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Regardez-nous danser est le deuxième volet de la trilogie d'inspiration familiale démarrée il y a deux ans par Leïla Slimani. le premier, le Pays des autres, était centré sur les grands-parents avec notamment l'installation de l'Alsacienne Mathilde, après son mariage avec le spahi Amine dans une ferme ingrate de la région de Meknès, juste après la Seconde guerre mondiale. Dans le deuxième, douze ans ont passé et cette fois, le Maroc post colonial vit sous le règne d'Hassan II. L'éclairage est sur la génération suivante, en l'occurence Aïcha et Selim, les enfants de Mathilde et Amine.

J'ai retrouvé avec bonheur la justesse du regard de Leïla Slimani, toujours à fleur de peau de ses personnages. Elle poursuit avec une acuité toute sensible sa double radioscopie de la famille, à la fois étouffante et protectrice, et d'un pays qui se construit après son indépendance. C'est cette confrontation entre destins individuels et destinée d'un pays qui m'a le plus convaincue, avec au coeur la question passionnante de l'identité.

En 1968, Maroc et personnages ne sont qu'enchevêtrement de tensions et d'antagonisme entre conservatisme et aspiration à la modernité. le pays peine à se forger une identité propre. le néocolonialisme est insidieux, passant par exemple par des études universitaires dominées par les Européens ( Roland Barthes donne des cours à Rabat ) ou par la nécessité l'exil de la brillante Aïcha en Alsace pour étudier la médecine. Surtout, Leïla Slimani brosse un Maroc obsédé par le paraître et la suspicion, où chacun est soumis aux regards scrutateurs et à la surveillance implacable exercée par le régime autoritaire d'Hassan II qui réprime violemment des manifestations étudiantes tout en essuyant deux tentatives d'attentats régicides dans un pays aux inégalités sociales croissantes.

Dans ce Maroc, très loin d'un simple décor sans profondeur ni densité, l'auteure montre parfaitement comment la société pénètre dans le microcosme familial, s'insinue dans les trajectoires individuelles, notamment celles des jeunes. Aïcha, Selim et Medhi ( le futur mari d'Aïcha ) aspirent à l'ascenseur social par les études, ou à l'hédonisme, tiraillés en permanence. Comment s'arranger avec soi-même pour arracher son droit à être heureux sans trahir ses rêves dans une société aussi complexe et étouffante ?

Bizarrement, je n'ai pas été touchée par les personnages des « jeunes », notamment Selim, personnage pourtant intéressant, qui, élevé à l'occidentale, réalise qu'il a été arraché à une culture qu'il ne comprend plus, ni sa famille ni son pays, et se réfugie dans les paradis artificiels d'Essaouira, la hippie. Même chose pour Aïcha et Medhi, malgré les superbes pages finales dans lesquelles Medhi, plus âgé, s'interroge sur sa vie.

« L'âge ne suffisait pas à effacer les illusions. Tout aurait été tellement plus facile si les idéaux mouraient vraiment. Si le temps les faisait disparaître pour toujours et qu'ils ne trouvaient plus, en votre for intérieur, aucune attache. Mais les illusions restaient là, tapies en vous, quelque part Abimées, flétries. Comme un remords ou une vieille blessure qui se réveille les soirs de mauvais temps. On ne s'en débarrasse pas. On fait semblant d'y être indifférent. Toutes ces années, il avait connu une sorte d'exil intérieur. Survivait en lui une personnalité clandestine, réduite au silence et à l'immobilité, et qu'il ne laissait s'échapper qu'à de très rares occasions. Toute sa vie, plus que des autres, il s'était méfié de lui-même. »

Certains passages sont superbes mais je n'ai pas retrouvé le mordant et l'acidité du Pays des autres, ou alors de façon occasionnelle grâce au personnage de Mathilde désormais embourgeoisée après une vie à trimer ; et surtout celui de la tante mariée de force, Selma, superbe personnage de renégate toute en sensualité. Je me suis parfois un peu ennuyée, assoupie par un récit parfois sans relief qui peine à sortir d'un classicisme fluide mais sans aspérité. Quelques réserves, donc, mais qui ne n'empêcheront pas de me plonger dans le troisième tome.
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Le premier tome de la saga le pays des autres nous avait fait quitter Amine et Mathilde Belhaj dans l'agitation d'un Maroc à la veille de l'indépendance de 1956. Nous retrouvons le couple franco-marocain à la tête de son exploitation agricole de Meknès, devenue en cette année 1968 un domaine prospère dans un pays qui a retrouvé le calme.


L'aisance des Belhaj les classe désormais parmi l'élite du pays, leur permettant de se mêler aux riches Français restés sur place. Cette apparente égalité cache toutefois mal l'insidieuse et méprisante suffisance des anciens colons. Déchirés par leur ambiguïté face à ces Occidentaux qu'ils sont fiers d'imiter et de fréquenter tout en étant douloureusement conscients de leur assujettissement, ils trouvent un apaisement dans la réussite de leur fille Aïcha, devenue médecin après des études en France, mais vivent très mal les aspirations à l'émancipation de leur fils Sélim. Il faut dire qu'à chaque revendication au changement, la répression du pouvoir royal est violente, ensanglantant les manifestations étudiantes et réduisant au silence les opposants politiques, comme ces militaires publiquement exécutés après leur tentative avortée de coup d'état.


Pourtant, dans ce Maroc, où, plus de dix ans après l'indépendance, rien en semble avoir vraiment changé entre les privilégiés qui mènent grand train et le reste de la population qui vit dans la misère, le vent encore timide de la liberté ne semble demander qu'à prendre de l'ampleur, au travers de quelques esprits soucieux de l'identité et des spécificités marocaines, de femmes au tout début de la conquête d'une difficile émancipation, ou de jeunes hippies curieusement rassemblés à Essaouira.


Passionnante, cette vaste fresque se vit de l'intérieur, au travers d'une famille inspirée de celle de l'auteur. Histoire intime et évocation historique se mêlent ainsi étroitement pour donner à la narration intensité et profondeur, dans une reconstitution sensible et habitée dont le souffle n'a d'égal que sa subtilité. Ce deuxième tome que l'on pourra lire de préférence, mais pas nécessairement, après le premier, est une nouvelle réussite qui fait attendre impatiemment l'ultime volet de la trilogie.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Regardez-nous danser, observez-nous exulter nos joies, nos colères et nos chagrins où nos gestes et nos postures savamment désordonnés traduisent notre violence domptée.

Maroc, années 60-70. Pays émergent, enfantement patriotique d'une mosaïque vivante de réussite et de défaite, d'amour et de désillusion, d'espérance et de désespoir.
C'est la vie qui s'écoule, rude, et qui draine les rébellions familiales, les luttes politiques et les ambitions professionnelles. C'est le temps qui passe, intense et dense, sombre et injuste.

Leïla Slimani écrit avec ses tripes qui ont digéré des cornes de gazelle, rugueuses et sucrées, grumeleuses et fondantes.
Dans son deuxième opus du « Pays des autres » la vie se croque goulûment à chaque page en restituant avec ferveur la douceur perdue d'un pays fracturé par la folie furieuse des hommes et la docilité bafouée des femmes.

Amine et Mathilde symbolisent la réussite sociale et leurs enfants Aïcha et Selim incarnent la jeunesse turbulente assoiffée d'aventures et d'envies d'ailleurs. Mehdi, Selma et Sabah personnifient les révoltes, les dérives et les adhésions par complaisance ou par force de leur condition. Tous traduisent à merveille l'ambiance suffocante pour les uns et bienfaisante pour les autres d'un Maroc amplement corrompu et outrageusement répressif.

Ces romans habiles et forts rejoignent la démarche des extraordinaires trilogies de Pierre Lemaitre. Ils sont également de l'envergure d'une saga à la E.E. Schmitt où constamment l'on s'éduque et jamais l'on s'ennuie.
Néanmoins, les anecdotes distillées au fil de l'histoire qui viennent par petites touches parfaire la complexité des caractères et des moeurs de la famille Belhaj et de ses proches demeurent les plus attendrissantes et les plus bouleversantes.

Merci Leïla, votre apparence de brindille vous donne l'élégance d'un roseau mais vos écrits ont la force et l'ampleur d'un chêne dont les racines puisent la créativité et la ténacité dans la détermination et l'énergie de votre terre.


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« Le pays des autres » racontait l'union d'Amine, tirailleur marocain, et de Mathilde, alsacienne libérée par nos armées en 1944, puis asservie au Maroc et partageant le destin de millions de femmes sous le règne de Mohamed V.

« Regardez nous danser » romance la génération suivante sous le règne de Hassan II (1961-1999).

Aicha, la fille de Mathilde et Amine, après des études de médecine à Strasbourg et une location chez Madame Muller (1968 et la chienlit), s'installe comme gynécologue et se consacre aux femmes qu'elle informe sur les questions sanitaires, sociales et la régulation des naissances. Elle s'intéresse peu aux idéologies, à la politique, et participe à la modernisation du Royaume avec efficacité et pragmatisme. Elle m'apparait être un avatar de la romancière ?

Selim, le frère d'Aicha, plus motivé par les rêveries que les études, est perverti par des drogués allemands et sombre dans la délinquance avant de fuir vers d'obscurs trafics (Le Maroc est aujourd'hui le principal producteur des narcotiques qui envahissent l'Europe.)

Le 10 juillet 1971, le Roi échappe à une tentative de coup d'état, puis le 16 aout 1972 survit à une attaque aérienne. La répression est énergique mais le Roi libéralise progressivement son régime et consolide les acquis de son règne en construisant de nombreux barrages et en menant une audacieuse redistribution des terres. Leïla Slimani rend ainsi hommage au monarque qui a fait du Maroc un modèle pour son continent.

Dans le même temps la communauté juive est poussée par les guerres entre Israël et ses voisins sur les chemins de l'exil privant le pays d'une partie de son élite commerçante et intellectuelle.

Leïla Slimani développe beaucoup de sujets différents et multiplie les personnages secondaires indispensables pour incarner les contrastes de la population. de Mehdi « l'intello » progressiste au policier servile (Omar le frère d'Amine) tout l'éventail marocain défile au pas cadencé dans une fresque où les derniers colons occidentaux partent en retraite. L'intrigue s'attarde, en insérant des épisodes de corruption et de séduction, au risque de ralentir le scénario et d'épuiser le lecteur.

Ce second Tome est addictif mais, à mon modeste avis, moins que le premier. D'où un léger doute sur l'intérêt d'une suite annoncée pour couvrir le règne de Mohamed VI, époque où la séduisante Aicha, aura probablement perdu une partie de ses charmes et de son énergie ?

PS : mon regard sur le Pays des Autres : https://www.babelio.com/livres/Slimani-Le-Pays-des-autres/1199561/critiques/2620513
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J'avais hâte de poursuivre la saga commencée avec "Le pays des autres", et comme j'ai eu la chance de récupérer ma réservation presque immédiatement j'ai pu enchaîner les deux tomes. Leïla Slimani nous emmène à nouveau à la rencontre de la famille Belhaj, qui s'inspire de ses propres ascendants.
Nous les avions quitté en 1956, nous retrouvons Mathilde l'Alsacienne et Amine l'ancien spahi dans leur domaine près de Meknès. Les difficultés des débuts sont bien loin, l'exploitation est florissante et le couple désormais prospère. Mathilde obtient enfin cette fameuse piscine qu'elle désirait depuis si longtemps, symbole d'un statut social qui les élève au rang des anciens colons français restés au Maroc. C'est le temps des fêtes, où l'on se gave de buffets fastueux, et où l'on danse... Mais sous cette apparente légèreté, le règne du nouveau roi Hassan 2 est aussi "plombé" par des tentatives de putsch réprimées dans le sang, ou de révoltes étudiantes. Et Amine doute toujours, ne trouvant pas vraiment sa place dans cette bourgeoisie dorée dont il se sent différent.

Les enfants du couple Belhaj ont bien grandi, Aïcha la brillante élève est maintenant étudiante en médecine à Strasbourg, où elle traverse les évènements de mai 68 sans rien y comprendre, uniquement intéressée par ses études. Elle se spécialisera en gynécologie et retournera exercer au Maroc, où elle rencontrera Mehdi, alias Karl Marx. Quant à son frère Selim, peu doué pour les études, il vivra une passion interdite et dévorante avant de découvrir la communauté hippie et Essaouira, où il goûtera à des plaisirs dangereux. On retrouvera aussi Selma, dont le mariage avec Mourad, le contremaître d'Amine, s'est terminé tragiquement. Et on croisera assez brièvement sa fille, Sabah, ainsi qu'Omar, frère d'Amine et de Selma devenu commissaire, très impliqué dans les opérations de répression contre la jeunesse rebelle.

J'ai été ravie de retrouver tous ces personnages, et de découvrir l'évolution de le nouvelle génération, même si leurs expériences ne sont pas toujours très judicieuses. Après tout c'était aussi cela la vie dans les années 60-70, que ce soit en France ou au Maroc, et le récit n'en est que plus crédible. Mais je trouve que l'histoire manque un peu de moments forts comme on a pu en vivre dans le premier volume. le contexte historique est bien présent, l'auteure n'a pas édulcoré, mais j'ai eu un peu de mal à entrer en résonnance avec les personnages qui m'ont parfois paru en décalage avec les évènements.
C'est la raison de ma note un peu moins élevée que pour le tome précédent.
Mais j'ai lu ce livre avec grand plaisir, et j'ai parfois souri, notamment devant la caricature d'alsacienne raciste incarnée par la logeuse d'Aïcha, Madame Muller, et surtout lorsque j'ai découvert la façon dont celle-ci lui fait ses adieux ! Je lirai bien sûr la fin de cette trilogie, qui j'espère paraîtra bientôt.

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On retrouve avec plaisir Mathilde l'alsacienne et Amine le marocain dans leur ferme qui est devenue une exploitation très prospère.
Ce deuxième tome est plus centré sur leurs deux enfants, Aïcha, qui devient médecin et Selim qui peine à trouver sa voie.
Dans les années soixante-dix, le Maroc peine à trouver son équilibre.
Les colons français sont remplacés par les nouveaux bourgeois marocains et la population demeure pauvre.
Outre suivre la famille dans son évolution, c'est l'Histoire du Maroc que nous conte Leïla Slimani.
Et elle le fait avec grand talent.
J'ai dévoré ce deuxième tome sans la moindre lassitude.
C'est bien écrit, ça coule de source.
On se croirait vraiment au Maroc et j'ai découvert des faits que j'ignorais, comme ces communautés hippies qui s'y étaient installées.
Il n'y a peut-être pas la même émotion dans la vie des personnages que dans « Le pays des autres » axé sur Mathilde et Amine, mais les événements politiques et sociétaux y sont plus développés.
Ce fut un excellent moment de lecture et j'attends avec impatience la suite de cette trilogie.
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Leila Slimani poursuit sa saga familiale centrée sur une famille mixte au Maroc, les Belhadj, avec « Regardez-nous danser« , le second tome tout aussi réussi du « pays des autres. » Si vous avez apprécié le premier tome, à coup sûr, vous serez envoûté par sa suite écrite, avec le talent désormais coutumier de Leila Slimani. Dans sa façon de manier les mots, de décortiquer, avec une analyse d'une rare finesse, la psychologie des personnages, l'écroulement d'un monde qui en son sein porte les fruits d'un futur qui déchante pour le Maroc, Leila Slimani n'a pas son pareil. Je pense qu'elle se rapproche d'une certaine Marguerite Duras. La situation d'Amine et de Mathilde a considérablement évolué après des années de labeurs et de sacrifices, l'exploitation devient enfin rentable et même mieux, puisque Amine accède à la nouvelle bourgeoisie. Cette réussite de façade, masque en réalité les affrontements qui secouent le couple, leurs divergences. Amine est coupable d'adultères tandis que Mathilde s'enferme de plus en plus dans un monde de chimères. Mais il reste leurs enfants qui sont leur fierté, surtout Aïcha qui est l'enfant préférée de son père et qui mène de brillantes études de médecine en France. Pour faire plaisir à Mathilde mais surtout pour rendre fière et heureuse Aïcha, Amine décide de construire une piscine dans la propriété. Leur fils ne connaît pas la même réussite dans les études tandis qu'il devient un jeune homme et non plus un enfant. de désirs en dérives, le tout dans un Maroc en pleine ébullition entre modèle patriarcal, autoritarisme du pouvoir du roi, traditions ancestrales, archaïsmes et de l'autre, les mouvements hippies, des années 1960-1970, les tentations de vivre selon les codes de l'Occident, les deux modèles se confrontent et le Maroc se déchire. Librement inspiré de sa propre famille, on retrouve dans l'écriture de Leila Slimani, la même justesse dans sa capacité à embrasser une époque tout entière dans sa complexité. Elle ne sombre jamais dans la caricature et nous laisse libre, nous lecteurs, d'interpréter les péripéties du récit. On ne s'ennuie jamais et on s'attache une nouvelle fois aux personnages du roman. Une belle réussite et je n'ai plus qu'une hâte, découvrir le troisième tome de cette fresque familiale.
Lien : https://thedude524.com/2022/..
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La seconde génération des Belhaj prend son envol
Dans ce second volet de sa trilogie, Leïla Slimani raconte la périodes des années 1960-1970. Ces années de plomb durant lesquelles les enfants d'Amine et Mathilde Belhaj vont s'émanciper.

Quel plaisir de retrouver la famille Belhaj pour le second volet de la fresque historico-familiale imaginée par Leïla Slimani. On rassurera d'emblée ceux qui découvriraient leur histoire avec ce second volume, il peut se lire indépendamment, d'autant que la romancière dresse en ouverture la liste des personnages et leur biographie jusqu'aux débuts de ce second tome.
Nous voilà donc dans les années soixante, après l'arrivée au pouvoir d'Hassan II. Si la période la plus chaude du jeune État indépendant est désormais passée, elle n'en est pas moins délicate, la sécurité étant l'obsession du monarque qui va installer les années de plomb. Et en parlant de chaleur, l'image qui ouvre le roman est celle d'une pelleteuse qui vient creuser la piscine dont Mathilde a longtemps rêvé pour pouvoir se rafraîchir et que Amine, son mari a longtemps refusé d'installer. le patron ne voulant pas offrir le corps de son épouse en maillot de bain à la vue de ses ouvriers. Mais l'Alsacienne a finalement eu le dernier mot. Après les années passées à construire et à développer le domaine, il est peut-être temps de jouir des fruits de leur labeur. C'est ce que Selim, le garçon de la famille se dit aussi, peu enclin à se retrousser les manches, à l'inverse de sa soeur Aïcha, partie en France pour y suivre des études de médecine. À Strasbourg, dans la région natale de sa mère, elle va s'investir entièrement dans sa formation et réussir brillamment avant de regagner Meknès.
Pour elle, comme pour son frère, la grande question dans ce pays en pleine mutation reste désormais l'amour.
Leïla Slimani montre parfaitement comment mai 68 et plus encore le mouvement hippie viennent imprégner la jeunesse marocaine. Et quand le premier homme pose le pied sur la lune, tout le monde se prend à rêver et à se dire qu'après un tel exploit, on va pouvoir relever tous les défis. Selim va vouloir goûter à ces promesses en partant pour Essaouira. Aïcha, quant à elle, ira travailler dans une clinique de Rabat. Et au moment où le pouvoir, après l'attentat dont est victime Hassan II, durcit son régime et entend «nettoyer les rues» de ses opposants, la seconde génération des Belhaj parle de désir, de conquête, de sexe. Des relations se nouent, pas forcément celles qu'auraient voulues leurs parents, mais qui permettent à la romancière de nous montrer les contradictions et les aspirations de la jeunesse dans un pays où la modernité côtoie la grande misère. C'est du reste là que réside toute la force de Leïla Slimani : partant des choses les plus intimes, elle nous explique mieux que ne le ferait une thèse d'histoire les mutations et les contradictions du Maroc avec ses fortes inégalités sociales et ce choc des générations.



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Dans ce second tome de cette trilogie, nous retrouvons Mathilde, Amine, Aïcha…
Leïla Slimani continue de dévoiler des éléments biographiques de sa famille, en modifiant certaines données , ainsi Aïcha, après des études de médecine menées à la faculté de Strasbourg devient gynécologue alors que la grand-mère de l'autrice est, en réalité ORL, mais la spécialité choisie est en parfaite adéquation avec le roman.
J'ignorais que les hippies américains avaient fait de Tanger mais bien plus d' 'Essaouira (Mogador) leur destination privilégiée.
Dans ce roman, elle relate les difficultés du Maroc l'indépendance retrouvée, les années de plomb , sous le règne d'Hassan II , marquées par la violence, la répression contre toutes formes d'oppositions politiques, les coups d'état, putsch avorté (on a ou pas la baraka !) et les répressions féroces qui suivirent. Témoignage intéressant et émouvant concernant la condition des femmes.
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Avec ce deuxième tome du "Pays des autres", je me suis embarquée pour un Maroc des années 1970 où l'on retrouve la famille Belhaj composée de l'alsacienne Mathide et d'Amine le marocain. le couple prospère et s'embourgeoise tandis que les enfants Aïcha et Sélim prennent des chemins différents.
Nous suivons l'indépendante d'esprit d' Aïcha devenue gynécologue et épouse d'un chef de direction des impôts Mehdi. Quand au frère Sélim, sa vie va bousculer au contact des hippies installés à Essaouira.
Les autres membres de la famille évoluent vers d'autres destins comme Selma qui pleine de ressentiments devient une courtisane de luxe. Et Omar, le frère d' Amine sa carrière de policier se situe dans le renseignement.
Dans ce contexte de contrastes entre pauvres et bourgeois, paysans et riches propriétaires, Leïla Slimani brosse un portrait sans complaisance du roi Hassan II. D'une main de fer, il exerce un pouvoir autoritaire et même cruel en autorisant la torture.
C'est donc avec ce régime autocratique et corrompu et des personnages attachants que l'auteure raconte une époque révolue.
Si les problèmes identitaires étaient très présents dans le premier tome, ici c'est sa place dans le monde qui interroge.
Leïla Slimani a offert une belle saga dont j'attends le troisième tome.
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