Citations sur Le dernier tableau de Sara de Vos (22)
Plus jeune, il trouvait cet endroit aussi froid qu'un musée. Les intérieurs en bois obscurs en arrière-plan des portraits hollandais du XVIIe siècle lui paraissaient oppressants, les boîtes orientales laquées, austères et hautaines; mais à présent que ces choses lui appartiennent, il prend plaisir à les contempler, avant qu'on allume les premières lampes. Une vie condensée et décomposée en objets. (p. 18)
Il n'a jamais été un grand admirateur de Van Gogh ou de Gauguin, mais quelque chose dans le climat lui donne envie de contempler l'ombre indigo d'une île des mers du Sud et les seins d'une femme à la peau sombre. Il se plante devant - Deux tahitiennes-, pose son chapeau et son manteau sur la banquette en cuir à côté de lui. Le tableau semble si actuel, dans son évidence, qu'on a du mal à croire qu'il est antérieur au cinéma moderne, à l'automobile, à la climatisation, à l'enseigne lumineuse. (p.70-71)
[Printemps 1636 ]
Quelque chose dans la lumière, dans cette fille qui émerge seule du bois, la pousse à reprendre ses pinceaux. Peindre une nature morte lui semble soudain inconcevable. (p. 42)
-Elle n'est pas seulement la première femme à avoir été admise dans une guilde de Saint-Luc,argumente Ellie. Elle est aussi la seule Hollandaise de l'époque baroque à avoir peint un paysage,d'après nos connaissances. Sa situation familiale lui a permis de s'aventurer dans un monde dominé par les hommes.(p.148)
Printemps 1637
L'idée de fabriquer quelque chose de solide et d'utile la tente parfois. On n'a pas à batailler avec l'illusion ou la condensation de la lumière. Mais on perd aussi la possibilité de restituer la brume des émotions humaines. (p. 122)
Au bout d'un moment, s'il restait là assez longtemps, il éprouvait la force brute de la nostalgie, ou une sensation de perte ou d'euphorie qui semblait toujours émaner d'un tableau particulier. Quoi qu'ils représentent, les Rembrandt lui rappelaient la désolation de l'hiver, la solitude d'après-midi mélancoliques. (p. 70)
Amsterdam
Printemps 1637
Évidemment,chaque tableau que vous nous soumettriez pour régler votre amende devrait être approuvé lors d'une réunion des syndics.Il me semble que les natures mortes sont un art acceptable pour une femme.(p.130)
Note de l'auteur
DANS LES PAYS du XVIIe siècle, les guildes de Saint-Luc réglementaient tous les aspects de vie professionnelle des artistes,y compris le droit de signer et dater leurs oeuvres. Elles comptaient parmi leurs membres des peintres comme Rembrandt, Vermeer, Frans Hals et Jan Van Goyen.Les sources historiques laissent à penser que jusqu'à vingt-cinq femmes y furent affiliées, mais seule une poignée d'entre elles ont produit des oeuvres qui nous sont parvenues ou ont été correctement identifiées. Les travaux de Judith Leyster ont ainsi été attribuées à Franz Hals pendant plus d'un siècle.
L'une de ces lacunes de l' histoire concerne Sarah Baalbergen,la première femme à avoir été admise à la guilde de Saint-Luc de Haarlem.Elle y est entrée en 1631,deux ans avant Judith Leyster.Aucune de ses œuvres n'a survécu.
Bien qu'il s'agisse d'une oeuvre de fiction, ce roman utilisé ces failles historiques comme source d'inspiration. Pour les besoins du récit, les éléments de la vie de plusieurs femmes du Siècle d'or néerlandais y sont fusionnés.
Manhattan
Septembre 1958
êtes-vous croyante, Ellie ?
Elle lui jette un regard perplexe,"Agnostique,au mieux. Pourquoi?
-Dans le milieu de l'art,la plupart des gens cherchent du divin dans les tableaux anciens.Des athées en quête de sens,ce genre de chose...Quand vous regardez ces œuvres,on lit de la dévotion sur votre visage."(p.210)
Les Hollandais du XVIIe concevaient leurs toiles comme ils construisaient leurs tableaux : par étapes minutieusement planifiées. L'encollage,l'apport,l'esquisse,les sous-couches,la couleur, le vernissage. (...)Certains laissaient les huiles sécher pendant un an avant d'appliquer un vernis à base de résine. (p.51)