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sur 232 notes
Cette enthousiasmante histoire a l'audace de s'emparer avec une originalité folle de la tragédie de la traite négrière. Lors de la traversée de l'océan Atlantique, les négriers balançaient par-dessus bord les femmes enceintes. Dans le roman, les bébés à venir naissent sous l'eau avec la capacité d'y respirer comme ils le faisaient in utero entourés de liquides amniotiques. Sauvés par les baleines, ils sont à l'origine d'un peuple sous-marin, les Wajinrus, qui a construit une civilisation à l'abri des abysses.

Ce n'est pas Rivers Solomon qui a imaginé cette histoire fantastique. Tout est expliqué dans la postface signée Daveed Diggs, membre du groupe de hip-hop Clipping. Dans les années 1990, le groupe de techno Drexciya a inventé un mythe afrofuturiste autour d'une civilisation sous-marine, repris par Clipping dans son single The Deep, ajoutant des paroles à la base instrumentale de Drexciya. Jusqu'au roman de Rivers Solomon qui propose à son tour sa version de la mythologie initiale, complétant le récit de la chanson, utilisant les mots du refrain «  Y'all remember », en amplifiant le sens pour en faire un élément fondamental de son univers fictif.

Rivers Solomon a construit un très beau personnage pour nous guider dans cette civilisation. Yetu est l'historienne des Wajinrus. C'est la dépositaire de six siècles d'histoire. Elle doit rassembler les souvenirs ancestraux de chaque Wajinru pour permettre à ceux-ci de vivre sans eux. C'est à elle de supporter la douleur du passé jusqu'au rituel annuel du Don de mémoire, où elle doit renvoyer les souvenirs avant d'en reprendre le fardeau. Jusqu'à ce qu'elle craque sous le poids de la mission, se révolte et fuit à la surface de l'océan, vers le monde des Deux-Jambes, celui des hommes.

Les Abysses est un conte, une fable, une parabole. Tout y est allégorie. La réflexion sur l'ambiguïté de la mémoire est très intelligemment menée, à la fois bénédiction et malédiction. le souvenir peut maintenir une culture en vie mais la pratique du souvenir ritualisée de la brutalité passée peut empêcher la vie, nourrir la colère sans se projeter sur un futur constructif. le propos est limpide et débouche sur la thématique de l'identité avec deux choix opposés : se replier sur un communautarisme identitaire ou s'ouvrir à l'altérité dans l'acceptation de la différence, quitte à prendre des risques.

J'ai été fascinée par la poésie des parties sous-marines du récit et la clarté des images qui s'imposaient à moi. Moins par les parties terrestres très naïves, lorsque Yetu rencontre le monde des hommes comme Candide découvre la dure réalité du monde. le récit, est très court mais les informations contemporaines surabondent ( écologie, notions de genre, racisme ) trop pour être traités en profondeur, se juxtaposant en couches sans être totalement embrassées, me laissant une bizarre impression de frustration alors que ce conte est totalement cohérent et très riche. J'avais vraiment besoin de plus de romanesque ou d'un supplément de complexité pour ne pas être laissée sur le quai dans la deuxième moitié du récit.
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Je n'ai sans doute jamais lu un roman aussi riche, en si peu de pages.

Les abysses est un roman fantastique, dans toutes les acceptations du terme, à tel point qu'il en devient une histoire universelle, une mythologie en peu de mots, créée par un écrivain qui maîtrise la métaphore comme personne.

Imaginez et laissez vous transporter par la parole de Yetu, historienne torturée. Elle fait partie des Wajinrus, peuple marin qu'on peut assimiler aux sirènes (moins éloigné des hommes qu'il n'y paraît), et qui descend des femmes noires enceintes jetées par-dessus bord des navires esclavagistes. Elle raconte son histoire, tout comme celle de sa tribu.

200 pages, ça paraît court, et pourtant ce récit est incroyablement immersif (sans mauvais jeu de mots), prenant, poignant. Intellectuellement et émotionnellement enrichissant au possible.

Pas étonnant qu'il ait été remarqué par plusieurs prix prestigieux (finaliste des Hugo Awards, finaliste des Nebula Awards, finaliste des Locus Awards, lauréat des Lammy Awards).

C'est une histoire tout en nuances que nous propose Rivers Solomon, à lire entre les lignes. Métaphorique, mais toujours d'une étonnante clarté et distillant un nombre incroyable de thématiques. Au point d'en rester souvent bouche bée devant tant de clairvoyance, avec l'envie de surligner nombre de passages du texte, encore et encore.

Ce livre est d'une telle force émotionnelle, poétique et d'évocation qu'il est à conseiller au plus grand nombre. L'aspect fantastique n'est qu'un prétexte pour faire réfléchir sur des sujets profonds et ressentir des troubles face à ceux du personnage principal (et par ricochet ceux de son peuple).

Il y est question (entre autre) du devoir de mémoire. Une idée poussée dans ses retranchements, parce que le poids du passé peut être la source d'une douleur indicible. Les conséquences des actes des générations antérieures ont toujours des répercutions.

La vie peut être fardeau, par son passé, par sa manière d'être soi. Rivers Solomon raconte aussi la différence, prône la tolérance. L'auteur/trice est une personne transgenre qui sait sans doute parfaitement ce qu'impliquent ces notions. Et arrive à en nourrir son héroïne de manière déchirante.

Malgré les apparences, Les abysses est un roman dense, évocateur d'un folklore, empli de réflexions pertinentes et d'une grande sensibilité.

Rivers Solomon nous fait nous pencher sur notre monde, ses racines. Mais aussi sur l'amour possible malgré l'impossible, sur le respect, sur l'appartenance… Et tant d'autres choses qui rendent cette fiction à la narration originale aussi unique, et intimement universelle.

Tous les lecteurs pourront y trouver leur compte, ce n'est pas le moindre des exploits de ce roman étonnant.
Lien : https://gruznamur.com/2020/0..
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Ne lisez pas les quatrièmes de couverture.

Je répète (et c'est la dernière fois hein !):

N.E L.I.S.E.Z P.A.S. L.E.S Q.U.A.T.R.I.E.M.E.S D.E C.O.U.V.E.R.T.U.R.E

Voici plutôt mon quatrième de couverture personnelle :

Yetu se souvient … Elle est l'historienne d'un peuple qui vit dans les abysses.
Elle se souvient et le passé est douloureux.
L'histoire est traumatisante alors ils ont tout confié à l'historienne et oublié.
Mais une fois l'an, ils empruntent de nouveau les souvenances du passé.
Mais pour Yetu, le fardeau est bien lourd à donner et à reprendre

Bien mieux que de dire d'entrée de jeux “alors ce peuple est issu des …”, n'est-ce pas ?
Dévoiler la fin empêchera un nombre bien trop grand de lecteur de commencer cette lecture au prétexte de “ça parle de …”

Le livre parle beaucoup et avec brio de mémoire, de passé.
Sous couvert de récit, il pose de bonnes et vastes questions.
Devons-nous nous souvenir ?
Même si le passé est traumatisant ?
Devons-nous vivre dans l'oubli ?
Devons-nous déléguer le travail de mémoire, de conservation à d'autres ?
Avec Yetu, le cas est extrême (oubli total et un seul porteur de mémoire), mais sommes-nous si différents ?
Je ne pense pas.
Pour prendre mon cas personnel, j'ai lu récemment quelques brillants livres sur le nazisme et j'ai trouvé que l'on avait oublié.
Certes. Nous n'avons pas oublié les dates, les évènements les plus importants, quelques noms, quelques lieux, …
Mais que savons-nous du terreau ? de l'époque ? Des “valeurs” de la société, peu de choses vraiment.
On a oublié à quel point la société européenne fut un milieu de darwinisme social, de colonialisme.
Un terreau fertile.
La plante vénéneuse fut coupée. Mais l'humus est encore là… Et cette connaissance du passé est tellement mal répartie, peu ou mal visible, mal reconnue.

Je m'égare, mais c'est la preuve que c'est un excellent roman fantastique.
Un roman dans un univers “fictif”.
Un univers qui est tellement le nôtre ou pour être honnête le leur.
Celui de ceux qui ont été et sont victimes de ce commerce.
Quoi de mieux que les abysses pour ressentir un peu ce qui fut et ne devrait plus être.
Jamais.
Lien : https://post-tenebras-lire.n..
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Ce roman m'a été offert pour Noël et la très belle couverture représentant une sirène nageant au milieu de chaînes m'a enthousiasmée. En survolant les commentaires sur Babelio, j'ai vu la phrase de PostTenebrasLire disant de ne surtout pas lire la quatrième de couverture. Dommage, je l'ai vu trop tard !
A mon tour de vous dire de ne surtout pas lire le résumé qui même très court donne trop de renseignements sur le contenu du roman. Laissez-vous emporter par le texte de Rivers Solomon et vous découvrirez comment le peuple des sirènes a vu le jour.

*
Terriblement immersif. Dès les premières lignes, l'auteure nous emmène au fin fond de l'océan, dans les abysses, créant une atmosphère de ténèbres, de froideur et d'oppression. Là vivent les Wajinrus, le peuple des sirènes.
De leur passé, ils n'ont aucun souvenir. Seule, l'historienne est détentrice de l'Histoire de son peuple. Héritant des souvenances de ses ancêtres, cette sirène est essentielle à la survie de son peuple.

« Il me semble inconcevable qu'un peuple choisisse délibérément de se priver de son histoire par peur de souffrir. La douleur donne de l'énergie, elle nous illumine. C'est le fondement même de l'existence. La faim nous fait manger, la fatigue nous fait dormir. La douleur nous fait crier vengeance. »

*
Yetu est une historienne, elle a été choisie pour être le réceptacle vivant de la mémoire de son peuple. Elle recueille ainsi tous les souvenirs d'hier et d'aujourd'hui pour libérer son peuple d'un passé traumatisant, trop lourd à supporter.
Toutes ces voix, ces milliers de morts, toutes ces histoires, merveilleuses comme insoutenables, encombrent son esprit. Trop tourmentée, trop sensible, trop révoltée, elle ne supporte plus ces souvenirs douloureux qui prennent possession de son esprit, la désoriente, l'isole des autres.

Quel est ce passé si lourd à porter ? N'est-il pas une trop grande torture pour un seul être ? Trop de douleurs ne peuvent-elles pas être partagées ?

*
Une fois par an, l'historienne confie L Histoire des Wajinrus à son peuple. Un soulagement de seulement trois jours. Après elle devra à nouveau endosser ce fardeau si lourd à porter.
Son envie de vivre, d'être libre, va-t-elle lui faire commettre l'irréparable ? Je vous laisse découvrir le secret des origines des Wajinrus et le destin que se choisit Yetu.

*
Ce roman est plus complexe et plus profond qu'il n'y paraît à première vue. La construction, mélangeant passé et présent, permet d'entrelacer plusieurs thématiques : celle de l'oubli, de la mémoire, du poids des souvenirs douloureux, de l'importance de son histoire, de la quête d'identité, de la difficile transmission d'un passé traumatisant aux générations suivantes.
Il est aussi question d'écologie, de respect de l'océan.

*
A la fois poétique et plein de rage, Rivers Solomon déploie un talent évident à nous décrire cet univers abyssal et à nous interroger sur notre héritage et l'impact sur nos vies. Un roman intrigant, original, et agréable à lire, même s'il me manque un petit brin de quelque chose d'indéfinissable, l'envie d'en savoir plus sur ce peuple, l'envie d'aller plus loin dans ces questionnements.

Ce roman fantastique peut séduire un plus large public par ces messages et ces thématiques contemporaines. Ne vous laissez pas désarmer par le fait que cette histoire résonne du chant des sirènes.
Un auteur à découvrir pour vous faire votre propre idée.
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Toutes les grandes histoires ont un début.
Pour Les Abysses, l'histoire commence avec Drexciya, un duo techno-électro de la ville de Détroit composé de James Stinson et Gerald Donald.
Drexciya invente à travers sa musique une fascinante mythologie : imaginez que les esclaves africaines jetées par dessus bord des bateaux négriers aient donné naissance à un nouveau peuple marin capable de construire leur propre civilisation et de bâtir petit à petit une nouvelle utopie ?
Bien des années plus tard, en 2017, le groupe de hip-hop Clipping — composé de Daveed Diggs (que vous pouvez suivre dans la série le Transperceneige), William Hutson et Jonathan Snipes — exhume le mythe Drexciyien à l'occasion d'un épisode science-fictif de l'émission de radio This American Life. le résultat : la chanson The Deep qui remporte dans la foulée le prix Hugo de la meilleure présentation dramatique.
L'histoire aurait pu s'arrêter là mais c'était sans compter sur l'arrivée de l'autrice Rivers Solomon qui transforme la chanson en un roman court du même nom et qui débarque aux éditions Des Forges Vulcain sous le titre français Les Abysses.

Le poids d'un Peuple
Dans son premier roman, le fabuleux L'Incivilité des fantômes, Rivers Solomon imaginait la course du Matilda, un immense vaisseau spatial divisé en ponts à la façon d'un gigantesque navire et qui séparait ses occupants selon leur classe sociale (comme dans le Transperceneige) et leur couleur de peau. Guidée par Aster, personnage transgenre noire et autiste, le lecteur découvrait l'horreur de la suprématie des riches blancs à la façon de l'esclavage de jadis transposé dans un cadre futuriste.
Roman sur le racisme, L'Incivilité des fantômes était aussi, et surtout, un roman sur l'importance de la mémoire et de la quête du souvenir à travers l'enquête d'Aster autour du suicide de sa mère, Lune.
Quoi de plus naturel que de retrouver Rivers Solomon impliquée dans l'aventure transgénérationnel autour de l'oeuvre de Drexciya ?
Les Abysses raconte en moins de deux cent pages l'histoire de Yetu, Historienne du peuple des Wajinrus, descendants-sirènes des enfants d'esclaves jetées à la mer car trop encombrantes et improductives.
Par le truchement d'une intervention fantastique de l'océan (ou d'un Dieu caché en son sein), les bébés voués à une mort certaine s'extirpent du ventre des mères-martyres pour devenir des êtres amphibies recueillis par des baleines jusqu'à la prise de conscience de l'une d'entre elle, Zoti, sur la nécessité de rassembler ce nouveau peuple et de lui offrir une mémoire de ce terrible passé.
Race hermaphrodite/intersexuée, les Wajinrus éprouvent différemment l'individualité et le rapport aux autres. Dans cet univers radicalement autre, Yetu, dernière Historienne en date, se charge de recueillir en elle toutes les souvenances des Wajinrus passés. Réceptacle de la souffrance de tout un peuple, Yetu restitue son savoir lors de la cérémonie du Don de Mémoire où tous les Wajinrus se réunissent pour revivre leur naissance et leur histoire tourmentée. Mais Yetu n'en peut plus, Yetu a mal, Yetu est seule, Yetu veut vivre…et elle décide de quitter la cérémonie en cours de route en abandonnant aux autres Wajinrus son fardeau mémoriel.

Qu'est-ce que la mémoire ?
Les Abysses, contrairement à ce que laisse penser son nombre de pages congru, est un roman dense et extrêmement riche.
Son noyau central, c'est ce peuple des Wajinrus et son rapport à la Mémoire, aux souvenirs (appelés souvenances) et à l'Histoire en général.
Rivers Solomon témoigne de l'holocauste noir pour réfléchir sur son apport aux jeunes générations et à tout un peuple.
Le travail de mémoire n'est pas traité ici de façon manichéenne et unidimensionnel, il est multiple, ambiguë, contradictoire, éreintant, libérateur et poignant.
Qu'est-ce que la mémoire ? Voilà la question posée par Les Abysses.
Au lieu d'asséner une réponse lisse et toutes faites, Rivers Solomon montre le beau et le laid, la douleur et la colère, la solitude et le partage.
Pour Yetu, la mémoire est un fardeau, une malédiction, la source d'une souffrance sans fin que d'être le réceptacle de l'Histoire de tout un peuple traumatisé et martyrisé. Que faire de ce poids ? Comment gérer toute cette souffrance quand, à quatorze ans, vous en recevez toute la violence sur les épaules d'un seul coup ?
Rivers Solomon réfléchit sur l'impact de l'Histoire sur les jeunes générations qui la découvrent, sur la solitude et l'horreur que cela peut entraîner si ce passé devient une ancre que l'on ne partage pas, qui nous entraîne vers le fond.
Définir la mémoire prend du temps à Yetu, et bien des peines.
Que devient un peuple qui ne vit que dans le passé ? Et, au contraire, à quoi peut aspirer un peuple qui oublie d'où il vient ?
Le choc des idées offre au roman une force de réflexion protéiforme impressionnante où le lecteur comprend que le besoin de se souvenir n'est pas une chose aussi évidente qu'on ne le pense.
Par l'intensité de sa réflexion et sa transposition à un peuple imaginaire (mais hautement métaphorique), Rivers Solomon dépasse le simple cadre de la cause Noire et parle de tous les peuples qui ont du, un jour, affronter l'horreur du génocide. du juif à l'arménien en passant par le tutsi et l'amérindien.
Les Abysses parle d'abord de ça, de vivre avec son passé, de le partager et d'en faire une chose constructive et non destructrice.
Une chose qui fera grandir et non mourir.

Un seul Monde
À côté de ce travail sur la mémoire, Rivers Solomon présente une espèce radicalement différente, les Wajinrus, et pourtant si proche des « deux-jambes » dont ils sont issus. Dans Les Abysses, comme dans L'Incivilité des Fantômes, c'est un personnage au genre non défini qui nous accompagne et qui découvre que le monde extérieur peut violemment le rejeter pour ce qu'il est. En rencontrant Suka, Yetu éprouve une chose unique et précieuse : l'acceptation.
« Je voulais dire, vous êtes comme nous » lui dira Suka surprise par la possibilité du langage chez cet étrange poisson qui s'est échoué sur la côte.
Rivers Solomon glisse son lecteur dans un corps différent mais qui ne constitue pourtant pas un obstacle à l'amour ou à l'humanité.
Dans Les Abysses, c'est le fait de communier à l'échelle de l'humanité entière qui ouvre la bonté des uns et des autres, c'est le fait de briser les barrières pour faire cause commune et comprendre que l'autre, malgré ses différences physiques ou culturelles, nous ressemble.
Une tolérance qui permet d'exister et de souffrir moins. de vivre même.
C'est le côté organique et sensible des sentiments qui traversent le roman qui rend Les Abysses si intense. Yetu n'est pas seulement une Historienne pour les Wajinrus, c'est le symbole d'un passage de flambeau, d'une nouvelle ère de réconciliation et d'ouverture. le symbole que tout peut changer.
Entre les lignes, le lecteur verra également un couplet écologiste dans Les Abysses, sur ces « deux-jambes » infâmes qui viennent voler les ressources des Wajinrus en les décimant, ces « deux-jambes » qui n'arrivent pas à coexister avec la Nature mais veulent la posséder, la dominer.
Mais surtout, entre les lignes, c'est une histoire d'amour pudique et sincère au-delà des apparences que suivra le lecteur. La rencontre de deux personnes accablées par le poids de la perte, du passé et de la responsabilité. Deux personnes qui ne savent plus si se souvenir est une malédiction ou un fardeau et si la vengeance amènera autre chose qu'un vide nouveau.

Avec Les Abysses, Rivers Solomon confirme.
Elle confirme son talent exceptionnel et sa sensibilité, son intelligence et son sens de la nuance. Roman fantastique dans tous les sens du terme, Les Abysses remue et renverse, comme un ouragan en plein océan, comme une façon de se souvenir et de mûrir sans mourir.
Lien : https://justaword.fr/les-aby..
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Yetu est une Wajinru, un peuple de sirènes. Loin des représentations glamours ou diaboliques que le monde occidental a forgé dans nos esprits, ces créatures-là descendent des bébés portés par des femmes destinées à l'esclavage qui ont été jetées par-dessus bord lors des traversées vers le Nouveau Monde. Les Wajinrus sont donc quelque part dans la mer au milieu de nulle part, ni ici ni ailleurs et n'ont pas de souvenirs dans leur majorité, à l'exception de Yetu qui a reçu le Don de Mémoire, qui la fait d'ailleurs atrocement souffrir.

J'aimais beaucoup ces idées présentées sur la quatrième de couverture et dans les toutes premières pages du récit. Les critiques positives dans l'ensemble avaient attisé mon enthousiasme, mais malheureusement cette lecture n'a pas du tout été à la hauteur des attentes que j'avais.

Si effectivement il y a beaucoup de bonnes idées sur le fond comme le rapport des individus à la mémoire, le lien entre corps et mémoire, l'aspect matriarcal de cette "tribu", la métaphore de la gestation de l'être humain dans le ventre de sa mère (l'eau des profondeurs de la mer) et bien d'autres encore, la construction du récit et l'écriture m'ont profondément ennuyée.

Cette écriture qui se veut imiter une certaine forme d'oralité proche des conteurs africains traditionnels donnent une dimension presque incantatoire au récit qui n'aide pas toujours à suivre le propos de l'auteur. Les dialogues ont quelque chose de très nébuleux comme des vagues souvenirs d'un rêve au réveil. Sur le papier, ces idées sont certes originales mais je n'ai pas trouvé cela agréable à lire. A mon goût il y a de quoi s'y perdre en tant que lecteur et on reste trop en surface des choses sans accéder réellement à la psyché profonde des personnages ni au fond des problèmes évoqués pour leur préférer des descriptions rapides de situations très générales qui ne font pas avancer le récit et n'emportent pas le lecteur. A aucun moment je n'ai été pas interpellée par les propos ou la mise en scène des enjeux abordés dans le récit.

Bref, ce fut une déception et c'est frustrant.
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Je ne serais jamais allé naturellement vers ce type de roman. C'est à la suite de chroniques élogieuses glanées dans les magazines et sur mes blogs préférés que je me suis intéressé à son cas. Moi qui aime bien sortir de ma zone de confort de temps en temps, j'ai été gâté !

N'étant pas un adepte du genre SF, je suis rentré à tâtons dans ce texte. Mais très rapidement, j'ai été comme hypnotisé. Mon esprit est parti pour ce voyage dans les profondeurs, à la rencontre de ces créatures mystérieuses, à la fois si proches et si différentes de nous. Pris dans le piège, je l'ai presque lu d'une traite tant j'étais pris par l'atmosphère.

Cette aventure marine, aussi fantastique soit-elle, est chargée de métaphores et délivre plusieurs messages implicites. Il aborde de manière figurée l'appartenance à un groupe, l'acceptation de la diversité et les ravages écologiques, le tout en moins de 200 pages. La puissance du propos repose sur cette concentration d'émotions et de sensations.

En jouant sur les antagonismes entre les deux races (les Wajinrus, peuple des abysses et les deux-jambes, peuple de la terre), le livre se pose des questions quant à notre rapport au passé : Est-ce que l'on doit se servir de notre Histoire ? Est-ce que c'est notre passé qui nous construit ? Ou alors, est-ce que pour être soi-même, il faut se détacher de nos ancêtres ? L'auteure nous fait réfléchir sur la valeur de notre passé et l'impact qu'il a sur notre personne.

Je n'étais clairement pas un lecteur cible de ce type de conte mais la magie a fonctionné. Je suis tombé sous le charme de la plume poétique de Rivers Salomon. Elle m'a immergé dans son monde parallèle, loin des préoccupations quotidiennes et j'ai pris beaucoup de plaisir !
Lien : http://leslivresdek79.com/20..
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Une fois de plus, les critiques étaient unanimes, bourrées d'étoiles, j'avais donc très envie de découvrir ce roman fantastique qui parlait de mémoire, le tout sous couvert de métaphores et d'un univers peuplé de Wajinrus, un peuple de créatures sous-marine que l'on pourrait voir comme des sirènes (mais pas du port d'Alexandrie).

L'univers fantastique ne m'est pas imperméable, que du contraire, j'adore cet univers qui permet de nous parler de problèmes de notre monde sous couvert d'un univers qui n'est pas le nôtre, peuplé de magie…

Confortablement installée dans le canapé, un plaid sur les jambes, un chat reposant dessus, on peut dire que toutes les conditions étaient réunies pour que je passe un bon moment lecture.

Vous voulez savoir ? Je vous le donne en mille : je suis passée à côté de cette lecture d'une manière phénoménale, à tel point que je devais me promener dans les bois pendant que les personnages étaient sous l'océan. C'est vous dire mon décalage…

Le problème est survenu dès le départ, dès les premiers mots, les premières lignes et là, franchement, ça sentait déjà mauvais la future lecture foirée. Jamais je n'ai réussi à entrer dans cet univers, à me fondre dans les métaphores, à nager avec les Wajinrus, à ressentir leurs peurs, leur histoire, leurs codes…

Pour finir, j'ai sauté des paragraphes, puis des pages, et des pages et j'ai mis le cap sur la fin. Dommage pour moi, j'aurais mieux aimé apprécier le roman que de passer royalement à côté, mais c'est la vie.
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Un petit roman de science fiction très original, qui évoque la traite des Noires, notamment du fait historique terrible des négriers qui jetaient par dessus bord les esclaves noires enceintes.

En dehors du mythe fondé sur ce fait historique, j'ai bien aimé tout l'aspect sur l'héritage, le besoin de mémoire, le tiraillement entre se souvenir et souffrir, se souvenir mais se retrouvé coincé et écrasé par le poids de son appartenance, de son héritage au détriment d'une personnalité individuelle propre... J'ai apprécié ces différents points du vue autour de la mémoire, mais aussi du poids de l'héritage, qui doit être sûrement plus difficile à porter encore pour quelques peuples déracinés, oubliés.

Les Abysses portent bien son nom pour l'ambiance abyssale du roman, dans les ténèbres des océans, pour les créatures mythiques des sirènes et l'horreur réelle sur laquelle repose cette fiction.
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"Les abysses", c'est un roman fantastique qui n'est pas très long à lire (220 pages), avec de bonnes choses mais qui fut pour moi une lecture en demi-teinte.
Tout d'abord ce que j'ai aimé, le sujet en lui-même et les thèmes abordés, en l'occurrence une histoire de sirènes, descendantes des esclaves enceintes jetées par-dessus bord de navires négriers lors des traversées des océans.
Très bon sujet, bien abordé et de manière originale.
Le thème de la mémoire et du passage de savoir qui m'a beaucoup plu également.
J'ai malheureusement eu plus de mal avec les personnages, notamment "Yetu" que je n'ai pas trouvé attachante, plutôt même égocentrique et agaçante.
Puis ce quelque chose qui m'a rendu la lecture parfois confuse, une désorientation dans la temporalité du récit, et ce malgré une plume agréable.
Je sais que c'est un livre qui a trouvé son public, et que si vous cherchez une histoire de sirène originale vous devez tenter cette lecture, en espérant que vous adhérerez plus que moi a la forme et aux personnages.
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