Il faut que je te dise une vérité, Priya : il n'y avait que papa qui était un vrai instituteur. Il avait fini le secondaire et postulé pour être enseignant. Par la suite, il a passé l'équivalent de l'examen de fin d’École Normale ; alors les autres instituteurs l'ont bombardé directeur . Mais maman n'a étudié que jusqu'en quatrième, et j'ai appris plus tard que, si elle est venue nous enseigner, c'est qu'on manquait d'instituteurs quand l'école s'est ouverte. N'importe qui pouvait être instituteur ; il suffisait de savoir lire et écrire couramment.
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On avait beau croire que le torrent n'avait pas changé, l'eau n'était plus la même. Il suffit de détourner la tête et puis de regarder de nouveau : l'eau n'est déjà plus la même. Priya, l'eau du torrent s'écoule en permanence, l'eau que l'on voit est aussitôt passée ; on n'est même pas capable de courir à sa suite et de la récupérer au creux de la main pour la faire s'écouler de nouveau.
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A l'époque, combien y avait-il de familles qui savaient ce que c'était que le dentifrice ? La plupart se brossaient encore les dents avec de la cendre. Les jours où l’instituteur annonçait une inspection des dents, lors de la mise en rang du lendemain matin, tout le long du chemin qu'on prenait pour aller à l'école on voyait de monceaux de feuilles râpeuses arrachées aux rotsoukone : c'étaient les gosses aux dents entartrées qui s'en servaient pour se les nettoyer.
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Priya... Rien ne dure, rien ne retourne à la source... Et plus je grandissais, plus j'en étais convaincu. Même si papa revenait, la maison ne serait plus la même, maman ne serait plus la même. De la même façon, Priya, les militaires étaient apparus pour un jour pour s'en aller ; les patriotes dans la montagne étaient apparus pour un jour disparaître ; mais rien ne serait plus comme avant ; le courant ne remonte jamais la pente.
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Papa, debout, soufflait dans son saxo. Maman assise adossée à la rambarde ne bougeait pas. Quand je me suis approché, elle a eu un sourire âpre tout en m'attirant vers elle pour que je m'assoie dans son giron. Elle m'a caressé la tête doucement.
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Priya... Nous n’avons pas moyen de savoir ce que nos actes d’aujourd’hui nous vaudront demain. Il suffit de se détourner pour que le présent soit déjà le passé, alors même que nous sommes projetés vers l’avenir. Priya, est-ce que tu peux comprendre ? Si nous faisons une erreur aujourd’hui, en un rien de temps nous nous retrouverons en train d’en souffrir le lendemain et incapables en plus de retenir ce qui fut hier.
On avait beau croire que le torrent n'avait pas changé, l'eau n'était plus la même.
[...]
Priya... Rien ne dure, rien ne retourne à la source... Et plus je grandissais, plus j'en étais convaincu.
[...] ; le courant jamais ne remonte la pente.
Priya... Nous n'avons pas moyen de savoir ce que nos actes d'aujourd'hui nous vaudront demain. Il suffit de se détourner pour que le présent soit déjà le passé, alors même que nous sommes projetés vers l'avenir.
Tu ne sais pas à quel point, lorsqu'on est loin, la nostalgie qu'on a chez soi peut être forte.
Le temps détruit toutes choses.
Tout change, Priya. Sauf que nous n'avons pas eu de chance, à voir toutes choses changer pour le pire.