L'
hiver suit l'
automne:
Ali Smith semble clore, avec ce titre, un cycle qui a débuté avec le Printemps, quoi de plus normal. Un ouvrage par saison.
Automne a été précédemment traduit en français et il semblerait, à la lecture de son résumé, qu'il n'y ait aucun lien autre que le titre entre les romans. Peut-être qu'un lecteur plus au fait des romans de l'auteure pourrait démentir ou confirmer cela.
Ali Smith est l'une de ces romancières britanniques contemporaines en vogue, trois de ses romans ont été finalistes du Booker Prize, voilà pourquoi mon choix s'est porté sur son roman, très bien accueilli par la critique d'outre-manche, après avoir lu le résumé, qui me semblait pourtant très prometteur.
Voilà un roman, dont le ton et le style possèdent quelques airs avec ceux d'une autre grande dame de la littérature anglaise,
Virginia Woolf. Si cette dernière a le don de vous submerger dans le flux de conscience de ses personnages,
Ali Smith je crois peut prétendre à l'héritage de cette aïeule littéraire. Ce qui peut perturber sans aucun doute : j'ai encore en mémoire d'une de mes lectures de
la promenade au phare, au cours desquels mon esprit s'est égaré le temps de quelques lignes à peine, ce qui m'a amené à totalement perdre le fil de cette narration particulière. Mais
Ali Smith va plus loin encore que
Virginia Woolf, ce monologue intérieur, elle le transpose en un flux d'expression ou monologue extérieur, si je puis dire, dans la mesure où, lors de certains dialogues, ses personnages s'expriment réellement, l'auteure ne transcrit que la parole d'un des interlocuteurs du dialogue, omettant tout à fait les réponses de l'autre. le but d'
Ali Smith est finalement le même, explorer ces personnages à travers le langage, et l'exploration et d'expérimentation de différents styles de rédaction, d'écriture.
La façon qu'a
Ali Smith de modeler son langage ne m'aurait pas dérangé, j'aurais même trouvé cela intéressant, si j'avais trouvé un sens au fond de cette histoire. Ce n'est pas que j'ai décroché à un moment, c'est que je ne suis jamais réellement parvenue à trouver une accroche dans cette histoire de famille aux membres totalement jetés. Je n'ai jamais réellement trouvé d'intérêt à ces personnages déconnectés de tout et surconnectés aux réseaux sociaux. J'ai ressenti une espèce de désintérêt existentiel, presque désespérant, et douloureux pour le lecteur, de la part d'Art et de sa mère, qui a ignoré sa soeur pendant trente ans et d'Arthur, ce fils et neveu qui a perdu le cap de sa vie. C'est avec beaucoup de détachement que ces relations intrafamiliales sont dépeintes, les deux soeurs étant aux antipodes l'une de l'autre: la mère ancienne cheffe d'entreprise, terre-à-terre, plutôt détachée de tout, et qui voterait les conservateurs torries. Iris, la soeur hippie, qui a consacré sa vie aux réfugiés en s'expatriant en Grèce, qui voterait de son côté davantage parti travailliste. Forcément face à une soeur froide et quelque peu rancunière, Iris est peut-être celle qui parait la plus engageante de la famille, avec sa sympathie innée et sa complaisance et chaleur naturelle. Art est un garçon insupportable : incapable de faire un choix, incapable de s'assumer, pétri de la certitude naïve que tout va bien lui tomber cuit dans le bec. Typiquement le genre de personne qui aime se laisse guider par une main matern
elle sans rien y trouver à redire.
Les meilleurs moments de ce roman restent les échanges des deux femmes qui confrontent leur point de vue, qui penchent tout de même chacune d'une certaine manière vers un extrémisme un peu borné l'une comme l'autre. Avec en fond la problématique du Brexit, qui par ailleurs n'est jamais nommé, mais qui semble dresser comme un obstacle infranchissable entre ces deux soeurs : un refus des étrangers qui confine la xénophobie face au don total de soi d'une Iris qui n'a de cesse de crier sa haine pour ce BoJo si antipathique. Si l'auteure a voulu illustrer cette Angleterre divisée en deux par une sortie de l'Union Européenne, elle a effectivement bien réussi à illustrer son propos. La critique sociétale est latente, notamment dans l'omniprésence de ces réseaux sociaux, et de ces nouvelles technologies, qui semblent isoler les personnages d'
Ali Smith dans une sorte de solitude protectrice et douillette mais qui finit par se retourner contre eux : twitter, Google, Apple, Facebook, Twitter, tout y passe. L'auteure britannique illustre ainsi le ridicule à son paroxysme de la réalité virtuelle de ces réseaux, qui grignotent chaque jour un peu plus la réalité, et cette société qui leur a permis de prendre une telle croissance. Société qui est à l'image de cette cellule familiale éclatée, rongée par ses secrets, ou chaque soeur se bat pour sa vérité, qui s'avère finalement indécelable, enfouie quelque part entre les affirmations de l'une et les assertions de l'autre.
Je n'ai pas aimé ce roman, j'ai eu bien des difficultés à m'accorder avec le style bien particulier d'
Ali Smith ainsi qu'avec ses personnages qui m'ont paru bien antipathiques. Il contient quelques points dignes d'intérêt mais la description des personnages et du vide qui semble les habiter est quelque peu lassante au bout de deux cents pages. Je l'ai fini mais vraiment sans réel plaisir.
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