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Critique de marcbordier


Critique disponible sur mon blog www.marcbordier.com.

D'inspiration très largement autobiographique, Les lâches relate la fin de la seconde guerre mondiale et la libération d'une petite ville imaginaire située à la frontière tchéco-allemande. le récit est raconté du point de vue de Danny Smiricky, un jeune homme de bonne famille amateur de jazz, de culture américaine, et de filles. Ce roman a connu une histoire mouvementée : publié en 1958, il a été condamné par les autorités socialistes de l'époque et retiré de la vente. La raison ? Il met joyeusement en pièces le mythe officiel de la libération de la Tchécoslovaquie, cet idéal patriotique selon lequel des révolutionnaires tchèques téméraires auraient héroïquement lutté contre l'occupant allemand et accueilli avec enthousiastes leurs libérateurs russes. Dans le récit de Skvorecky, nulle trace d'héroïsme: les habitants de Kostelec (version à peine déguisée de Nachod, ville natale de l'auteur) se montrent lâches, pusillanimes, et préoccupés avant tout de la sauvegarde de leurs propres intérêts. Skvorecky décrit leur comportement avec un talent et une dérision bien sentie qui rendent la lecture de son livre assez jouissive . Ainsi, dans ce passage (p.60) où les révolutionnaires tchèques s'en prennent à des soldats allemands à peine sortis de l'adolescence:
"Désarmez-les!" cria dans le fond un intrépide.
Personne ne bougea."
Par sa dimension sarcastique et sa déconstruction burlesque des mythes fondateurs du pouvoir, le roman de Skvorecky s'inscrit dans la lignée de l'esprit tchèque incarné par le brave soldat Chveïk (que je vous invite à redécouvrir en lisant ici mon billet daté du 24 mai 2010). Omniprésente, la dérision y prend pour cible tous les objets qu'elle rencontre. le narrateur ne s'épargne pas lui-même, comme en témoigne ce passage dans lequel il moque son narcissisme gonflé d'autosatisfaction (p. 60): "J'étais nu. […] Je me regardai. Ainsi nu, je me plaisais à moi-même. J'étais beau. J'avais un corps harmonieux, les hanches étroites. Lorsqu'il n'y avait pas à côté de moi un athlète, et donc pas de comparaison possible, j'avais l'air tout à fait grec." Parfois, le sarcasme vire à la misogynie décomplexée (p.61), en particulier dans les scènes où le jeune Smiricky tente en vain d'attirer la belle Irène dans son lit: "Il ne lui vint même pas à l'idée qu'elle n'avait rien compris du tout. Il paraissait évident qu'elle ne possédait pas, dans le cerveau, l'équipement qui lui aurait permis de comprendre. D'ailleurs, dans l'ensemble, les filles ont dans le cerveau un équipement très primitif."
Volontiers provocant et agréablement je m'en foutiste, le roman de Skvorecky est une lecture rafraichissante qui ravira les amateurs d'humour burlesque et de littérature tchèque.

Lien : http://www.marcbordier.com
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