guard : de foi trempée (2015) avec Skroce.
Quelque part dans le multivers sur Zainon une planète lointaine où règne la magie, Meethra, le Maestro régnant (de la lignée Kahzar) a été déchiqueté, massacré par Mardok, qui a également massacré toute sa famille rassemblée pour les fêtes du festival de Shuriek. En tant que grand intendant, Gah'Ree reçoit Margaret (l'une des innombrables épouses de Meethra, mais divorcée depuis ce qui lui a évité d'être massacrée avec les autres) pour lui annoncer la terrible nouvelle. Elle comprend que, tous les membres de la lignée Kahzar ayant été massacrés, cela signifie que son fils William Little va pouvoir revenir sur Zainon, son bannissement n'ayant plus lieu d'être. Elle décide d'aller le chercher lui-même, s'armant de Loyal Backstabber, une épée dotée de conscience. Sur Terre, un riche magnat de l'industrie du pétrole est en train de mettre en doute les compétences magiques de William Little. Ce dernier prend la mallette pleine de billets du magnat et en échange il lui rend sa capacité d'avoir un sexe turgescent. Un peu désabusé quant à son usage de la magie, Will va prendre un verre à table, et accepte une danse lascive d'une jolie professionnelle. Mais celle-ci se transforme en une créature monstrueuse pleine de dents, et dévore Will. Sa mère Margaret surgit à ce moment, commence à se battre contre la créature maléfique et lance une petite bille magique dans la bouche éclatée de son fils, ce qui a pour effet de le guérir instantanément de ses blessures horribles.
Ainsi régénéré, Will peut se battre aux côtés de sa mère Margaret contre les monstres qui ont envahi la boîte de nuit et sont en train de se repaître des pauvres humains. Alors qu'ils sont en train de regagner le dessus, Mardok apparaît, immédiatement reconnu par Margaret. Elle fait apparaître une porte vers un autre monde, et emmène son fils dans l'instant, avec que Mardok ne puisse s'ne prendre à eux. de retour sur Zainon sa mère annonce à Will que son père est mort, ainsi que tous ceux qui pouvaient prétendre à son trône et qu'il se retrouve de fait être le nouveau Maestro. Loyal Backstabber sort une moquerie bien sentie. Will se rappelle le matin où il avait entendu du bruit dans la chambre de sa mère. Il s'y était précipité avec une batte de baseball, et l'enfant de 10 ans qu'il était avait vu Meethra Kahzar prendre sa mère tout debout. Meethra avait raconté l'origine des mondes à son fils, et l'avait emmené sur Zainon avec sa mère, pour qu'il poursuive son éducation dans l'institut de magie. Au temps présent, il reste encore à Will à rencontrer Lord Rygol, le bras droit de son père.
Dans la deuxième moitié des années 2010, l'éditeur Image Comics publie des miniséries par brouette entière, parfois réalisée par des débutants, parfois par des vétérans, et très souvent d'une excellente qualité. Pour Maestros, le lecteur est attiré par le nom de
Steve Skroce, dessinateur pour Marvel de séries comme Cable et X-Men, et réalisateur de storyboards de nombreux films, dont la Trilogie Matrix des Wachowski. La couverture indique que l'artiste n'a rien perdu de son obsession du détail, et qu'il s'agit d'un récit avec magie. le premier épisode établit la dynamique du récit. Un méchant amoureux du néant a décidé d'en finir avec une dynastie de magiciens. Après avoir trucidé toute la lignée des maestros, il ne reste plus qu'à supprimer un rejeton autrefois banni sur Terre. le récit se focalise sur Will, ses idées progressistes, ses capacités à manier la magie, bien assisté par sa mère et par Wren, son amour de toujours, jusqu'alors cantonnée à servir le magicien Lord Rygol. Dans un premier temps, le récit suit 2 lignes temporelles différentes : le présent où Will revient sur Zainon et implémente des changements radicaux dans la société, à la fois des formes de démocraties, à la fois des programmes sociaux, le passé où le lecteur voit comment Will a subi des brimades à l'école de magie de la part de ses camarades, et des tortures de la part de son père. Rapidement, le lecteur fait le constat que Will possède une capacité de réflexion déroutant ses adversaires, et que ses pouvoirs magiques sont bien opportuns pour se sortir de situations désespérées.
Les capacités magiques opportunes de Will ont pour effet de dédramatiser les situations puisqu'il est vraisemblable qu'il utilisera un sort bien pratique pour s'en sortir au dernier moment, y compris des sorts de résurrection. Mais dans le même temps,
Steve Skroce assure le spectacle avec ses dessins minutieux fourmillant de détails. Dès la première scène, celle du carnage de la lignée royale, le lecteur peut constater que l'artiste ne ménage pas sa peine pour représenter en détails la foule de figurants, ou plutôt de cadavres déchiquetés. Les autres scènes de foule sont tout autant peuplées, qu'i s'agisse des clients du club de strip-tease, de la foule des courtisans à la cour du Maestro régnant, de la masse grouillante de vers à épine de Mardok, de la horde sans nombre de démons du monde souterrain. Au fur et à mesure des épisodes, Skroce s'en donne également à coeur joie avec les décors : la cité impériale du Maestro, la bibliothèque de l'appartement de Margaret, le monument funéraire de la famille des Maestros, le trône du maestro, la réserve des objets magiques et enchantés, les venelles du monde souterrain, et même les allées d'un hypermarché discount. le lecteur voit bien que le dessinateur sait comment faire pour éviter d'avoir à dessiner les décors, mais en fait soit ils sont représentés avec une minutie maniaque, soit il y a tellement de personnages représentés dans le détail qu'il n'y a plus de place pour représenter les décors sans que les cases deviennent illisibles.
Même si le lecteur ressent bien que l'intrigue est tout public, la narration visuelle place le récit dans un registre pour lecteur consentant.
Steve Skroce se montre très inventif pour les différents monstres, des monstres pleins de dents, à l'être anthropoïde à la tête de fleurs, en passant par le gros démon rouge. Il sait transcrire l'horreur avec une touche de gore : le cadavre déchiqueté de Meethra Kahzar, la tête écrabouillée de Will, la chair d'un individu carbonisé, Mardok en train de manger les entrailles de Will, etc. Par ailleurs, l'auteur a décidé de ne pas montrer la nudité du corps féminin, mais il n'hésite pas à montrer le sexe masculin, ce qui à nouveau indique qu'il ne s'agit d'une lecture tout public. le lecteur se retrouve donc complètement immergé dans des mondes très concrets, peuplés de créatures fantastiques et dangereuses, avec des actions brutales et une utilisation de la magie inventive. Cela n'empêche pas quelques moments d'humour visuel, comme lorsque Will se retrouve affublé d'un costume sadomaso aussi révélateur que déplacé sur son frêle corps. Dave Stewart accomplit un travail remarquable pour donner un peu de relief à chaque surface, à les faire ressortir les unes par rapport aux autres, et à accentuer et faciliter la lisibilité des cases.
Le lecteur se laisse donc porter par cette histoire de vengeance aussi amusante que riche visuellement. Il sourit en voyant les maltraitances subies par Will jeune adolescent, à la fois pour leur inventivité, à la fois pour leur absence de conséquence autre que la souffrance. Il sourit encore plus quand Will demande à Mardok quels ont été ses traumatismes de jeunesse pour qu'il se montre aussi méchant, raillant ainsi ce trope dramatique. Il apprécie que malgré sa toute-puissance, Will demande l'avis de sa mère sur la bonne conduite à tenir. Il apprécie l'inventivité du scénariste pour relancer l'intrigue par une nouvelle épreuve à chaque épisode.
Steve Skroce a su trouver le point d'équilibre entre une aventure au premier degré, avec quelques facilités, des rebondissements inattendus, des personnages sortant de l'ordinaire, que ce soit Will avec ses idées progressistes, ou sa mère et Wren combattantes émérites. Il se rend compte que de confrontation en confrontation, Will refuse d'envisager la situation en noir & blanc, et cherche toujours à voir comment trouver une alternative à la confrontation physique. Il apprécie l'inventivité des astuces pour sortir le héros d'une situation mortelle après l'autre. Il se rend compte que sans prêche ni leçon de morale, l'auteur met en scène un héros qui envisage toujours les choses de manière constructive, sans pour autant se laisser marcher sur les pieds.
A priori le lecteur peut se dire que ce récit risque d'avoir été écrit par un artiste qui se fait plaisir, en privilégiant la qualité de ses dessins à l'intrigue. Il découvre une trame d'intrigue assez basique, mais effectivement servie par des dessins d'une grande précision et d'une grande richesse, avec une inventivité pour les personnages, les créatures monstrueuses, les différents environnements, les affrontements physiques et magiques, tout en conservant une lisibilité immédiate. Dès le début, il se laisse prendre au jeu, grâce à la personnalité positive et constructive du personnage principal qui n'est pas naïf pour autant. Au final, il a passé un moment de lecture très divertissant, avec une narration visuelle savoureuse, et une défense inattendue du principe démocratique.