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Critique de Pecosa


Quand le chasseur devient la proie.
Cette lecture constitue un enchaînement parfait avec La peur des miroirs de Tareq Ali qui évoquait sous forme romanesque la vie d'Ignace Reiss, l'espion soviétique exécuté en 1937 par le NKVD.
Avis à mon exécuteur est un roman magistral d'une noirceur absolue sur le parcours de Samuel Ginsberg dit Walter Krivitsky, chef des services de renseignements soviétiques, l'un des plus célèbres transfuges de l'époque. A la suite de l'assassinat de son grand ami Reiss, Kritvinsky fit défection en octobre 1937 mais fut rattrapé par son passé en 1941 à Washington où l'on retrouva son corps dans une chambre d'hôtel. Car « Il est difficile de quitter Staline. Et on le quitte en général les pieds devant ».

Difficile de synthétiser ce livre de Romain Slocombe qui se dévore comme un roman d'espionnage et qui nous plonge avec violence dans l'univers des services secrets soviétiques de l'entre-deux guerres.
Pour l'évoquer, il faut s'attarder sur le parcours personnel de Krivitsky entré très jeune dans les services de renseignement militaire soviétiques pendant la guerre civile, agent clandestin à l'étranger, actif pendant la guerre d'Espagne, qui est violemment secoué par les grandes purges de 1937 provoquées par la démence de Staline. L'atmosphère irrespirable de terreur et de paranoïa qui fait suffoquer les Russes, l'arbitraire absolu des arrestations et des assassinats, la violence exercée sur les vieux bolchéviques qui sous la torture dans les caves de la Loubianka, avouent des complots délirants et dénoncent à tout-va, les agissements du NKVD en Espagne qui visent à éliminer les membres du POUM, les anarchistes et certains brigadistes finissent par avoir raison de sa fidélité. « Jusqu'ici, le sang qui tachait mes mains était le sang des fascistes, ou d'auxiliaires présumés du fascisme. Je ne pouvais me résoudre à verser celui de mes camarades. »
Echappant à des tentatives d'assassinat, Krivitsky parvient à rejoindre les Etats-Unis avec sa famille, publie un ouvrage sur les méthodes secrètes de Staline intitulé Staline's Secret Service, annonce telle une Cassandre la signature du pacte germano-soviétique qui lui attirera les foudres de la gauche américaine, témoigne mais il se sait en danger. Trotsky est assassiné au Mexique en 1940. Il meurt l'année suivante.

Avis à mon exécuteur est le récit d'une prise de conscience et d'une traque de la guerre civile espagnole aux grandes purges, dont la lecture s'est révélée particulièrement éprouvante. Non pas que Slocombe s'attarde sur les assassinats ou les scènes de torture - quoique le meurtre du jeune brigadiste ait fait couler des larmes. Mais l'omniprésence des agents du NKVD, via le réseau d'informateurs qu'ils ont tissé en Europe, abusant souvent de la bonne volonté et de la naïveté des militants lambda, la terreur distillée jusqu'en Europe de l'ouest nous presse autant qu'elle terrifie les personnages tels Kritvinsky, qui parce qu'ils connaissent parfaitement le fonctionnement des services impliqués doivent sauver leur vie ainsi que celles de leurs familles, otages de Staline.
La guerre d'Espagne qui a eu à subir la lâcheté des pays amis s'est vue malheureusement coïncider avec les grandes purges de 1937, et est devenue le laboratoire des méfaits de Staline, autel sur lesquels en plus de sacrifier les idéaux de la démocratie, le NKVD a écrasé les communistes de la première heure, la jeunesse pleine d'idéal, et tous ceux qui ne suivaient pas assez la ligne du parti. Sans parler de l'or de la République...

On sait que les proies n'auront aucune chance « Si on me trouve suicidé, c'est que j'aurai été assassiné », car Slocombe nous donne à voir avec maestria une guerre d'arrière boutique, loin des champs de bataille, dans les cafés, dans les hôtels, dans les couloirs et dans les caves.
Avis à mon exécuteur est une fresque passionnante riche de mille faits, de noms de dates, qu'il est impossible d'énumérer ici.


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