Jean Soler est un défenseur de la théorie du Yahwisme, selon laquelle les premiers israélites n'étaient pas monothéistes, mais monolâtres : ils reconnaissaient l'existence de plusieurs dieux, mais n'en vénéraient qu'un seul, en espérant que cette exclusivité leur attire la faveur du dieu choisi. Ce n'est qu'au fil des siècles que Yahvé se transforme en un dieu unique universel tel que nous ne connaissons actuellement.
L'auteur remonte donc à cette religion originelle, et explore dans ce livre deux de ses aspects : les interdits alimentaires et les sacrifices.
Concernant les interdits alimentaires, Soler rejette l'explication traditionnelle de l'hygiène : les connaissances de l'époque ne permettaient pas de poser un tel constat, et rien dans les textes ne justifie l'idée d'un « dieu nutritionniste ». Ces interdits reposent plutôt sur une vision du monde précise :
- l'interdit du meurtre : si tuer un animal peut être toléré dans un contexte de sacrifice (tous les animaux sont abattus au temple), il n'est pas possible de tuer un carnivore, ce qui reviendrait à commettre un « meurtre au carré ».
- respecter l'ordre du monde : on vole dans les airs, on marche sur la terre, on nage dans l'eau. Les animaux qui n'en font qu'à leur tête doivent être évités : l'autruche (un oiseau qui ne vole pas), le héron (un oiseau qui passe sa vie les pieds dans l'eau), les crustacés (qui vivent dans l'eau en marchant), ...
La seconde partie du livre s'attarde sur les sacrifices : à quoi servent-ils, comment s'assurer qu'ils soient valides, que sacrifier précisément pour obtenir l'efficacité maximale. Je dois reconnaître que cette partie m'a un peu moins intéressé : contrairement à l'alimentation où on peut recueillir des données objectives, il faut extrapoler ce qui se passait dans la tête des gens, ce qui me semble nettement moins fiable.
Cet essai est intéressant à découvrir, même si les thèses développées ne font pas toujours l'unanimité. le seul reproche que j'ai à lui faire est que l'auteur ne présente que les conclusions finales de son étude, et dans ce genre de texte, j'apprécie qu'il prenne la peine de décrire les différentes interprétations qui se sont présentés à lui, et pour quelles raisons il a tranché en faveur de telle ou telle, bref, qu'il nous entraîne dans sa recherche sur le terrain plutôt que de délivrer un cours magistral.