En ouvrant le livre de
Philippe Sollers tout juste publié chez Gallimard, j'ai frissonné comme si un spectre taquin était venu me rendre visite à mon domicile. Comment ça, l'ami de
Lacan,
Althusser et Barthes, le fondateur de la revue
Tel Quel en 1960 écrit encore aujourd'hui ? N'écoutant que mon courage, je me suis plongée dans son livre “Le Nouveau” sans prêter attention aux mouvements d'objets inexplicables et aux claquements de porte dans la pièce. Esprit de
Philippe Sollers, es-tu là ?
La séance de spiritisme commence, et le rire de l'auteur me fait sursauter dès les premières pages : avec lui tout explose, la narration, le temps du récit, le genre même du roman. le narrateur commence bien sagement par raconter la vie de ses ancêtres, pour embrayer espiègle sur une famille d'adoption composée de
Proust,
Rimbaud,
André Breton et
Freud. le récit laisse place à une satire métaphysique : sous l'autorité de
Shakespeare, l'auteur révèle le théâtre du monde, ses ridicules, ses bouffons. Avec
Sollers toutes les nouvelles idéologies se dégonflent comme des baudruches, je suis prise dans les courants d'air, déboussolée par des rapprochements audacieux.
Les murs de ma chambre se mettent à tourner, je me laisse persuader par Breton cité par
Sollers lorsqu'il dit : “Tout porte à croire qu'il existe un certain point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas, cessent d'être perçus contradictoirement”.
Je referme le livre désorientée mais ravie. Décidément
Philippe Sollers, c'est aussi divertissant qu'un épisode de Stranger Things.