Je n'ai vraiment pas été intéressé par ce livre qui m'a paru terriblement... comment dire... bizarre et difficilement compréhensible.
Malgré mon désintérêt je suis allé jusqu'au bout pour la simple et bonne raison que ce livre ne compte pas énormément de pages (moins d'une centaine).
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j'en suis à la moitié du livre et je n'y arrive plus. La lecture de ce livre est pour moi douloureuse et je n'ai toujours pas cerné l'histoire. L'inceste tel qu'il est abordé me gêne beaucoup et rend la lecture encore plus difficile. Bref, je ne sais pas si un jour je terminerai ce livre qui ne comprend pourtant qu'une soixantaine de pages!!!
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D U R É E
Trois minutes de course, le choc de la Résurrection, et la durée humaine change de nature. Jean n’hésite pas à dire de lui-même qu’il est le disciple que Jésus « aime ». Il va même plus loin dans ce qu’il raconte :
« Pierre, voyant Jean, dit à Jésus : "Seigneur, et lui ?" Jésus lui répond : "Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi". »
Ce « que t’importe ? », adressé à Pierre, est fabuleux, dans le genre « mêle-toi de ce qui te regarde » et de ce que tu peux comprendre, toujours, à moitié. Il te manque la foi de l’amour.
Jean insiste :
« Le bruit se répandit chez les disciples que Jean ne mourrait pas. Mais Jésus dit quelque chose de beaucoup plus mystérieux "si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne". »
Chaque détail, dans les Évangiles, a son importance. Jean, avant cette déclaration, se définit comme celui qui, pendant le repas final, s’est penché sur la poitrine de Jésus, et lui a demandé : « Seigneur, qui est celui qui va te livrer ? » Il n’en a donc aucune idée ou, plutôt, il pose la possibilité que ce soit n’importe lequel des autres, y compris Pierre. Tous sont virtuellement coupables, sauf lui. Il faut ajouter que Jésus lui-même, du haut de la Croix, l’a nommé Fils de sa Mère, et qu’ils vivront ensemble après sa mort. Ajoutons aussi, détail extraordinaire, les trois questions posées par Jésus à Pierre, trois fois la même, c’est beaucoup : « M’aimes-tu ? »
Vivre avec Dieu, ne fût-ce qu’une semaine, est un émerveillement continu, seconde par seconde. C’est ce que Jean confirme :
« Il y a encore beaucoup d’autres choses qu’a faites Jésus. Si on les mettait par écrit une à une, je pense que le monde lui-même ne suffirait pas à contenir les livres qu’on en écrirait. »
On s’y croirait.
Après sa Résurrection, et avant son Ascension provisoire, puisqu’il doit revenir, pendant que Jean « demeure », Jésus s’amuse un peu. Il apparaît à ses disciples, qui ne le reconnaissent pas, fait toucher ses plaies sanglantes à Thomas l’incrédule, accomplit deux ou trois miracles, pour montrer qu’il est en pleine forme, comme, par exemple, au bord du lac de Tibériade, quand il indique à ses disciples pêcheurs, qui ne l’ont toujours pas reconnu, de tendre le filet de l’autre côté de leur barque. Jésus aime bien les marins, il les invite à déjeuner sur la plage, ce qui nous permet de connaître son plat préféré : le poisson grillé, tout frais, consommé populairement sur place.
Que fait Jean, à la fois mort et vivant, pendant tout ce temps ? Il n’y a qu’une seule réponse : il garde le Graal, mais où et comment ? La réponse est au début de son Évangile, à condition de bien le comprendre et en le traduisant au présent :
« Au commencement est le Verbe,
le Verbe est avec Dieu,
et le Verbe est Dieu. »
Vous avez bien lu cette déclaration stupéfiante, digne des abîmes atlantes : « LE VERBE EST DIEU. »
Et puis :
« Tout est par lui, sans lui rien n’est,
ce qui est en lui est la vie,
la lumière brille dans les ténèbres,
et les ténèbres ne la saisissent pas. »
Il est quand même extraordinaire que le premier miracle de Jésus raconté par Jean soit celui des Noces de Cana, et de la transformation surabondante d’eau en vin. L’eau devait servir à la purification, mais la voici devenue vin, et du meilleur. Deuxième acte, violent, Jésus chasse les marchands du Temple, celui de son père, commence-t-il à dire, acte de purification par excellence. Le vin, ou la colère sacrée ? Les deux, le Verbe humain est un Dieu.
Jésus se fait immédiatement mal voir des trafiquants en tous genres, qui vivent de la superstition locale. Ils vendent des bœufs, des brebis, des colombes, pour d’antiques sacrifices sanglants. Autour d’eux sont assis les changeurs, qui contrôlent beaucoup d’argent. Drôle de supermarché pour un lieu de culte. Beaucoup de bruit, pour que rien ne soit dit.
La mafia du trafic est très religieuse, elle va bientôt réclamer la mort de ce gêneur halluciné, qui, au nom de son Père, comme il dit, plaide pour une gratuité intime des rapports avec Dieu. La mafia finira par obtenir l’exécution de cet agité de l’au-delà. Pour cela, il suffit de manipuler l’occupant romain, qui ne com prend rien à ces choses.
Toute cette énorme épopée, passion, sang et massacres, pour aboutir à l’épouvantable sirop « chrétien » des dimanches. Jean se tait, mais son silence, celui du Verbe, doit être l’enjeu du grand jeu en cours. Ici, je suis obligé de repasser au passé, puisque si « le Verbe s’est fait chair », ce ne peut être qu’une seule fois pour toutes :
« Et le verbe s’est fait chair,
et il a habité parmi nous,
et nous avons contemplé sa gloire,
gloire qu’il tient de son Père,
comme Fils unique,
plein de grâce et de vérité. »
Que le verbe se fasse chair reste incompréhensible pour la plupart. Il y faut un acte de foi plein de mystère. La Vierge Marie a pourtant déclenché une multitude de chefs-d’œuvre, chaque artiste, poète, peintre, musicien, devenant son Fils, le plus naturellement du monde. Quelques siècles en Italie, et le tour est joué.
Le Verbe s’est fait forme, couleur, corps, bénédiction, mère, enfant, envol, assomption. On n’est pas obligé de tomber dans l’horrible mauvais goût actuel, et de parler des « ovaires » de la Vierge, d’autant que dans la Procréation Spirituellement Assistée, le Verbe se débrouille très bien avec un Archange. La question n’est donc pas de savoir si cette version mythique est vraie, mais juste de mesurer, si on en est capable, les résultats de création de ceux qui l’ont crue vraie, au point de s’en faire les acteurs.
Graal
Entretien avec Philippe Sollers
Jean-Noël Mouret : — Le « Graal » du titre est tout autre que celui de la Table Ronde, mais tout aussi « unique et apparemment introuvable »…
Philippe Sollers : — Ce qui a lieu grâce à la crise profonde que traverse l’humanité, c’est faire disparaître le vieux Graal, considéré comme objet définitivement introuvable. Ce qui veut dire qu’il y a urgence à comprendre qu’il ne peut être qu’un état intérieur, ce que je m’attache à démontrer.
– Vous convoquez Rimbaud, Baudelaire, Athanase Kircher, Manet, Picasso et bien d’autres, qui ont en commun d’avoir tous, d’une manière ou d’une autre, « rêvé de royaumes »…
Nous savons, grâce à Platon, que, très bizarrement, l’Atlantide, continent disparu et très civilisé, était une fédération de royaumes. Ce qui a certainement fini, étant donnée l’harmonie qui régnait dans cette grande île, par déplaire aux dieux cosmiques, d’où l’engloutissement fatal. Par Platon, qui en a transmis le souvenir, nous pouvons donc penser que nous avons là tous les ingrédients pour imaginer le destin d’une superbe civilisation engloutie, ce qui est probablement en train d’arriver à la nôtre.
– Ce royaume entrevu, que vous baptisez ici « Atlantide », semble en même temps être accessible, tangible même, grâce aux rituels érotiques pratiqués par les rares initiées…
Supposons que je sois un Atlante, transmis par code génétique depuis des millénaires. Là, je vais retrouver, en effet, en tant qu’adolescent mâle, toute une civilisation matriarcale, qui a poussé l’incestuosité jusque dans ses plus intimes retranchements. Cela me parle beaucoup, et souvent, dans la mesure où je crois avoir écrit, ne serait-ce qu’avec « Les Folies françaises », mais un peu dans tous mes livres, des scènes qui se rapprochent le plus possible de ce qu’on peut appeler l’inceste positif, qui peut être ressenti par des garçons, en l’occurrence atlantes, initiés qu’ils sont par leurs tantes, c’est-à-dire les sœurs de leur mère. Chose qui m’est peut-être arrivée.
– L’erreur commune serait-elle d’aller chercher très loin ce « Graal », ce Paradis qui se trouve en réalité à l’intérieur de nous, mais la plupart l’ignorent…
Exactement, puisque le Temps retrouvé, découvert par Proust, se trouve dans cet état de triomphe intérieur où l’on a retrouvé l’éternité, comme l’a dit Rimbaud. Plus Graal que Rimbaud, je ne vois pas.
« Elle est retrouvée. Quoi ? – L’éternité. C’est la mer mêlée au soleil. »
Ces vers sont ceux que je me dis tous les matins dans l’autobus qui m’entraîne dans une civilisation en train de disparaître.
Propos recueillis par Jean-Noël Mouret
Bulletin Gallimard n° 541, mars-avril 2022
Une telle éducation précoce fait du jeune Atlante doué un virtuose de la jouissance continue et inconclusive. Il devient l’instrument de lui-même, hyper-sensible aux voix, aux coups d’œil, à la peau du monde.
Sa tante est une déesse, et elle est là, assise dans son peignoir blanc. Elle lui demande de se rapprocher, elle le déculotte, elle l’aère. Jamais l’acacia qu’on voit par la fenêtre du fond de la pièce n’a été plus frais au soleil.
Une Atlante a pour seul plaisir de faire jouir un mâle en le caressant et en l’embrassant, elle jouit tout de suite après, avec un grand soupir de satisfaction. Cette pratique spéciale semble dater de milliers d’années, et on comprend qu’il s’agissait d’éviter un surcroît de population. Pas question de circoncision, et encore moins d’excision, on laisse les organes à leurs intuitions.
Au lieu de « péché originel », expression religieuse qui évoque aussitôt un dérapage sexuel, on devrait s’habituer à dire « virus originel », l’être humain en étant infecté d’emblée et n’arrêtant pas de se réinfecter lui-même. Vous ajoutez désormais l’islamisme radical, et vous obtenez un virus nouveau, le Coranovirus. Vous ouvrez le Coran, et vous savez ce qui vous attend comme mécréant.
L’éternité est sûrement retrouvée, puisque, comme toujours, la mer est mêlée au soleil. Le monde n’a pas disparu, mais on dirait qu’il a été retourné pour reprendre son cours céleste. Tout est maintenant immédiat, le temps ne coule plus, et le plus stupéfiant est que personne ne semble s’en rendre compte.
Dialogue autour de l'oeuvre de Philippe Sollers (1936-2023).
Pour lire des extraits et se procurer l'essai SOLLERS EN SPIRALE : https://laggg2020.wordpress.com/sollers-en-spirale/
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