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Critique de Eric75


José Carlos Somoza a intitulé son roman « Zigzag », titre traduit en français « La théorie des cordes ». Après l'avoir lu, je me demande encore bien pourquoi. Ce titre-alibi permet certes de colorer d'un vernis scientifique un techno-thriller dont l'action se déroule dans le milieu très sélect de la recherche fondamentale. La véritable théorie des cordes est une théorie encore en construction, mystérieuse, peu connue du grand public, se déclinant en multiples variantes, s'appuyant sur des conjectures et un formalisme essentiellement mathématique ; la théorie des cordes ne peut s'enorgueillir aujourd'hui d'aucune vérification expérimentale. On peut donc en dire ce que l'on veut…
José Carlos Somoza s'engouffre dans une double brèche : l'inexistence de projets expérimentaux, et le vide béant laissé par l'absence de roman explorant le sujet. Dans son roman, il lui suffit de renommer « théorie du séquoia » une nième théorie des cordes, qui peut bien s'accommoder d'une variante de plus, pour permettre à l'un de ses personnages d'en revendiquer la paternité, puis de donner une vague explication sur la lecture des cordes du temps – qui n'ont aucun rapport avec la véritable théorie, mais permettent à bon compte de visualiser le passé – et le tour est joué !
Je rassure définitivement celles et ceux qui se sont émus du titre français, se demandant s'il fallait s'y connaître un chouia en science physique pour pouvoir apprécier le roman et avoir un diplôme d'Harvard ou du M.I.T. en poche pour le comprendre… Que nenni !
Ce roman, au titre si « scientifique », est en fait un thriller de science-fiction. Mais quel thriller !
Il s'agit de mon premier Somoza. Et si le reste de sa production tient aussi bien la corde, ce ne sera sans doute pas le dernier.
Elisa Robledo peut se prévaloir de deux domaines d'excellence : la physique et… son physique. Sorte d'Angelina Jolie dotée du cerveau d'Einstein et d'Hawking réunis (non, ce n'est pas mon fantasme, mais c'est visiblement celui de Somoza), cette bombe atomique se balade plus souvent qu'à son tour en tenue légère, façon Lara Croft en débardeur et minishort, bravant la chaleur et le danger dans des laboratoires surchauffés situés au beau milieu de l'océan indien, dont la clim comme par un fait exprès tombe régulièrement en panne suite aux catastrophes en série dictées par le scénario. Sa mission : sauver sa peau et celle de ses camarades…
Or, Elisa n'était pas destinée à assumer le destin d'une aventurière provocante. Sa devise au début du roman pourrait être « pour vivre heureuse, vivons cachée ». Elle reste d'ailleurs un mystère pour ses collègues et amis qui ne comprennent pas pourquoi une personnalité si brillante et si parfaite se contente de donner des cours dans une (minable) école privée pour étudiants blasés. Elle tente de se faire oublier et occulte son passé.
Mais alors qu'elle croyait échapper à ce passé, celui-ci va ressurgir brutalement à la lecture d'un simple article de journal qui lui saute au visage tel un petit Alien Facehugger bondissant de son oeuf, et qui va bouleverser la suite de son existence. Car elle se sent désormais en danger de mort et décide de reprendre un combat abandonné dix années plus tôt.
José Carlos Somoza revisite avec panache le mythe de Frankenstein, qui lui-même revisitait le mythe de Prométhée (vous me suivez ?). Avec le « Prométhée moderne » de Mary Shelley, l'homme défie Dieu en créant la vie, et la Créature se retourne contre son créateur. Somoza reprend le même thème et invente l'une des créatures les plus terrifiantes – et je pèse mes mots – de la science-fiction actuelle : j'ai nommé Zigzag, qui peut faire passer le Gritche d'Hypérion pour un vulgaire assemblage de boîtes de conserves et les monstres de la mythologie lovecraftienne pour une famille d'aimables batraciens annonçant la météo. Zigzag est un être pervers et cruel, d'origine mystérieuse, aux desseins insondables, aux pouvoirs illimités, qui semble être doué d'ubiquité et développer une inexplicable addiction aux carnages sanguinolents, ciblant notre groupe de scientifiques de haut niveau.
Les scientifiques ont ouvert la boîte de Pandore, et ils vont s'en mordre les doigts.
Les commanditaires de l'opération ont évalué les profits potentiels d'une telle arme de destruction massive, et ils souhaitent ne pas en rester là, il suffirait de poursuivre les recherches, de maîtriser la bête et tout ira bien. Humm… à votre avis ? Zigzag mettra rapidement fin à ces illusions.
Mais d'où vient ce Zigzag ? Qui l'a créé ? Jusqu'au bout, on ne saura presque rien sur son origine, et c'est bien sur cette ultime énigme que les scientifiques survivants devront se pencher s'ils veulent parvenir à sauver leur peau. Une seule certitude : Zigzag est le fruit de leurs expériences passées sur la théorie du séquoia. Mais la recherche de la vérité va s'avérer d'autant plus complexe et difficile à mener que les chercheurs en question seront décimés les uns après les autres.
Avant d'embarquer dans la lecture de ce roman, assurez-vous de la fermeture de vos portes et de vos fenêtres, et glissez le plus gros couteau de votre cuisine sous votre oreiller. La théorie des cordes est un roman qui accroche d'emblée le lecteur et propose plusieurs niveaux de lecture (le thriller proprement dit, une réflexion sur l'éthique scientifique, une autre sur la nature humaine…) ; José Carlos Somoza aime les intrigues bien ficelées et possède assurément plusieurs cordes à son arc.
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