Ukraine, 1930 : au coeur de l'hiver, dans le petit village isolé de Vyriv, Luka et ses deux fils, Viktor et Petro, partis à la chasse pour tenter de ramener un maigre butin pour nourrir leur famille, découvrent un homme à bout de force à l'orée du village. L'homme s'effondre ; dans son traîneau, le cadavre de deux enfants. Luka, vétéran, choisit de ne pas le condamner sans savoir, et décide de le conduire chez lui pour le soigner, sans alerter les habitants du village, déjà tétanisés par le froid et la crainte du collectivisme forcé. Mais, alors qu'il cherchait à enterrer discrètement les deux petits cadavres, des villageois l'aperçoivent et cèdent à la peur que Luka redoutait. Pendant que la vindicte populaire se déchaîne, la nièce de Luka, Dariya, disparaît. Luka, ses fils et le père de Dariya partent à sa recherche, et une chasse à l'homme haletante s'engage.
L'auteur prend le temps de camper lieux, époque et personnages, ce qui transporte dans la steppe ukrainienne, avant qu'elle devienne l'huis-clos glacé et glaçant de cette traque. le rythme et l'intensité montent crescendo ; le roman rend palpable les deux terreurs, celle, immédiate, du ravisseur d'enfant comme, telle une chape de plomb, la Terreur stalinienne, qui font deux étaux étouffants qui se resserrent peu à peu. le mélange du thriller et du roman historique est réussi, et les pages se tournent toutes seules dès la mise en place achevée.
La psychologie des personnages, en revanche, est restée pour moi trop monolithique (d'autant que le rythme lent permettait d'offrir davantage de densité aux personnages, notamment aux deux fils, ou à Aleksandra, dont on ne fait jamais connaissance) ou manichéenne (le bon vétéran vs l'ancien soldat détraqué), et quelques rebondissements peuvent être anticipés par le lecteur bien avant Luka (autant la certitude du lecteur que l'homme mort dans la cabane n'est pas le ravisseur contrairement à ce que pense Luka, est, je pense, une asymétrie voulue, autant le fait qu'il s'agisse de Youri se devine rapidement dans la prison, de sorte que j'étais agacée de voir Luka persister dans l'erreur en lui fournissant une arme lors de la libération des prisonniers, et les tirs sur le lac n'ont pas eu d'effet de surprise, contrairement à la première attaque qui fit tomber Dimitri ; de ce fait, le dénouement de la traque était décevant au regard de son intensité précédente).
Le village demeure cependant un bon page-turner, au huis-clos réussi, notamment par son atmosphère immersive.