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Critique de Apoapo


José Carlos Somoza confirme sa vocation de charmeur de serpent. Son instrument : extraire d'un univers inattendu (la littérature, les arts plastiques, la philosophie, la physique) quelques idées ou quelques concepts de fiction, mais à peine, et les appliquer ailleurs, dans un univers reconnaissable dans le quotidien du lecteur, quelle que soit l'époque où l'action se déroule, où ils germent en une succession haletante de monstruosités. Recette invariable. Et l'on s'y laisse prendre invariablement.

Ici, l'univers, c'est le théâtre de Shakespeare. Et personne n'ignore que sa richesse en a fait surgir des dizaines de lectures ésotériques et secrètes. Un chapitre du roman par pièce et par illustration des concepts.
Les concepts ont trait à la psychologie du désir, "épicentre de notre psyché". le "psynome" est comme le génome : chaque être humain en possède un type, et un expert pourrait les reconnaître et les classer en un ensemble de nombre réduit. Ce qui caractérise le psynome, c'est d'être irrésistiblement attiré par un désir, appelé "philia" et possédant des dénominations séduisantes, qui peut être convoqué par des techniques théâtrales : gestes, scènes, visions d'un fragment de peau, évocation d'un sentiment, posture, costumes, intonation de la voix, fragment de texte récité... cela s'appelle un "masque". L'apparition d'un masque évoquant sa philia spécifique rendrait le spectateur entièrement impuissant, incapable du moindre acte de volonté, submergé par une vague écrasante et irréversible de plaisir, "accroché" à, voire "possédé" par l'acteur comme sous hypnose, quitte à ce que celui-ci décide de lui provoquer une "disruption". [Étonnant abîme de toute vision romantique de l'amour... Postmodernité, que je t'aime !]
Tout cela, Shakespeare l'aurais su et crypté dans ses pièces. Cinq siècles plus tard, des unités très pointues des bureaux de police de différents pays l'utiliseraient dans la formation d'agents appelés des "appâts", chargés d'accrocher et de neutraliser terroristes et tueurs en série. Des expériences sont menées pour toujours perfectionner les techniques...
La narratrice est un "appât". L'histoire semble être celle de sa chasse contre un tueur en série. Mais les quelques 35 opus du canon shakespearien sont complexes et riches en rebondissements : cela n'est pas un mystère !

[ma notation de ce livre a augmenté depuis la première rédaction de la critique, car je m'aperçois que je reviens souvent à la notion de "philia", dans des réflexions sérieuses]
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