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Critique de Presence


Ce tome regroupe les épisodes 1 à 12 de la série débutée publiée en 2004. Tous les scénarios sont de Dan Slott. Juan Bobillo a dessiné les épisodes 1 à 4, encrés par Marcelo Sosa. Dans ces épisodes, Jennifer Walters dispose de la capacité de passer d'une forme à l'autre à volonté.

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- Épisodes 1 à 6 (épisodes 5 et 6 sont dessinés par Paul Pelletier, et encrés par Tom Simmons, aidé par Don Hillsman pour l'épisode 5) -
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She-Hulk fat partie des Avengers et réside dans leur manoir à New York. Elle vient de passer une nuit torride avec Mika (un mannequin) et ils prennent leur petit déjeuner servi par Edwin Jarvis. Elle se dépêche de se rendre au palais de justice où elle doit plaider en tant qu'avocate. Elle doit demander une interruption d'audience pour aller combattre Blizzard (Donnie Gill, un ennemi récurrent d'Iron Man) et MODOK, dans l'espace. de retour sur Terre, elle fête la victoire au cours d'une soirée dansante et bien arrosée. le lendemain, Captain America lui fait comprendre que son style de vie est incompatible avec le niveau de sécurité nécessaire dans le QG des Avengers. Son patron lui explique que sauver la Terre a rendu tous les terriens redevables de sa personne et qu'elle ne peut donc plus plaider. Enfin un sabot a été apposé sur sa voiture mal garée. Holden Holliway lui propose un poste dans son cabinet d'avocat (un des plus prestigieux de New York) à condition qu'elle travaille sous sa forme de Jennifer Walters.

Ça ne fait pas sérieux, ces premières pages, avec Jennifer se réveillant dans les bras d'un beau gosse. Juan Bobillo dessine dans un style très propre sur lui, des traits fins, aucune aspérité, des visages mignons, voire enfantin pour Jennifer Walters. Il insère un bon niveau de détail dans les dessins, il insère une discrète touche comique, avec un langage corporel parfois exagéré, avec des moues expressives sur les visages. Les dessins sont gentils, sans être mièvres, conçus pour un jeune lectorat, mais sans les prendre pour des débiles. Par comparaison les 2 épisodes dessinés par Paul Pelletier reviennent à une esthétique plus superhéros, avec un bon niveau de détails, mais manquant de grâce par rapport à ceux de Bobillo.

Les dessins sympathiques de Bobillo produisent un effet de dédramatisation de la gravité des situations, les rendant drôles et sans complexes. Ainsi quand Jennifer se réveille aux côtés de Mika, il n'y a pas de sous-entendus graveleux, juste le comique de la situation où il faut qu'elle se retransforme rapidement en She-Hulk pour qu'il ne se réveille pas aux côtés d'une gringalette. Quand She-Hulk se transforme en Jennifer et que ses vêtements sont trop grands pour elle, il n'y a pas de voyeurisme, juste le constat d'un fait asexué. En ça la version de Slott et Bobillo est à l'opposée de celle de John Byrne qui insistait fortement sur le physique de She-Hulk en sous-entendant régulièrement sa nudité (voir Sensational She-Hulk by John Byrne - Volume 1).

Pourtant Slott n'affadit pas la personnalité de Jennifer Walters. Il la décrit comme une femme libérée, maîtresse de sa sexualité, bien dans son corps vert, ayant une bonne descente, aimant s'amuser, décomplexée, sans être ni aguicheuse, ni vulgaire (ce que transcrivent parfaitement les dessins de Bobillo). Slott a conçu un principe de série original : Jennifer Walters défend des accusés dans des affaires impliquant des superpouvoirs. C'est ainsi qu'elle doit obtenir des dommages et intérêts pour un individu ayant acquis des superpouvoirs l'ayant rendu fort, musclé et beau (le comble de la malchance), ou qu'elle doit convaincre un juge que le témoignage d'un fantôme est recevable. le lecteur a donc le plaisir de voir Doctor Strange en consultant (dans le domaine de la sorcellerie et des sciences occultes).

Dan Slott prouve avec élégance qu'il maîtrise la mythologie Marvel sur le bout des doigts. Il y a donc des personnages très secondaires utilisés avec pertinence, comme l'androïde créé par le Mad Thinker (l'un des premiers ennemis des Fantastic Four), ou des supercriminels loufoques comme 8-Ball (Jeff Hagees, extrait de la série oubliée par tout le monde "Sleepwalker"). Il y a également des événements piochés dans la copieuse continuité de l'univers partagé Marvel, tel que le sauvetage de John Jameson (le fils de JJ Jameson) par Spider-Man dans "Amazing Spider-Man" 1, mars 1963). Slott ne se contente pas de recycler ad nauseam des personnages et des situations du passé, il incorpore également des nouveautés, que ce soit le Spider-signal (comme le Batsignal, mais avec une araignée, pour un effet comique), ou la prison d'un genre particulier fonctionnant à base de particules Pym.

Comme tout comics mensuel qui se respecte, "She-Hulk" comprend également une bonne dose de comédie de type sitcom. C'est à nouveau tout à l'honneur de Dan Slott que de réussir à faire exister d'autres personnages que She-Hulk, assez touchants. Il y a par exemple Mallory Brook (une avocate rivale de Jennifer Walters au sein du cabinet d'avocats), ou Augustus Pugliese (surnommé Pug) assistant enamouré de Jennifer qui se retrouve à plaider comme un grand. À nouveau l'approche dédramatisée de la narration évite le ridicule et renforce le potentiel sympathie de tous les personnages. Slott et Bobillo créent plusieurs situations comiques irrésistibles, comme par exemple JJ Jameson et Peter Parker habillés en poulet (si, il y a une justification rationnelle convaincante).

Le savoir faire de Slott ne se limite pas à écrire un comics rigolo et référentiel. Il fait preuve de plus d'ambition, sans que cela ne nuise à l'atmosphère décontractée de la narration. Dans le quatrième épisode, Walters et Pugliese soutiennent Spider-Man qui a déposé une plainte pour harcèlement à l'encontre de J. Jonah Jameson. Lorsque vient son tour de déposer, Spider-Man révèle la véritable raison pour laquelle Jameson le hait à ce point : c'est parce qu'il est noir. le silence de la salle et les borborygmes de Jameson en disent long sur le malaise généré par cette accusation de discrimination raciale.

Dan Slott introduit encore une autre dimension dans son récit, cette fois-ci de type métacommentaire. Alors que Jennifer Walters recherche des précédents pour son cas de superhéros contre son gré, elle est envoyée aux archives du cabinet Goodman, Lieber, Kurtzberg & Holliway. Stu Cicero (le documentaliste) lui propose de consulter une collection de comics allant jusqu'en 2002, date de disparition du CCA (Comics Code Authority, l'organe de censure des comics). Il explique que le sigle CCA correspond au "Comics Code of America", faisant de tous ces comics des documents officiels sur la vie des superhéros. D'ailleurs, le nom même des associés du cabinet constitue lui-même un clin d'oeil (merci le site hoodedutilitarian) puisqu'il correspond dans l'ordre à Martin Goodman (éditeur de Marvel Comics de 1961 à 1972), Stanley Lieber (plus connu sous le nom de Stan Lee), et Jacob Kurtzberg (plus connu sous le nom de Jack Kirby).

Alors qu'un premier coup d'oeil laisse à penser que cette série est à destination d'un lectorat jeune pour des aventures enfantines (surtout du fait des dessins de Juan Bobillo), la lecture fait apparaître que Dan Slott narre des aventures drôles, sympathiques et plus intelligentes qu'il n'y paraît.

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- Épisodes 7 & 8 (dessins de Juan Bobillo, encrage de Marcelo Sosa)
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Sur une planète lointaine, Champion (Tryco Slatterus, l'un des Elders of the Universe, le possesseur de la gemme de la force) a asservi la population. Son règne tyrannique ne prendra fin que lorsqu'un combattant l'aura battu sur le ring, sans arme. Alors que le récit commence, Beta Ray Bill se prend une raclée monumentale, malgré les conseils de Gamora et d'Adam Warlock. She-Hulk vient d'être intronisée dans le corps des Magistrati, des juges galactiques recrutés par le Living Tribunal en personne. Pip le troll vient la chercher pour se battre contre Champion.

Ce récit s'inscrit dans un registre loufoque, dans la continuité des épisodes précédents. Gamora et Warlock font de la figuration dans une comédie bien troussée. Dan Slott continue de piocher dans l'inépuisable univers partagé Marvel, pour sortir de la naphtaline des personnages oubliés ou en disgrâce cette année là. L'intervention du Living Tribunal permet à She-Hulk d'atteindre un niveau de magistrature encore plus élevé que le plus important cabinet d'avocats de New York. L'intervention de 3 Watchers (Zoma, Uatu et Qyre) ne sert qu'à développer une plainte de nature galactique et à faire un bon mot (assez usé) sur la nature voyeuriste de leur mission. Il s'agit donc de 2 épisodes de nature comique, permettant également à Slott d'introduire quelques éléments scénaristiques utilisés dans les épisodes suivants, et de développer un peu la relation entre Jennifer et Saasha Martin.

Le lecteur se fait un plaisir de retrouver Juan Bobillo et ses dessins rappelant Kevin Maguire pour des personnages aux proportions soit normales, soit très exagérées (avec quelques petits soucis de proportions pour She-Hulk), et des moues sympathiques, sans avoir le talent de Maguire (voir Justice League International 1). En fonction des séquences, les décors peuvent être détaillés, ou inexistants. Bobillo s'amuse à jouer avec les silhouettes de Champion et Gladiator pour en faire de gros costauds, mais pas des culturistes.

Ces 2 épisodes forment un intermède humoristique sans prétention, entre 3 et 4 étoiles.

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- Épisodes 9 à 12 (dessins de Paul Pelletier, encrage de Rick Magyar)
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3 mois plus tard, She-Hulk est de retour sur Terre avec Saasha Martin (Southpaw). Elle reprend contact avec Holden Holliway (son employeur dans le cabinet d'avocats), Ditto (l'étrange métamorphe), Augustus Pugliese, Mallory Book, Stu Cicero, et les autres. Dans un premier temps, elle va voir Reed Richards pour qu'il l'aide à maîtriser sa force. Puis elle reçoit l'aide du psychologue Leonard Samson (Doc Samson), et elle aide à résoudre un cas impliquant les destructions causées par Hercule. Puis Champion arrive sur Terre et il confie sa gemme de force (l'une des gemmes de l'Infini) à Titania (Mary MacPherran).

Dan Slott conserve le ton humoristique, mais il le met cette fois-ci au service d'une intrigue plus substantielle. Cela commence par l'épisode avec Hercule, où Slott prend le temps de reprendre contact avec tous les personnages. Cela continue avec l'histoire très personnelle de Titania. Difficile de dire si Slott souhaite réhabiliter Titania en tant qu'ennemie principale de She-Hulk. Toujours est-il qu'il effectue un rappel en bonne et due forme de son origine depuis la banlieue de Denver jusqu'à Battleworld et sa rencontre avec le Beyonder (voir Secret Wars). En investissant du temps et des pages dans ce personnage, Slott s'assure que l'affrontement physique qui va suivre aura du sens, avec de vrais enjeux pour les 2 combattantes.

D'une manière générale, Slott investit assez de temps dans chaque personnage pour qu'il acquiert assez d'épaisseur et ainsi générer un minimum d'empathie chez le lecteur. Difficile de résister à l'attitude décontractée et joyeuse d'Hercule, malgré son incapacité à prendre du recul. Impossible de ne pas ressentir la chaleur de l'amitié existant entre Mary MacPherran (Titania) et Marsha Rosenberg (Volcana). Slott sait également se montrer cruel avec une remarque aussi cynique et pénétrante. Alors que Jennifer Walters explique à Reed Richards qu'elle peut à nouveau se retransformer dans sa forme humaine (Richards lui avait dit qu'elle avait perdu cette capacité dans la graphic novel The sensational She-Hulk de John Byrne), Ben Grimm éclate d'un rire tonitruant et sarcastique se moquant de Richards qu'il lui a déjà annoncé la même chose des dizaines de fois. Slott réussit même à impliquer émotionnellement le lecteur pour le bien être de l'Awesome Android, un robot avec le développement mental d'un enfant.

Dan Slott continue également d'enrichir son récit en incorporant des éléments de l'univers partagé Marvel. Cela va d'Hercule et de 2 des Fantastic Four, à l'apparition le temps d'une case de Howard the Duck, une création de Steve Gerber. Il ne se contente pas de saupoudrer son récit avec ces personnages ; il connaît réellement les épisodes auxquels il fait référence. En particulier, il évoque les relations passées entre She-Hulk et Doc Samson. Il s'attaque également aux étranges changements de comportements de She-Hulk au fil des années, au gré des nouveaux scénaristes l'utilisant dans leurs histoires. Il montre ces incohérences comportementales (She-Hulk a couché avec Juggernaut, grâce à Chuck Austen, dans Uncanny X-Men #435 en 2004), pour nourrir son récit.

Comme dans le premier tome, Slott insère également un métacommentaire à mi-chemin entre la composante humoristique et la lettre ouverte au lecteur. Ce dernier retrouve donc Stu Cicero, le responsable des archives du cabinet d'avocats, qui utilise des comics comme éléments de preuve. She-Hulk et Cicero sont amenés à se rendre dans un magasin de comics, où ils se font critiquer par des clients pour les incohérences de continuité de la série de She-Hulk. Cicero sort alors de sa poche un No-Prize, le document qui était décerné au lecteur ayant écrit à Marvel pour proposer une explication logique à ce qui apparaissait comme une erreur de continuité. Il les tance vertement pour leur attitude critique et destructive, et les exhorte à adopter une attitude constructive et intelligente. Et toc !

L'intrigue comprend également bon nombre d'éléments inattendus et bien pensés qui tirent également le récit vers le haut. En particulier le lecteur découvre que le cabinet d'avocats s'était préparé à une attaque de supercriminels, et a prévu plusieurs dispositifs de défense, et même un plan d'évacuation très efficace.

Ces 4 épisodes sont dessinés par Paul Pelletier, dans un style beaucoup plus habituel pour des comics. Il y a un bon niveau de détails et une densité correcte de décors. Les personnages se distinguent aisément et les expressions des visages sont assez nuancées pour qu'elles soient parlantes. Il s'agit d'une approche réaliste, un peu simplifiée, qui n'est pas photographique. Pelletier réalise des dessins qui sont mieux que simplement fonctionnels, mais en se reposant sur les codes graphiques établis par Jack Kirby et John Buscema (en particulier les cadrages et les postures des personnages), conférant un léger aspect rétro à ses dessins.

La lecture de ces épisodes s'avère très agréable car Dan Slott est un scénariste qui intègre plusieurs dimensions à son récit (superhéros, intrigue originale, métacommentaire). L'histoire est donc très divertissante, avec des dessins de qualité supérieure à la moyenne, sans être inoubliables.
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