Dans les cicatrices de la ville, un beau titre, qui a piqué ma curiosité et m'a poussée à demander ce livre lors de la dernière masse critique de Babelio. Les cicatrices de la ville, ce sont, comme l'explique l'auteur dans la première nouvelle, les entailles qui traversent la capitale du Guatemala, marques des éruptions et autres mouvements de terrain qui scandent l'histoire de cette ville. Les cicatrices de la ville, ce sont aussi bien sûr les mille visages, mille fois trop nombreux, de l'extrême pauvreté, ou plutôt de l'extrême dénuement dans lequel vit une partie de la population.
ATD Quart Monde, puisque ce sont eux qui publient ces nouvelles écrites par un de leur volontaires permanents, qui a passé cinq ans au Guatemala, y mène des projets visant non pas à réduire cette pauvreté mais plutôt à la réhumaniser, ou, pour être plus juste pour révéler l'humanité qui y est tapie.
Ce livre n'est donc pas un projet littéraire, et l'on pourrait, à cette aune-là, lui trouver beaucoup de défauts, notamment un certain sens de l'ellipse qui fait comme un écran entre le lecteur confortablement assis dans son fauteuil et la réalité tellement nue des situations décrites. Je mettrais cela sur le compte d'une certaine pudeur de l'auteur, mais elle ne m'a pas parue adaptée au sujet du livre ni à son ambition.
Malgré ces réserves, j'ai trouvé ce livre intéressant. A toujours vouloir soulever le voile tendu par la pudeur de l'écriture, on finit par voir à travers, et deviner ce qui se trouve au-delà ne rend pas cela plus facile à imaginer qu'une description directe. Mais dans chaque nouvelle, qu'elle se finisse bien ou non,
Jaime Solo trouve toujours la dignité, l'humanité, et c'est tout le sens de son livre, de son combat, et de celui d'
ATD Quart Monde en général.
Les personnages de ces nouvelles ont existé et existent, c'est ce qui sert le coeur, parce que le sentiment d'impuissance est grand. Ils ne liront probablement jamais ces lignes, parce qu'ils ne savent pas lire, parce qu'ils sont morts, parce qu'ils sont partis vers d'autres cieux, parce qu'ils n'y penseront même pas. Et les cicatrices de la ville ne sont plus seulement celles des colères de la Terre, ce sont les cicatrices de notre modernité qui jonche le sol de nos détritus et qui laisse sur le bas côte de la route des laissés-pour-compte qui portent en eux et sur eux les cicatrices d'un monde qui ne marche pas droit.
Merci aux éditions
ATD Quart Monde pour cette lecture qui met mal à l'aise malgré la douceur et la bienveillance de l'auteur, une lecture qui secoue un peu, et ce n'est pas une mauvaise chose.