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Critique de gavarneur


Fugit irreparabile tempus*

Sous le pont Mirabeau coule la seine. Dans le sud de la Thaïlande coule un torrent. C'est le même temps qui s'écoule, mais pas vraiment la même nostalgie.
Dans cette longue nouvelle de Kanokphong Songsomphan, les doux souvenirs de l'enfance sont mêlés à ceux, dramatiques, de l'éveil à l'amour et d'une révolution ratée. Et le narrateur, incapable de les séparer, ne sait s'il veut revivre son passé ou l'oublier. C'est dit dès les premières lignes du texte :

« Pourquoi est-ce que je ne me souviendrais pas de toi, Priya, alors que tu es le souvenir que j'essaye d'oublier le plus de tous les souvenirs que j'ai de la maison natale ? Priya, as-tu jamais entendu dire que la vie qui passe est un cauchemar ? Je sais que c'est la vérité qui la rend nocive. le passé nous détruit, maman ne cesse de me dire : il faut oublier hier pour qu'il fasse beau demain. Mais qui a jamais pensé de la sorte ? Même maman... »

Le récit débute comme une incantation, un exorcisme, puis commence par décrire une enfance heureuse à la campagne. Nous découvrons une vie de jeune garçon, comme dans un tableau pointilliste où les taches font sens petit à petit quand on recule. Tout n'est pas rose, et le petit enfant, comme tous les enfants du monde, se demande si sa maman l'aime, quand elle le punit. Mais il y a des moments de douceur, de bonheur, en particulier par la musique. Les rapports familiaux sont remémorés par un adulte qui reconstitue ses pensées enfantines. Petit à petit, des éléments extérieurs à la famille interviennent, et, comme le dit la 4e de couverture : « un amour d'adolescents tourne au tragique tandis que, dans les montagnes environnantes, une insurrection tourne court ».
L'essentiel est juste suggéré, seul un geste de vengeance affreux est presque décrit.

Dans la fin du texte le narrateur, adulte et loin de son village natal, torturé de culpabilité, incapable de se pardonner ni de se faire pardonner, revient aigrement sur l'irréversibilité du temps et sur la douleur du souvenir.

Les éditions Gope proposent une sélection de textes de l'Asie du sud-est et m'ont offert ce livre par Babelio et Masse Critique. Je les en remercie, je voulais découvrir un petit morceau de littérature Thaïlandaise et ce livre m'a beaucoup intéressé et plu, bien que le sujet ne soit pas très gai.
C'est une supplique, dont le narrateur sait qu'elle ne sera pas comprise, et même pas lue par sa destinataire. Est-elle même un acte thérapeutique, quand la culpabilité est ineffaçable ?

L'essentiel pour moi, au-delà de la description vivante de la vie rurale dans le sud de la Thaïlande dans les années 70, est la belle construction du texte, qui sollicite efficacement l'attention, l'intelligence et la sensibilité du lecteur tout au long d'un parcours de vie douloureux.

*Virgile, géorgiques, une des citations préférées de mon père.
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