Avis à mon exécuteurRomain Slocombe
roman
R. Laffont, 485p (+ bibliographie), 20124
J'ai eu la chance de rencontrer à Aix
Romain Slocombe qui est un homme absolument charmant. Je ne connaissais pas l'écrivain, et pourtant son nom m'intriguait et m'avait arrêtée souvent devant les rayons de la médiathèque. Cette fois-ci, c'est chose faite, j'ai sorti un livre, et j'ai dû m'accrocher.
Si c'est un roman, c'est surtout un roman historique, très historique, si j'ose dire, et qui porte sur les horribles forfaits de Staline, ce despote totalitaire, qui est moins communiste que fasciste, et ce tout autant qu'Hitler. Par exemple, il a fait assassiner Gorki qui avait dénoncé le terrorisme d'Etat. Au début du roman, le personnage de Chambers, écrivain et chrétien, donne cette définition du communisme à savoir qu'il est ce qui se produit quand au nom de la raison les hommes se séparent de Dieu.
Slocombe met en scène deux jeunes gens idéalistes qui croient dur comme fer que le communisme conduira l'humanité au bonheur. Il s'agit de deux Juifs, plutôt pauvres, et Polonais, répondant au nom choisi par eux-mêmes de Nathan et de Victor (pour Hugo que tous deux admirent).
C'est Victor qui prend en charge le récit, un récit posthume, puisque, quand on le lit, Victor a été assassiné à Washington en 41. Il y raconte pourquoi son ami et lui se sont mis au service de l'URSS en qualité d'espions à l'étranger dans le domaine du renseignement militaire.
Les faits sont denses, les personnages sont extrêmement nombreux, tout est décrit dans le détail, et le lecteur évolue dans le monde de l'espionnage. Il est question de la guerre civile espagnole, et des réticences, dues à leur frousse, des responsables français et anglais à se mettre en travers du chemin de Hitler, des informations comptées que donnent les journaux français sur les purges staliniennes, des cécités de grands écrivains français comme
Aragon.
Staline fait en sorte que les républicains espagnols se tournent vers l'URSS pour obtenir des armes, puisqu'il empêche les fournitures d'armes des autres pays d'arriver à la bonne destination. Il vole tout le trésor, considérable, d'Espagne tout en faisant croire aux combattants qu'il leur livre des armes gratuitement.
Staline part du principe que quiconque n'est pas pour lui est contre lui. Alors il fait disparaître arbitrairement l'ennemi. Des chimistes l'aident à camoufler les corps par exemple en les plongeant dans des baignoires remplies d'acide chloridrique. Sinon, il les fait torturer, empoisonner, jeter à la mer, dans les bois, dans des fosses communes. Parfois les victimes y sont jetées encore en vie parce que celui qui doit les tuer d'une balle dans la nuque est tellement ivre qu'il est incapable de bien ajuster. En effet, pour qu'il réussisse à faire son travail, et il en a du travail, le nombre des victimes devenant exponentiel, on lui donne le matin un seau de vodka pour tenir la journée. Quelquefois, de manière sadique, il fait croire aux victimes qu'il leur rend la liberté, et les fait tuer tout juste sorties de prison.
Victor sait évaluer la qualité d'un espion, ses capacités intellectuelles, psychologiques, son degré de loyauté ; il est à remarquer qu'il trouve souvent un air torve aux espions recrutés, et parfois que ces derniers sont déjà atteints de folie. Certains responsables prennent de la cocaïne. de façon générale, les espions n'attirent pas la sympathie.
Nathan, décrit comme un pur, voit qu'il fait fausse route au moment des grandes purges. Il en fait part à Victor qui est plus rusé et sait biaiser. On a dit de lui qu'il était né coiffé. Il demande à son ami de ne pas rompre immédiatement avec Staline, car de toutes manières on n'échappe pas à Staline, mais l'autre, épuisé, veut faire défection, et dénoncer tous les rouages du stalinisme à la France, et Victor, qu'on soupçonne d'avoir voulu déserter le premier, est chargé d'éliminer son ami.
Quand on est espion, on risque sa propre vie mais aussi celle de ses proches. Victor, pour protéger sa femme et son fils, essaie de trouver un moyen pour éviter cette mission impossible. Il a par-devers lui une lettre trahissant le secret de Staline qu'il peut abattre comme une carte maîtresse. Cette lettre est-elle un faux ? le doute n'est pas à écarter.
Finalement Nathan est liquidé, et Victor devient un homme inquiet en proie à des cauchemars. Il est de plus en plus suivi, et finit par demander refuge en France sans vouloir dire ce qui se passe en URSS. Il passe ensuite aux USA, y voit ceux qui le poursuivent, et écrit toutes les lettres qui lui semblent indispensables.
Tout ce que raconte
Slocombe a été tiré de livres d'historiens, d'archives, du livre du dit Victor. le livre se termine sur le devenir de personnages côtoyés par Victor, notamment son fils.
J'ai lu ce livre d'une traite, dans la peur d'hésiter à le rouvrir. le lecteur apprend des choses, l'amateur d'histoire y trouvera son compte, l'amateur de romans disons classiques un peu moins.