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Critiques filtrées sur 5 étoiles  

D'abord il y a cette photo, prise par Will Counts le 4 septembre 1957 à Little Rock, Arkansas. Elle fait la couverture de la version grand format chez Taillandier, comme dans la récente version poche chez Pocket. C'est la photo de la haine. Elizabeth Eckford est la première noire à entrer dans le Central High school de Little Rock. de la foule qui la vilipende, c'est le visage haineux de Haze Bryan qui frappe, cette lycéenne lui crie «  Rentre en Afrique ».

Le journaliste, historien et chroniqueur ( France Info, Cpolitique ) spécialiste de l'histoire des Etats-Unis nous immerge dans un épisode crucial et honteux de la déségrégation raciale dans ce pays, un épisode emblématique du racisme omniprésent, une étape essentielle de l'histoire des droits civiques.

Le récit est construit comme un thriller maintenant un suspense de lecture intense et passionnant, heure par heure, jour après jour pour raconter de façon très précise et documentée les événements qui ont ponctué cette année scolaire 1957-58 pour les Neuf de Little Rock : Carlotta, Elizabeth, Ernest, Gloria, Jefferson, Melba, Minnijean, Terrence, Thelma, ces neuf lycéens âgés d'une quinzaine d'années qui vont vivre un calvaire pour oser fréquenter un lycée blanc dans un Etat sudiste. C'est absolument terrifiant de découvrir ce qu'ils ont subi d'humiliations, de harcèlements, d'insultes et de violences au quotidien.

Lorsque Thomas Snégaroff sort le lecteur de ce lycée, c'est pour mettre en lumière le combat judiciaire à la Cour suprême ou encore le bras de fer entre le président Eisenhower et le gouverneur raciste de l'Arkansas Orval Faubus qui refuse de respecter l'arrêt de la Cour Suprême ( Brown v. Board 1954 ) qui interdit constitutionnellement la ségrégation scolaire, jusqu'à la fédéralisation de la garde nationale de l'Arkansas pour protéger les Neuf et leur permettre de suivre leurs cours.

Il alterne également la narration des événements de 1957-58 pour les mettre très intelligemment en perspective avec L Histoire, avec ce passé qui ne passe pas en Arkansas : la Guerre de Sécession, bien évidemment, la naissance du Ku Klux Klan, et le dernier lynchage de 1927.

Tout le talent de cet essai est de brasser les événements de 1957-58 avec intelligence et pédagogie, entre histoire et sociologie, tout en présentant les ressorts psychologiques, les motivations profondes de ces Neuf pionniers, leur ressenti, leurs émotions. Il s'attache plus particulièrement à Elizabeth Eckford, moins connu que Rosa Parks : ce n'était pas une militante adulte qui faisait un geste réfléchi, juste une adolescente victime de l'histoire, qui n'a jamais eu l'impression de faire un acte héroïque mais seulement de faire respecter. Les retranscriptions de sa récente interview est très émouvante : soixante après, elle est toujours sous médicament pour choc post-traumatique.

A l'heure où le phénomène de reségrégation scolaire augmente, ce récit est glaçant. Il secoue, questionne, révolte. Un remarquable et passionnant travail d'un historien qui sait se mettre à la portée de son lecteur.
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"Two, four, six, eight... We ain't gonna integrate"
Eh bien en fait si, cette intégration dont les suprématistes ne veulent surtout pas va se faire. Mais à quel prix !
En 1954, la Cour suprême des États-Unis, dans son arrêt "Brown vs Board of Education", établit comme inconstitutionnelle la ségrégation dans les écoles publiques mais de nombreux états choisissent de l'ignorer et refusent de s'y plier. C'est le cas de l'Arkansas. du moins jusqu'à ce que la branche locale de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) décide de faire appliquer la loi au lycée Central High de Little Rock, jusque là strictement réservé aux Blancs.
Une cinquantaine d'élèves afro-américains, volontaires, s'inscrivent pour la rentrée de 1957. Un petit coup de pression des divers dirigeants scolaires ramène ce chiffre à 17. Encore un peu d'intimidation et ils ne sont plus que neuf à n'avoir pas craqué et à être plus résolus que jamais à mettre un pied dans ce lycée et par extension, hop, dans l Histoire.
Après bien des déboires, reculs, interdictions et menaces, les Neuf parviennent enfin à suivre les cours, ou du moins à essayer, entre haine, violence et agressions caractérisées de la part d'élèves et de professeurs fièrement ségrégationnistes, allant jusqu'à l'explosion d'une bombe artisanale au domicile d'une des Neuf que l'on préfère voir morte plutôt que diplômée.
Chaque jour devient un combat pour étudier, pour s'en sortir, pour qu'un futur loin des basses conditions réservées aux Noirs devienne possible et surtout, à court terme, un combat pour revenir le lendemain, et le lendemain encore...
Le courage de ces gamins !

Alors, finalement, ces Neuf-là ont-ils ouvert la voie à la déségrégation scolaire ? Bien sûr, une bataille est gagnée mais la victoire n'est pas encore acquise, loin de là, comme le déclarait Daisy Bates, représentante de la NAACP pour l'état de l'Arkansas à qui l'on demandait si cette avancée la rendait heureuse : "S'il faut 11500 soldats pour garantir à neuf enfants noirs le respect de leur droit constitutionnel, non je ne suis pas heureuse." Ça ne semble en effet pas gagné, d'autant qu'Orval Faubus, le gouverneur de l'État, peu enclin à accepter l'intégration sous son règne, multipliera les discours emplis de menaces à peine déguisées et ne reculera pas même devant le bras de fer qui s'engagera avec un Dwight Eisenhower, alors président des États-Unis et bien déterminé à faire respecter la Constitution.
Le gouvernement devra tout de même envoyer l'armée pour faire plier Faubus qui, malgré tout, ne s'avouera jamais vraiment vaincu.
Et plus de 60 ans après, on ne peut toujours pas parler de succès absolu, de justice ni même d'intégration si évidente qu'on n'y pense même plus, aujourd'hui encore les écoles ségréguées explosent le plafond faisant reconnaître à John B. King, secrétaire de l'éducation sous l'administration Obama, que les écoles sans Blancs "offrent de moins bons enseignants, des cours moins stimulants, moins de services que les élèves plus favorisés tiennent pour acquis et finalement moins de tout ce qu'il faut pour réussir ses études."
Dégoût.

Little Rock, 1957 est un livre brillant et richement documenté, incontournable si on s'intéresse un tant soit peu à la lutte pour les droits civiques. Il était temps d'ailleurs qu'arrive un tel ouvrage car hormis le bon (mais néanmoins beaucoup moins fouillé) Sweet Sixteen d'Annelise Heurtier, la production française restait désespérément silencieuse sur l'histoire de cette intégration aux forceps. Merci à Thomas Snégaroff d'y avoir remédié avec un livre tout à la fois puissant, dérangeant et démoralisant et pourtant, paradoxalement plein d'espoir, de celui qui nous fait continuer à croire malgré tout dans le genre humain parce que dans ce tas de dégénérés, il y aura toujours des gens magnifiques, valeureux, courageux, des héros, des vrais et dans cette histoire, ils ont pour nom Minnijean Brown, Elizabeth Eckford, Gloria Ray Karlmark, Melba Pattillo, Thelma Mothershed, Ernest Green, Jefferson Thomas, Terrence Roberts et Carlotta Walls LaNier.
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4 Septembre 1957.
Comme dans le reste de l'Amérique, c'est la rentrée des classes dans les lycées de Little Rock, Arkansas. Mais ce qui se prépare aujourd'hui n'a rien de banal : pour la première fois, neuf jeunes gens âgés de 14 à 16 ans, issus de la communauté africaine américaine, s'apprêtent à entrer à Central High school, école jusque-là réservée aux blancs. Une « intégration » qui ne se passera pas sans heurts...
Voici l'histoire d'Elizabeth, Melba, Carlotta, Minnijean, Terrence, Jeferson, Gloria, Thelma et Ernest. Neuf enfants noirs qui, en revendiquant leur droit à l'éducation, renversèrent le cours de l'histoire.

Thomas Snégaroff, journaliste spécialiste des États-Unis, revient sur un fait politique historique qui marqua durablement les esprits et fit avancer la déségrégation dans les états du sud.
En tournant autour de son sujet pour en dérouler tous les aspects (historique, politique, sociologique...), il brosse le portrait d'une Amérique sudiste suprematiste, nostalgique de la confédération.
Dans la communauté africaine américaine, les opinions diverges, car si on souhaite l'égalité et l'avancée des droits civiques, le lynchage terrible de 1927 est encore dans toutes les têtes. La peur s'invite. A raison, car devant les portes du lycée, une foule hostile, les visages tordues par la haine, crachant insultes et menaces, attend ceux qu'on a surnommé « les neuf de Little Rock ».
Mais c'est également le portrait d'une jeunesse noire fière, pleine d'espoir et d'ambitions, qui brava la haine de tout un état avec une dignité et un courage incroyable.

Un récit glaçant mais très éclairant, qui m'a émue, révolté et vraiment captivé.
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C'est un récit terrible.
Même si on connait l'histoire de la ségrégation américaine et la guerre de sécession qui opposa le Nord et le Sud, tout cela devient plus concret quand elle est incarnée par la volonté de neuf adolescents de rejoindre un lycée jusque-là réservé aux blancs.
Cet essai se lit presque comme un polar mais à aucun moment on ne peut oublier que tout cela fût bien réel.
Du combat légal à l'entrée des lycéens sous les invectives rien ne nous est épargné.
De la violence à l'état pur, des crachats, des coups en douce, des soldats qui doivent intervenir, des bombes, des menaces, des insultes et des enfants qui doivent faire profil bas, ne pas réagir, pour pouvoir rester dans l'établissement.
Le livre est parfaitement documenté et les manoeuvres des uns et des autres pour aboutir à leurs fins sont explicites.
C'est aussi un combat entre pauvres.
Et puis la majorité silencieuse...
Alors oui, les noirs vont finir par pouvoir aller dans des écoles qui leur étaient interdites mais non, cela n'est pas une victoire.
Des vies ont été brisées, des familles éclatées, des ghettos se sont renforcés, et aujourd'hui, dans une grande indifférence, la situation n'a pas presque pas évolué.
C'est un essai magistral, qui rend hommage à ces jeunes gens et leur entourage mais franchement on en sort déprimé pour l'avenir de ce pays.
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La première fois que j'ai entendu parler de Little Rock c'est en lisant "Sweet Sixteen" d'Annelise Heurtier. Je me souviens avoir été particulièrement choquée et profondément triste pour ces jeunes adolescents qui voulaient simplement étudier dans de bonnes conditions mais dont la vie fut un enfer à cause de leur couleur de peau.

Ainsi, quand j'ai vu un livre traitant de la même affaire dans la dernière Masse Critique, je n'ai pas hésité une seule seconde. J'avais très envie de découvrir les détails de cet événement historique et crucial de l'Histoire américaine.

Pour résumer, Little Rock est une ville située dans l'Arkansas où la population y est très conservatrice. Par conséquent, les esprits demeurent étroits et la ségrégation raciale règne en maître malgré ce qu'ils nous laissent croire avec leur sempiternel credo "Separate but equal". C'est donc dans un contexte tendu que le 4 septembre 1957, 9 élèves Noirs ont fait pour la première fois leur rentrée dans un lycée pour les Blancs, non sans peine et sans un dispositif de sécurité important.

Thomas Snégaroff est allé à la rencontre de quelques-uns de ces fameux "Neuf", dont Elizabeth Eckford, la jeune fille qui fait la couverture de son livre et qui ne s'est jamais totalement remise de la violence de ces années de lutte.
C'est un livre très complet et bien écrit qui remonte aux origines de l'esclavage, détaille le bras de fer entre le maire de Little Rock, Faubus le ségrégationniste, et le Président de l'époque, Eisenhower, suit le quotidien des Neuf élèves courageux et déterminés à faire valoir leurs droits dans l'enfer de leur lycée, ainsi que des personnes comme Daisy Bates et Thurgood Marshall qui ont été d'un soutien sans faille et sans qui rien de tout ça n'aurait été possible.

J'ai eu beaucoup de peine à retenir mes larmes face au récit de la cruauté et de la violence dont ont fait preuve beaucoup de personnes envers Ernest, Elizabeth, Melba, Minnijean, Terrence, Carlotta, Jefferson, Gloria et Thelma et à travers eux, toute la communauté Noire américaine. Je doute avoir en moi une seule once de courage que ces jeunes Neuf ont eu. Mais pour mieux comprendre le présent, il est primordial de remonter aux sources. C'est en cela que je qualifierais ce livre de référence à mettre entre toutes les mains.

Je remercie très chaleureusement Babelio et les éditions Tallandier pour m'avoir envoyer ce livre riche, instructif et poignant.
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Jusqu'en 1957, en Arkansas, il était impensable que des noirs et des blancs partagent les mêmes bancs de l'école. C'est pourquoi, lorsque les autorités scolaires décidèrent que quelques adolescents afro-américains auront en cette rentrée le droit d'accéder à la Central High School de Little Rock, jusqu'alors réservée aux blancs, les réactions ne se font pas attendre. Des adolescents rigoureusement triés sur le volet, puisque seuls 10 d'entre eux eurent ce « privilège » (un élève abandonnera rapidement l'idée de rentrer dans cette école).
Avant même la rentrée, cette décision fut âprement débattue dans les tribunaux et il faudra remonter jusqu'à la Cour suprême des États-Unis pour l'obtenir. Et là encore, les États du sud réclamèrent du temps, encore et toujours, pour continuer la politique de ségrégation, intitulée « equal but separate » (séparés mais égaux), qui est la leur depuis plusieurs dizaines d'années.
Et en ce jour de septembre 1957, la rentrée des classes fut bouleversée par une foule haineuse, refusant de laisser entrer des « nègres » dans l'école. le gouverneur de l'Arkansas, fit même intervenir la garde nationale pour interdire l'entrée aux élèves noirs, sous prétexte de les protéger. Et il faudra quelques semaines, une décision fédérale, l'intervention de plus de dix mille militaires (!), un garde du corps pour chacun des élèves pour que Elizabeth Eckford (en photo sur la couverture) et ses camarades puissent enfin commencer à suivre les cours. Sans oublier le courage et la détermination des membres du NAACP (mouvement pour les droits civiques afro-américain), de pasteurs (noirs et blancs), de journalistes et de quelques bénévoles. Et surtout des Neuf de Little Rock, qui durant toute leur scolarité subirent quolibets, insultes, violences, provocations haineuses, en refusant d'y répondre pour ne pas alimenter la moindre critique.
Que de haine, de violence, de stupidité, d'obscurantisme de la part d'une population qui se croit supérieure. Et que de mauvaise foi, de mensonges et d'opportunismes de la part de dirigeants populistes.
Avec simplicité et émotion, Thomas Snégaroff décrit un événement qui semble tout juste sorti du Moyen-âge. Cette lutte longue et semée d'embûches d'une population dénigrée, ségréguée, maltraitée par des militants dignes et courageux (on y voit les débuts d'un certain Martin Luther King Jr, mais c'est une autre histoire…). Une lutte qui dure encore aujourd'hui malgré des avancées notables.
Un document indispensable pour comprendre le mouvement des droits civiques aux États-Unis que l'on peut ranger à côté d'une biographique de Rosa Parks, du récit de Tania de Montaigne, « Noire » (adapté avec talent en bande dessinée par Émilie Plateau), du film d'Alan Parker « Mississipi Burning », de la chanson « Strange Fruits » magnifiquement interprétée par Billie Holiday ou des polars de Kris Nelscott (je vous en reparle prochainement…) et de biens d'autres documents, films, témoignages et fictions qui illustrent ce combat contre la haine raciale.
Petit bémol, j'aurais souhaité connaître le parcours de ces jeunes lycéens après leur remise de diplômes. Que sont-ils devenus ? Il manque un chapitre, non ?
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Les émotions de lecture de Cécile
En 1997, j'ai quitté ma Touraine natale pour un semestre d'études à l'université de Hattiesburg, Mississippi. Les jeunes étudiants français, que nous étions, avions été choqués de constater le manque de mixité entre les étudiants. Cette habitude finalement de vivre, de manger, de faire la fête séparément hérité du passé qui étonnaient autant les étudiants blancs que les
étudiants africain-américains venus des autres états. Une ligne invisible entre les étudiants semblait les empêcher de partager les moments classique de la vie étudiante. 40 ans après les batailles des droits civiques et de la déségrégation scolaire, les cicatrices du passé étaient encore présentes et malheureusement le sont encore en 2020.
Les racines de ce que nous avions constaté, c'est aussi l'histoire de la déségrégation scolaire. Little Rock 1957 de Thomas Snégaroff nous conte celle de l'intégration des neufs premiers lycéens noirs à intégrer un lycée blanc de Little Rock. Rageant, écoeurant, étourdissant, on tremble pour eux, on admire leur courage et leur détermination. On rage des insultes, des menaces, des humiliations qu'ils ont subies mais aussi pour leurs soutiens qui ont eu le malheur d'être trop emphatiques. Les conséquences pour chacun des protagonistes de ce premier jour où empêchés par la garde nationale et par la foule haineuse, de pénétrer dans le lycée, sont assourdissants. C'est un essai historique, un travail de documentaliste sur les faits, de journaliste sur le recueil des témoignages mais cela se lit comme un roman où les personnages, leurs peurs leurs espoirs, leurs doutes prennent vie devant nos yeux. Terriblement efficace dans sa construction comme dans son écriture, un livre, un essai, une nécessité à mettre entre toutes les mains.
Lien : https://collectifpolar.com/
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Merci à cet écrivain français de mettre en lumière cet épisode sombre de l'histoire américaine. Si on lit Oates, Conroy, ou d'autres auteurs, on a connaissance de ce moment historique de déségrégation. Ici on en découvre les nombreux rouages de la mise en oeuvre de la déségrégation, on a un aperçu historique de l'histoire des africains-américains. Pourquoi les nommer ainsi ? ne sont-ils pas encore considérés comme étant américains ? Ouvrage à mettre entre les mains de tous les bibliophiles qui apprécient la littérature américaine.
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Croyez-moi quand je vous dis que ce livre est indispensable. Je l'ai trouvé par hasard au détour d'un rayon d'une librairie et l'ai acheté, m'intéressant à tout ce qui touche aux États-Unis. La photographie de couverture m'interpellait. Cette jeune fille noire, Elizabeth Eckford, manifestement très calme mais en mauvaise posture au milieu de filles blanches haineuses me parlait. Je me suis dit que j'allais lire ce livre pour m'informer de cette période de l'Histoire et en sortir plus savant.
J'en suis sorti lessivé, en colère, incrédule, dépité, triste.
Le livre est une claque. Il relate les évènements de Little Rock, en Arkansas, à la fin des années 50, au moment où des élèves noirs ont voulu intégrer une école jusque là fréquentée uniquement par les blancs.
JAMAIS je ne m'étais imaginé à quel point cela avait été "difficile", pour tout dire absolument horrible pour ces jeunes qui ont enduré un calvaire sans nom. J'ai beaucoup de mal à comprendre comment des êtres humains peuvent à ce point être racistes et barbares. Mon dégoût est à la hauteur de leurs forfaits de l'époque envers ces étudiants noirs : infini.
J'ai lu ce livre comme dans un tunnel, en fronçant les sourcils sans arrêt, avec des haut-le-coeur.
Nous devons nous souvenir de cette Histoire, non pas pour la comparer à ce qui se passe aujourd'hui en France et ainsi vouloir éclairer des circonstances actuelles bien différentes. Nous devons en revanche lire ce livre pour nous rappeler que l'intolérance doit être combattue tout le temps et partout, qu'elle ne saurait exister sans qu'on la combatte et qu'il existe des gens courageux, pétris d'une volonté hors du commun qui ont vécu ou vivent des moments complexes, sur lesquels s'appuyer pour surnager nous-mêmes.
Les "Neuf de Little Rock" forcent mon respect. Les extrêmes violences qu'ils ont endurées, je n'aurais pas pu les souffrir. Et je ne réalise pas encore bien.
Thomas Snégaroff a écrit un livre ô combien nécessaire en ces temps où rien n'est encore gagné sur le front de la bêtise humaine en particulier, de la méchanceté et des intolérances en particulier.
Il faut lire ce livre. Un averti en vaut deux.
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« Les enfants en Virginie et en Caroline du Sud, et je les ai vus de mes yeux, jouent ensemble dans les rues, jouent ensemble dans les fermes, partagent les mêmes routes, et jouent ensemble au ballon après l'école. Mais ils sont séparés à l'école. Il y a là quelque chose de surréaliste. Ils peuvent voter ensemble, ils peuvent vivre ensemble, ils peuvent aller dans les mêmes universités publiques, mais s'ils allaient ensemble dans les écoles élémentaires et les lycées, le monde s'effondrerait. »

Voici ce qu'affirmait avec force et conviction l'avocat de la NAACP Thurgood Marshall devant la Cour suprême des Etats-Unis le 8 décembre 1953. Sa vibrante plaidoirie contre l'absurdité de la ségrégation scolaire aboutit quelques mois plus tard à une victoire historique: le 17 mai 1954, la Cour suprême rendit une décision unanime en invalidant un arrêt de 1896 et en se prononçant pour la déségrégation scolaire.

Si la décision fut historique, la Cour n'avait pas décidé des modalités et du rythme de son application et les tentatives de la mise en pratique de la déségrégation se révélèrent absolument catastrophiques, notamment en Arkansas. La ville de Little Rock occupa ainsi longtemps les devants de la scène médiatique en raison de son refus catégorique d'obtempérer aux injonctions fédérales.

Le 4 septembre 1957, neuf élèves afro-américains auraient dû intégrer pour la première fois Central High School, un prestigieux lycée public jusqu'alors réservé aux seuls élèves blancs de Little Rock. Mais c'était sans compter sur le gouverneur Orval Faubus et sa violente politique ségrégationniste! Personnage infect et raciste notoire, il organisa la révolte, attisa la haine et la persécution, à tel point que la rentrée ne put avoir lieu pour les neuf nouveaux étudiants.

Ce n'est que trois semaines plus tard qu'ils ont finalement pu intégrer le lycée grâce à l'armée envoyée en renfort par le Président Eisenhower. 11'500 soldats! 11'500 soldats. Voilà les extrémités auxquelles il a fallu arriver pour escorter neuf élèves noirs au lycée et leur garantir leurs droits constitutionnels! Et la bataille fut encore loin d'être gagnée puisqu'ils ont dû subir pendant toute l'année scolaires des sévices indescriptibles et absolument inhumains!

Mais malgré toutes ces horreurs, ils ont fait preuve d'un courage et d'une dignité absolument remarquables.

Little Rock 1957 est une enquête aussi captivante que profondément révoltante dans laquelle le journaliste et historien français Thomas Snégaroff se penche sur l'un des droits humains les plus précieux: le droit à l'éducation.

Pour ce faire, il revient évidemment sur ce qui se passa à Little Rock en cet automne 1957 et fait toute la lumière sur cette année scolaire entrée dans les annales, mais pas seulement. Il retrace ainsi brièvement l'histoire de l'intégration raciale en milieu scolaire depuis les premières tentatives de parents noirs au début des années 1900, agrémente son récit de diverses anecdotes pour expliciter le contexte et établir un lien avec le déferlement de la fureur blanche en 1957.

Il explique également que ces événements ne peuvent se résumer à un affrontement binaire et simpliste entre Blancs et Noirs. La déségrégation provoqua ainsi d'importantes craintes au sein des milieux d'affaires et fut la sources d'infinies angoisses pour les « white trash » dont la rage était tout autant raciale que sociale.

Enfin, et c'est peut-être de loin le plus révoltant, il démontre que soixante ans plus tard la situation est toujours très loin d'être réglée. En 2019, les inégalités crasses entre Blancs et Noirs en milieu scolaire persistent. Pis, la re-ségrégation est en marche dans certaines villes du Sud!

Vous vous en doutez: en lisant ce récit mon sang n'a fait qu'un tour. Et pas qu'une fois. J'ai pesté et j'ai ragé. Je me suis emportée, souvent. Mais comment rester stoïque devant tant de violences et d'injustices? Comment ne pas s'insurger devant l'hypocrisie crasse du « separate but equal », devant le scandale absolu des impôts des familles noires utilisés pour financer le système scolaire des Blancs? Comment ne pas ricaner devant le fantasme parfaitement ridicule du corps blanc? Comment ne pas s'indigner devant un système d'intégration basé sur l'oppression et le silence absolu des Noirs? Comment ne pas souffrir devant les atrocités et les actes de pure barbarie perpétrés à l'encontre de ces étudiants dont le seul « tort » est d'être noir?

En 2019, l'égalité scolaire entre Noirs et Blancs n'existe toujours pas dans les faits.

Conclusion: lisez ce livre. Empruntez-le, achetez-le, faites-le vous offrir, vendez un rein ou braquez une banque si nécessaire mais lisez-le!


Lien : https://livrescapades.com
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