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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce deuxième tome nous raconte les Camps.

Leur naissance, dès 1920, dans les îles Solovki d'abord puis leurs métastases, comme les appelle l'auteur, qui créeront cet Archipel qui finira par recouvrir tout le pays.



De ces camps, Alexandre Soljenitsyne va nous expliquer la création destinée d'abord à exterminer les "Ennemis du Peuple" puis à les faire travailler comme esclaves pour toujours plus de profit.

Il va ensuite nous narrer la vie quotidienne de tous ceux qui y vivent ainsi que ceux qui gravitent autour de ces camps.

Il y a bien sûr les gardiens dont il va nous expliquer la sélection pratiquée pour garder les plus " sadiques".

Il y a surtout les prisonniers dont à travers des témoignages, il va essayer de
décrire les vies et notamment celles des femmes et des enfants qui sont particulièrement effroyables.



C'est une lecture particulièrement éprouvante remplie d'abominations, l'auteur essaye parfois de mettre en valeur certains moments d'espoir, voire d'élévation de l'esprit qui lui auraient permis de tenir mais il faut avouer que l'ensemble est plutôt noir et souvent sans avenir pour ces ZEK.

Pour tous ceux qui s'intéresse au Goulag, c'est, à mon avis, une lecture
indispensable et qu'il ne faut pas lâcher malgré les 500 pages.
La question est : " Comment un pays peut-il en arriver là, à tuer ses propres enfants ?"

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Livre hautement intéressant d'un point de vue historique car l'auteur reprend la création et l'organisation des premiers goulags en Russie,puis il nous décrit les différents types de goulags ainsi que les types de population qui y sont enfermés.
L'auteur nous y décrit les terribles conditions de vie et de travail.
Tout comme d'autres ouvrages qui traitent des systèmes d'emprisonnement,de détention;surtout sous les régimes totalitaires,cet ouvrage est très dur à lire mais je crois sincèrement qu'il faut aller jusqu'au bout de l'innomable et de l'abaissement à cette cruauté qui n'est finalement qu'humaine.
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Comment parler de l'indicible ? Comment parler d'un génocide par les camps de travail ? de déportations massives ?

De populations que l'on a pris dans leurs villages et qu'on a déplacé dans des terres arides, incultes, sans rien leur donner ?

Comment parler de la mort de millions de personnes, assassinés par les gens de son propre peuple ?

Tout simplement comme Alexandre Soljenitsyne l'a fait dans son célèbre livre qui lui valu des sueurs froides lorsqu'il le composa, ne laissant jamais l'entièreté d'un chapitre au même endroit, ne laissant jamais tout son travail étalé sur sa table. Trop dangereux.

Il est des livres qui, une fois terminés, vous donnent envie de plonger dans du Tchoupi ou équivalent (mais rien de plus fort). L'envie de plonger dans du Oui-Oui s'est déjà faite ressentir après certains chapitres de romans particulièrement éprouvants ("Cartel" & "La frontière", de Winslow).

Pour l'Archipel, j'ai eu l'envie de me rabattre sur des P'tit Loup après chaque phrase lue, c'est vous dire sa puissance ! C'est vous dire les horreurs que l'on a faites aux prisonniers politiques, condamné sur base de l'article 58 et qu'on appellera des Cinquante-huit dans les camps.

Mais jamais Soljénitsyne ne s'amuse à faire dans le glauque pour le plaisir d'en faire, jamais il ne fait dans le larmoyant.

Alors oui ce qu'on lit fend le coeur, fait naître des sueurs froides, surtout si vous imaginez que ces horreurs arrivent à vos proches, mais l'écriture de l'auteur fait tout passer facilement car il donne l'impression de vous raconter une histoire, vraie et tragique, mais d'une manière telle que vous continuez la lecture sans arrêter.

Ce livre n'est pas vraiment un livre dans le sens habituel puisque la trame narrative n'est pas une suite, mais plutôt un rassemblement de divers témoignages, le tout étant regroupé dans des sections bien définies, commençant par l'industrie pénitentiaire qui décrit la mise en place de la machine à broyer.

Le ton de Soljénitsyne n'est pas dénué de cynisme, de causticité, mais jamais au grand jamais il ne fait de réquisitoire contre la politique, ni contre ceux qui broyèrent les autres, car il est lucide : le hasard de la vie aurait pu le mettre du côté des tortionnaires au lieu d'être avec les victimes du Grand Concasseur Humain.

Et il se pose une question que peu de gens osent se poser (et n'osent jamais y répondre véritablement) : qu'aurait-il fait si le destin, le hasard, l'avait placé du côté de ceux qui avaient le pouvoir de vous pourrir la vie, de vous arrêter arbitrairement, bref, du côté des Méchants, des grands salopards ?

Il ne les juge pas trop durement, il sait très bien que bien des Hommes ont obéi afin d'avoir la vie sauve, pour protéger les leurs, pour ne pas crever de faim, tandis que d'autres se cachaient derrière le "on m'a donné un ordre", là où d'autres ont senti pris leur pied d'avoir le pouvoir de vie ou de mort sur des êtres moribonds.

Staline et son parti ont posé une chape de plomb sur les épaules de leurs concitoyens, fait régner la terreur car jamais au grand jamais vous n'auriez pu prévoir que le Rouleau Compresseur allait vous passer dessus, pour des peccadilles, bien entendu !

Vous avez osé dire que le matériel des Allemands était bon ? Apologie, donc au trou ! Vous avez fait un paraphe sur la gueule à Staline, sur le journal ? Au trou ! Aberrant les motifs d'emprisonnement, exagérés les peines de prison pour des riens du tout, mais c'est ainsi que l'on fait crever son peuple de trouille et qu'on obtient tout de lui.

Soljenitsyne le décrit très bien, nous expliquant aussi, sur la fin, pourquoi personne ne s'est révolté, rebellé, pourquoi les gens n'ont pas osé aider les autres. Même sous 40° à l'ombre, j'aurais eu froid dans le dos durant ma lecture.

Ce témoignage met aussi en lumière la folie des dirigeants, dont Staline, qui voyait des espions partout et qui a imaginé les camps de travail bien avant que Hitler ne monte ses abattoirs.

Ces deux moustachus sont des assassins en puissance (aidés par d'autres, bien entendu). À la lecture de ce récit, on constate que les horreurs de Staline ont durées plus longtemps et qu'elles firent encore plus de mort (oui, c'est possible) et étaient tout aussi horribles que les camps d'exterminations des nazis (oui, c'est possible aussi).

Lorsque le procès de Nuremberg se terminait et que tout le monde criait « Plus jamais ça », les camps de travail étaient toujours bien là en Russie. En 1931, des hommes avaient même creusé un canal (le Belomorkanal, 227 km) sans instruments de travail - ni pelles, ni pioches, ni roues aux brouettes,… Renvoyés à la Préhistoire !) et en seulement deux ans….

Le 20ᵉ siècle fut un siècle d'extermination en tout genre, hélas. Par contre, il est dommage que l'on ne porte pas plus d'éclairage sur les goulags, sur les camps de travail, sur les prisonniers innocents qui y périrent, sur leurs conditions de détentions déplorables,… J'ai l'impression qu'on les oublie dans la multitude des horreurs du 20e.

Une lecture faite sur 6 jours, une lecture coup de poing, une lecture à faire au moins dans sa vie.

PS : Cela fait longtemps que je voulais lire ce témoignage, mais j'avais du mal à trouver les différents tomes dans les bouquineries, alors, lorsque j'ai vu que Points avait sorti une édition abrégée, j'ai sauté sur l'occasion et acheté ce livre en octobre 2019.

Je voulais lire ce témoignage en janvier 2020 et c'était "Cartel" de Winslow qui est passé à la casserole et j'ai reporté cette lecture aux calendes grecques car le récit me faisait peur.

Peur que le récit et moi n'entrions pas en communion (ce qui aurait été dommageable), peur d'avoir peur de ce que j'allais y lire et que le roman de Soljénitsyne ne termine au freezer, comme d'autres le firent avant lui, notamment des livres parlant des camps de concentration.

Tout compte fait, nous nous sommes rencontrés, sans aucun problème et il est regrettable que j'ai reporté cette lecture. Maintenant que je l'ai faite, je suis contente et le livre termine dans les coups de coeur ultimes.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Moi, L.Gregorievna Raspoutine, déclare tout d'abord qu'il ne s'agit pas de mon nom véritable mais que je me devais dans un élan patriotique adopter un nom russe et renier par cet acte ma famille que je dénonce d'ailleurs comme étant antisoviétique ! Vous n'aurez qu'à leur faire subir l'instruction pour vous rendre compte qu'ils ne sont pas éduqués comme devraient l'être tout bon citoyen soviétique ! Rendez-vous compte, mon père se rendait tous les dimanches à l'Église dans ma jeunesse ! N'est-ce pas honteux !!! Et ma mère travaillait comme femme de ménage chez des bourgeois à l'étranger, elle est donc forcément corrompue par leur idéologie capitaliste !!! Quant à moi, L.Gregorievna Raspoutine, je devais forcément être coupable de l'éducation de mes parents ! Heureusement que notre Chère Patrie a mis en place le redressement par le travail !!!! Désormais, je me sens digne de notre grand pays !!
Étant fille d'ouvriers, je ne peux bien entendu qu'épouser le communisme ! Et mon seul rêve est de rejoindre le Parti, même si je sais que cette gloire me sera à tout jamais inaccessible de par l'acte d'accusation qui pèse sur mes épaules. Mais je me dois de le porter non pas fièrement cet acte d'accusation, bien entendu !! mais bien honteusement ! le Parti a eu raison de m'arrêter à la sortie de l'Université et il a bien fait d'arrêter tous mes camarades !!! En effet, je me suis rendue compte dans le camp qu'il n'y a aucun innocent ici ! Tous coupables oui, quoiqu'ils en disent !!! Même moi, coupable ! le Parti a toujours raison. Tous ceux qui disent le contraire sont des traîtres à leur Patrie et mériteraient d'être fusillés ou du moins d'être envoyés aux travaux généraux qu'ils servent au moins à construire notre Grand Pays ! Ils ne méritent même pas leur pain sec !!!!
Quant à moi, je ne peux qu'être reconnaissante d'avoir été envoyée grâce à mon cher Protecteur K. Kalachnikov. à l'usine où j'ai travaillé fièrement pour notre Chère Patrie. D'ailleurs je me dois de vous signaler le comportement de certains de mes camarades. K. Khrouchtchouk, a délibérément saboté le travail collectif en volant un chiffon !!! Et K. Khroutchak mériterait le cachot pour s'être assis pendant ses 10h de travail !!! Je n'hésiterai pas à revenir vers vous dès que j'aurai un autre élément douteux à vous signaler !!!

PS : Je vous remercie de prendre soin de l'enfant que vous avez confié aux bons soins de notre Chère Patrie ... Je suis fière de savoir qu'il sera allaité des mamelles de la Patrie, qu'il aura la chance de devenir un bon communiste et qu'il pourra servir un jour et pour toute la vie fidèlement la Patrie !!!

Libération anticipée pour bon travail de L.Gregorievna Raspoutine.

L.Gregorievna Raspoutine aura donc fait son temps après sa lecture des Quatre Parties de l'Archipel du Goulag relatives à l'industrie pénitentiaire (l'arrestation, l'histoire de nos canalisations, l'instruction, les liserés bleus, première cellule premier amour, ce printemps-là, la chambre des machines, la loi-enfant, la loi devient adulte, la loi dans la force de l'âge la mesure suprême, Tiourzak : la réclusion), au mouvement perpétuel (les vaisseaux de l'Archipel, les ports de l'Archipel, les caravanes d'esclaves, d'île en île), l'extermination par le travail (les doigts de l'Aurore, l'Archipel surgit de la mer, l'Archipel envoie des métastases, l'Archipel se pétrifie, les fondements de l'Archipel, V'là les fascistes !, la vie quotidienne des indigènes, la femme au camp, les planqués, en guise de politique, les bien-pensants, bzz! bzz! bzz! , on prend les mêmes et on recommence, changer le destin!, chizo, bour, zour, les socialement proches, les mouflets, les muses au Goulag, les zeks en tant que nation, les chiens au travail, le monde qui gravite autour des camps, nous construisons), l'âme et les barbelés.

L.Gregorievna Raspoutine peut désormais rejoindre la vie civile, mais il n'est pas exclu qu'elle revienne au Goulag finir son temps.

L.Gregorievna Raspoutine rejoindra peut-être une nouvelle et dernière fois le Goulag, car il est toujours possible que le Goulag vous prenne et vous travaille au corps.
L.Gregorievna Raspoutine sera peut-être même heureuse de retrouver son travail, heureuse de construire, par exemple, un mur, comme Ivan Denissovitch. Elle sera peut-être même heureuse de revoir les voleurs avec leur franc-parler, les mouflets et leurs jeux insolents, les crevards si pathétiques, parce qu'ils sont devenus, à la longue, à force de les côtoyer si longtemps (pendant vingt-cinq kopecks !), sa famille. Peut-être même qu'elle rédigera un traité d'ethnologie (voir le chapitre "Les zeks comme nation") afin de parler des hommes nouveaux créés par L Archipel du Goulag.
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Le goulag : le mot souvent n'évoque que le froid. On en a même fait un festival. La réalité, racontée en détails dans ce livre, est terrible. On y passe de l'arrestation, sans raison, en catimini, à la prison ou l'on s'entasse en attendant un jugement qui n'en est pas un ; puis on voit les déplacements, dans des wagons qui en rappellent d'autres, la déportation de millions d'ennemis du peuple qui ne savent pourquoi on les considère ainsi et l'arrivée dans des camps de la mort. le vocabulaire toujours rappelle d'autres camps, mais le goulag, c'est avant Auschwitz et c'est aussi après Auschwitz, et cela concerne plus de gens encore. Soljénitsyne mêle son témoignage personnel à mille récits rapportés, il décrit Solovski, la première île de l'archipel, la violence, le travail, la faim, la mort. Il montre le cancer qui s'étend à l'ensemble d'un Etat qui assassine son peuple. Il s'indigne et s'enthousiasme à tour de rôle, face à la cruauté des gardiens, des mouchards et des truands qui sont mieux traités que les innocents « politiques », face aux tentatives rocambolesques d'évasions presque toujours loupées et face aux rébellions qui laissent croire l'espace d'un jour, d'une semaine, d'un mois au maximum, que la liberté est un mot qui a encore un sens. Il montre le quotidien des zeks, ces indigènes de l'archipel qui crèvent et qui restent dignes. Il rappelle leurs noms, leurs histoires personnelles, leurs rêves et leurs cauchemars. Il dit ce qui devait être tu. L'archipel du goulag doit être lu par tous ceux qui veulent comprendre ce qu'a vraiment été le communisme, à quel point la révolution du peuple est devenue une révolution contre le peuple, à quel point l'idéal est devenu, en forçant la réalité, sordide et inhumain.
Lien : http://www.lie-tes-ratures.c..
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Le livre testament de l'auteur et la plus violente charge contre la russie communiste appelee alors URSS qui valut à l'auteur de vivre en exil une grande partie de saxvie.Une plongée dans l'horreur pure avec des descriptions difficilement soutenables des conditions de detention au coeur du goulag.Un livre témoignage longtemps repasse sous cape et qui vient d'etre reedite en format semi poche.A ne pas manquer.
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Vingt huit millions de déportations et 15 à 20 millions de morts. Staline : « Un cas psychiatrique atteint d'hystérie et de folie de la persécution » selon son successeur Nikita Khrouchtchev, liquidateur de ses crimes.
La parution du livre d'Alexandre Soljénistine L'archipel du Goulag en 1974 fut une véritable bombe littéraire, politique, sociale et économique, malgré les allégations des négationnistes du PCF. le livre a été écrit en cachette à partir des notes prises par l'auteur au sein même du goulag, puis nourri de 227 témoignages de rescapés des camps.
L'auteur, officier vaillant combattant sur le front contre les allemands, est arrêté en 1945 pour avoir critiqué Staline dans un échange de lettres privées, et est condamné pour « activité contre-révolutionnaire » à huit ans de détention dans les camps de travail pénitentiaires. Et il décrit sa lente descente aux enfers :
L'arrestation (plutôt de nuit pour être plus discret), l'instruction en détention préventive (l'aveu sous la torture tient lieu de preuve), le transfert vers un camp de transit (en wagon-zak à 25 hommes dans un compartiment de 6 pendant 3 à 7 jours), le convoi vers un port de l'Archipel (en wagon à bestiaux non chauffés en plein hiver sibérien), la caravane vers le camp de travail (à pied dans la neige).
Il ne devra sa survie qu'à sa libération au bout de 2 ans pour être embauché comme physicien Nucléaire ( en 1946, c'était précieux!)
Cinq cent pages passionnantes d'un témoignage exceptionnel qui valut un prix Nobel.
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Écrit de 1958 à 1967 dans la clandestinité il sera publié en 1973 à Paris. En 1974 Soljenitsyne est arrêté et déchu de sa nationalité. Exilé en Europe et aux USA, il revient en Russie en 1994, réhabilité par Mikhaïl Gorbatchev. Difficile de faire le résumé d'un tel livre. J'ai lu la version abrégée inédite, 900 pages, édité en 2010. L'archipel du goulag est un pavé d'informations d'une précision inouïe car Soljenitsyne a fourni et détaillé cette sombre histoire de l'URSS sous l'ère de Lénine et surtout Staline qui en a fait sa machine à détruire les hommes par le travail forcé.
Tout à la fois documentaire historique, sociologique, psychologique et récit autobiographique, il dénonce le fonctionnement de l'appareil communiste, les services secrets et la folie parano et mégalomaniaque de Staline. Jugé selon l'article 58 du code pénal (établi en 1926), la sentence était le goulag pour des années de travaux forcés. Chaque lieu dans le grand nord, plus dur que l'autre.
Page 141 : les prisonniers sont devenus votre famille ; p 211 la famine créée en 1922 ; p 298 dékoulakisation de 1929 à 1933 ; p 329 à 345 création du premier camp en 1917 sur les iles Solovki sur la mer blanche ; p342 visite de Gorki au goulag ; p351 à 360 construction du canal de la mer blanche à la baltique « le Belomorkanal » 227km en 20 mois, oeuvre de 100 000 détenus en permanence, où d'après Soljenitsyne, 250 000 personnes y auraient perdu la vie ; p404 à 408 description d'une journée de zeks dans les mines d'or de la Kolima ; p412 à 416 description du scorbut et autres maladies ; p549 définition du « tchékiste : morgue, suffisance, despotisme, avidité, cupidité, méchanceté, cruauté ; p577 liste des travaux réalisés par les zeks ; p597 référence à V. Chalamov ; p680 sort réservé aux évadés ; p748 grève de la faim au camp d'Ekibastouz ; p765 à 794 la révolte de Kenuir et après la mort de Staline et la chute de Béria ; p807 histoire des koulaks et la collectivisation.
227 anciens détenus ont aidé Soljénitsyne à édifier ce monument au déporté inconnu qu'est "L'archipel du goulag".
Après sa parution et diffusion en 1973, les intellectuels français ont eu bien du mal à accepter ce document accablant. Mort de Sartre 1980, Aragon 1982, Beauvoir 1986, Signoret 1985, Montant 1991, Jorge Semprun 2011…Un des seuls à avoir combattu le PCF et l'union Soviétique fut Raymond Aron mort en 1983, mais sa lucidité lui a couté bien cher dans la sphère politique et intellectuelle.
Quel gâchis monumental !

Lien : https://www.babelio.com/conf..
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Cette somme de témoignages est indispensable. Elle permet de comprendre pour quelles raisons le régime soviétique envoya au Goulag tant de gens ordinaires, de citoyens innocents. J'y ai découvert, entre autres, qu'après son temps de peine, le déporté pouvait ne pas être autorisé à quitter le camp car, après tout, s'il avait été un traitre une fois, il pouvait bien l'être de nouveau. Il demeurait ainsi l'esclave gratuit dont avait besoin l'URSS pour moderniser son économie. Eh oui ! C'est de cela qu'il s'agit. Une nouvelle forme d'esclavage pour creuser un canal, construire un barrage, tracer des routes, des voies ferrées. Astucieux et terrible. Des millions d'ouvriers gratis. Sous couvert de défense du socialisme, de construction du communisme, on soupçonne, on arrête et on déporte. Et je dis "on" volontairement car tout le monde s'y met. En amont, il y a la propagande, certes, mais aussi et surtout la peur de ne pas arrêter un ennemi du régime, la peur d'être accusé de laxisme. Et laxisme = trahison. Alors on dénonce, on provoque des arrestations pour se faire bien voir, pour être broyeur plutôt que broyé. Chaque année, je lis des extraits de cet ouvrage à mes élèves et ils sont effarés par tant d'absurdité, de cruauté et de bassesse. Tant mieux. Mais ne soyons pas naïfs, l'être humain peut se montrer faible et lâche quand il a peur. En conclusion, je citerais Jean Cayrol ( " Nuit et Brouillard") : "Il y a nous qui regardons sincèrement ces ruines comme si le vieux monstre concentrationnaire était mort sous les décombres, qui feignons de reprendre espoir devant cette image qui s'éloigne, comme si on guérissait de la peste concentrationnaire, nous qui feignons de croire que tout cela est d'un seul temps et d'un seul pays, et qui ne pensons pas à regarder autour de nous et qui n'entendons pas qu'on crie sans fin." Ce texte, écrit pour témoigner d'une autre forme de déportation, peut aussi bien s'appliquer au Goulag et nous rappelle que rien n'est jamais fini.
Lien : https://veroniquepascual.fr
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Tout à la fois documentaire historique, sociologique, psychologique, satire mordante et dénonciation acerbe et critique non seulement du système concentrationnaire soviétique, mais également de toute une histoire politique et communiste de cet État en révolution constante qu'était l'U.R.S.S., L'archipel du goulag est aussi un récit autobiographique et biographique.

Arrêté sur le front en 1945 pour avoir échangé avec un camarade des vues peu orthodoxes sur Staline, Soljenitsyne connut la prison, les camps et la relégation. Sa chance fut peut-être de passer par ces camps pour techniciens où le travail était moins difficile. Sans cesse l'auteur insiste : les travaux les plus durs, personne ne pourra en témoigner car ceux qui les ont exécutés en sont morts. de la même façon qu'il l'avait fait avec une banale journée dans Une journée d'Ivan Denissovitch (le roman, publié dans une revue moscovite, connut un succès phénoménal, ce qui était étonnant étant donné que l'univers concentrationnaire décrit dans le camp existait encore), Soljenitsyne décompose le parcours d'un zek, depuis son arrestation, véritable rupture dans sa vie civile, jusqu'à la relégation, ultime cruauté du système qui interdit à ses anciens pensionnaires de retrouver leur région d'origine, en passant évidemment par la vie dans le camp.

Soljénitsyne révise aussi l'histoire judiciaire de l'URSS en démontrant l'absurdité de tous ces procès, de toutes ces condamnations. C'est que l'article 58 de l'appareil pénal soviétique permettait justement de nombreuses interprétations et justifiait l'envoi à la mort - sinon à la mort, au goulag, ce qui revient peu ou prou au même - de millions de supposés traîtres à la patrie. Comparé à l'histoire russe, à celle des tsars, le 20ème siècle de Lénine, de Trotski, de Boukharine et bien-sûr de Staline, sans oublier Béria et Dzerjinski, paraît horrible, sentant la mort, transpirant de désespoir et de déshumanisation. Voilà ce qu'a permis le stalinisme : la mort de masse. Pour cela, les autorités ont recours au mensonge, à la délation, à la torture aussi (plus silencieuse et plus efficace que celles de l'Inquisition médiévale : privation de sommeil, interrogatoires nocturnes, promiscuité ...).

En replaçant l'histoire des camps dans le temps long, dans une perspective qui réunit côte à côte les punitions en vigueur sous les tsars et celles du temps soviétique, Alexandre Soljenitsyne accuse non seulement un système mais une idéologie. Egalité, bonheur : voilà les mots que l'on servait comme une soupe populaire. La réalité s'écrivit avec les mots suspicion, dénonciation, calomnie, injustice. Lorsque l'on condamne, au début des années 1940, des personnes avec des peines de « rééducation par le travail » pour 25 ans, n'est-ce pas l'aveu d'un échec idéologique ? Lorsque, comme par hasard, des dizaines de milliers de traîtres sont supposément démasqués alors que, dans toute L Histoire russe, ce nombre a toujours été très restreint, est-ce bien crédible ? Comment une idéologie vouée au bonheur de son peuple pourrait-elle avoir autant d'ennemis ? Les camps, paraît-il, rééduquent.

Les camps tuent aussi. Par le travail éreintant (il suffit de songer au creusement du canal entre la mer Baltique et la mer Blanche pour lequel Staline donna un délai de 20 mois) mais aussi par la faim (les rations alimentaires sont réduites au minimum), ils sont nombreux, ces zeks, à trépasser. Si le travail et la faim ne suffisent pas, le froid ou la poussière des mines peuvent accélérer le processus. Mais, avant la mort, il y a la vie, la survie donc, pour tous ces « politiques » qui n'en ont que le nom, et qui doivent faire attention aux miradors d'où, parfois, surgit la mitraille, mais aussi aux truands, véritables relais du pouvoir dans le camp. Les jeunes, aussi, sont de vrais dangers : pleins de force vitale, ils mènent leur vie avec fougue, jouant, usant les autres détenus, les humiliant aussi, les volant souvent. Il y a encore les femmes, séparées en théorie des hommes mais qui reçoivent leurs visites, subissant leurs assauts sexuels sous les yeux avides des adolescents.

La vie dans le camp, cependant, continue. La survie passe par la pensée, notamment. Soljenitsyne affirme qu'il composa en pensée des vers qu'il retenait, jour après jour, comme le plus précieux des trésors. Au quotidien, la survie passe aussi par une forme de résistance qu'est l'absence de travail. Conserver son corps, c'est mesurer son effort et, partant, éviter de travailler au maximum. Mais pour ceux des Camps Spéciaux, cette option n'était pas pensable et aux douze heures de labeur fallait-il encore ajouter qui une heure, qui deux heures de marche pour rejoindre le lieu de travail (la mine, la forêt, le champ).

Incroyable documentaire, le livre est aussi un objet littéraire à part entière. Soljenitsyne y fait preuve d'une ironie mordante à l'encontre du pouvoir soviétique. Staline a droit aux pires surnoms (notamment l'Assassin). Cette férocité dans la verve est peut-être la preuve de cette liberté conservée, à tout prix, par Soljenitsyne dans les camps. Oui, le texte est une prouesse littéraire : le verbe est fluide, l'anecdote rend la lecture simple cependant que les événements décrits sont terribles. La langue du camp est restituée par Soljenitsyne avec précision puisqu'elle est ce qui a permis la réclusion (notamment dans l'interprétation des lois). Elle est aussi ce qui fait de cet archipel du goulag un territoire, c'est-à-dire une portion d'espace délimitée par les hommes en fonction de leur empreinte sur celui-ci. Tout zek (le mot lui-même est une contraction du mot russe pour « détenu ») sait ce qu'est le Bour, l'oper (ou le pote) ou un mouchard.
Jamais, cependant, l'auteur ne se met en avant : toujours il privilégie ses compagnons d'infortune (grâce auxquels le livre existe puisque l'auteur cumula plus de 200 témoignages), toujours il regrette le nombre d'oeuvres probablement perdues à tout jamais, pourtant pensées dans des esprits brillants mais jamais mises à l'écrit, ou bien ayant été enterrées pour ne pas être découvertes. Il faut dire que le manuscrit de L'archipel du goulag passa les frontières de l'U.R.S.S. à la barbe des autorités, et que sa constitution ne fut pas sans provoquer de sérieux dégâts. Sa parution éclata à la face d'un Occident qui avait cru, comme l'écrit Soljenitsyne, que ce genre de réalités ne pourrait plus exister après la découverte de l'Holocauste en 1945.

Est-ce parce que les témoins furent plus que rares ? Qui s'émut, de l'autre côté du mur, du sort des prisonniers politiques, victimes de parodies de jugement, ou bien de celui des paysans (connus sous le terme impropre de koulaks : là aussi la langue est importante et son usage est dramatique : car le mot koulak désigne à l'origine certaines populations rurales volontiers voleuses et tricheuses. Ces paysans que l'on spolia, que l'on déporta, que l'on tua par les balles ou par la faim, méritaient-ils cette odieuse étiquette qui, aujourd'hui encore, les désigne ?) chassés de leurs terres et de leurs maisons ? Qui s'enquit de la tragédie que vécurent les Tchétchènes, les Allemands de la Volga, les Lituaniens, les Ingouches ? Les procès de Moscou de 1936-37 firent grand bruit et pour cause : les anciens dirigeants du PCUS avaient, pour témoigner en leur faveur (pas à la barre, bien-sûr, mais par écrit et à destination de l'Europe et du monde), des amis qui savaient écrire. Les autres n'avaient personne. C'est pour eux que Soljenitsyne écrit. Pour cette femme dont on jeta le nourrisson décédé du wagon dans lequel elle roulait vers un camp. Pour ces hommes qui creusèrent, des jours durant, un tunnel sous leur cellule et qui échouèrent au dernier moment dans leur tentative de libération. Pour ce vieil homme réclamant un quignon de pain et qui mourut quelques instants après.

Dans cette industrie de la mort, le camp, dit Soljenitsyne, avale des ennemis pour recracher des morts et des produits. Ainsi furent traités les habitants de l'Archipel, immense et planant comme une ombre noire au-dessus de l'U.R.S.S., maintenus dans le secret par le cerveau malade de Staline et par ses bras armés : les Organes, le MVD, le NKVD. Un archipel : quelle image plus fidèle Soljenitsyne pouvait-il trouver pour décrire ces mondes isolés et éloignés les uns des autres par la steppe, la taïga, les kilomètres, et pourtant rassemblés par une vie commune, un état d'esprit, des habitudes de vie, la confrontation quotidienne à la mort, des wagons à bestiaux, des prisons aux lumières crues ?
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