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Critique de Walken


Walken
20 décembre 2012
Sans préliminaire, Soljénitsyne nous transporte par-delà le Dniepr et la Néva, pour nous révéler comment on intègre l'Archipel, avant de nous faire comprendre ce qu'il est vraiment, son organisation, son développement métastasique, sa finalité.

Nous assistons alors tétanisé, à l'arbitraire des arrestations, à l'infamie des procès iniques, à l'invraisemblance des condamnations, à la cruauté des premières incarcérations, à la torture et à l'humiliation ordinaires, à l'horreur effroyable des convois vers les camps de transit avant de rejoindre les îlots du goulag.
Puis, pour ceux qui auront survécu au voyage, commencera alors une vie de "zek", de sous-homme, d'esclave absolu, soumis à un régime de travail inhumain, dans des mines, des exploitations forestières et des marécages sans fin, pour construire canaux, chemins de fer, routes, aux confins du cercle polaire, dans l'immensité glacée de la Sibérie ou dans les steppes désertiques d'Asie centrale.

Tout est avéré par des centaines de témoignages, aux informations soigneusement recoupées par Soljénitsyne qui souvent, s'adresse à nous pour mieux nous faire replonger au coeur du plus grand système concentrationnaire de tous les temps.
Par sa compassion et son humanité, nous souffrons avec l'auteur, avec les victimes, qui bien souvent ne comprennent pas la raison de leur déportation, de leur destin tragique implacable. D'autant que dans nombre de camps, en plus du régime cruel imposé, il faudra également composer avec les malfrats de toute espèce (et il faut croire que la Russie en regorgeait), déportés eux aussi mais avec un statut spécial, privilégié, car considérés comme les victimes de l'ancienne société bourgeoise, faisant régner la dure loi du plus fort, survivant sur le dos des "zeks" ordinaires, des dos pourtant déjà largement éprouvés.

Dans un style toujours puissant et un souci scientifique du détail, où l'humour n'est pas absent, nous devenons alors les témoins de cette déportation de masse, où des dizaines de millions d'indigènes viendront, au final, alimenter l'Archipel, et dont une grande majorité mourront sous le coup de l'épuisement, de la faim, du froid, des maladies, de la torture, des exécutions sommaires.

Cela nous rappelle bien-sûr une autre page tragique du XXème siècle, à ceci près que l'Archipel, bien qu'encore relativement peu étendu, fonctionnait déjà à plein régime dès le début des années 30...... Et Soljénitsyne, qui a purgé huit années de camp, est catégorique: il s'agit bien "d'extermination par le travail", un concept, là encore, mis au point bien avant la Shoah.....
En outre, si le pire des atrocités s'est déroulé sous Staline, l'auteur nous fait remarquer, preuves à l'appui, que l'Archipel avait commencé à émerger du permafrost sous Lénine.... et qu'il n'a véritablement pris fin qu'avec la chute de l'Empire soviétique.

Face à cette oeuvre monumentale, aux risques énormes encourus par l'auteur, nous ne pouvons que nous incliner. Lire cette effroyable fresque historique demande une certaine dose d'abnégation, une volonté sans faille de connaître, comprendre et d'accepter la réalité des faits.

Enfin, par son existence même, "l'Archipel du Goulag" est malgré tout une source d'espoir, car il constitue la preuve éclatante que l'intelligence et l'acharnement d'un seul homme peuvent avoir raison d'un des systèmes les plus totalitaires que l'humanité ait connu.
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