C'est un ouvrage à lire absolument.
Auschwitz représente dans notre inconscient collectif l'horreur absolue, le mal du XXième siècle. Or, il n'est que la partie émergée d'un iceberg d'horreur au coeur de l'Europe où, entre 1933 et 1945, les régimes nazis et soviétiques massacrèrent quelques 14 millions de personnes, non pas 14 millions de soldats morts du fait des combats, mais bien 14 millions de civils, sans distinction de sexe ou d'âge, des familles entières décimées délibérément. Les images bien connues de ce haut lieu de l'horreur, juxtaposant camp de concentration et camp d'extermination, ne sont donc malheureusement pas toute l'histoire, elles n'en sont même pas l'introduction, selon les propres mots de l'auteur.
L'écrasante majorité de ces 14 millions de victimes ne virent d'ailleurs jamais un camp de concentration. Elle subirent une violence de masse jamais connue dans l'histoire de l'humanité. Elles périrent victimes de méthodes passablement primitives, délibérément affamées pour plus de la moitié d'entre elles, au bord de fosses une balle dans la nuque (Katyn, Babi Yar, Minsk, Varsovie...), abattues à la mitrailleuse, brulées vives dans des bâtiments où elles furent parquées ou encore gazées dans des usines de mort telles que Tréblinka, Sobibor, Belzec, Chelmno et Majdanek.
Une violence extrême, indicible dont l'étendue nous était encore trop peu révélée et qui frappa la Pologne, les Etats Baltes, l'Ukraine, la Biélorussie, et la frange occidentale de la Russie soviétique. Une région où les plans impériaux de Hitler et de Staline se chevauchèrent, se nourrirent mutuellement dans une forme de complicité belligérante. Cette zone que
Timothy Snyder baptise les "Terres de sang" est celle où la plupart des sites de tueries se situent, là où se concentraient aussi la plus grande partie des Juifs européens, que les nazis avaient décidé d'éradiquer. Une zone à laquelle les occidentaux n'eurent pas accès au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Il aura fallu attendre la fin de la guerre froide pour que les archives soient enfin accessibles et que les historiens puissent entreprendre ce travail sans lequel notre perception occidentale de ce que fut cette période effroyable serait restée trop parcellaire.
L'étude de
Timothy Snyder réunit ainsi l'histoire criminelle des régimes nazis et soviétiques, l'histoire juive et l'histoire européenne ainsi que les histoires nationales.