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EAN : 9791091328340
154 pages
Gope éditions (09/09/2016)
3.88/5   8 notes
Résumé :
Dans le Sud profond de la Thaïlande des années 70, un amour d’adolescents tourne au tragique tandis que, dans les montagnes environnantes, une insurrection tourne court. Narrée sur le ton du repentir et du regret, cette lente prise de conscience des soubresauts du monde et de la chair n’exclut pas l’humour.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Fugit irreparabile tempus*

Sous le pont Mirabeau coule la seine. Dans le sud de la Thaïlande coule un torrent. C'est le même temps qui s'écoule, mais pas vraiment la même nostalgie.
Dans cette longue nouvelle de Kanokphong Songsomphan, les doux souvenirs de l'enfance sont mêlés à ceux, dramatiques, de l'éveil à l'amour et d'une révolution ratée. Et le narrateur, incapable de les séparer, ne sait s'il veut revivre son passé ou l'oublier. C'est dit dès les premières lignes du texte :

« Pourquoi est-ce que je ne me souviendrais pas de toi, Priya, alors que tu es le souvenir que j'essaye d'oublier le plus de tous les souvenirs que j'ai de la maison natale ? Priya, as-tu jamais entendu dire que la vie qui passe est un cauchemar ? Je sais que c'est la vérité qui la rend nocive. le passé nous détruit, maman ne cesse de me dire : il faut oublier hier pour qu'il fasse beau demain. Mais qui a jamais pensé de la sorte ? Même maman... »

Le récit débute comme une incantation, un exorcisme, puis commence par décrire une enfance heureuse à la campagne. Nous découvrons une vie de jeune garçon, comme dans un tableau pointilliste où les taches font sens petit à petit quand on recule. Tout n'est pas rose, et le petit enfant, comme tous les enfants du monde, se demande si sa maman l'aime, quand elle le punit. Mais il y a des moments de douceur, de bonheur, en particulier par la musique. Les rapports familiaux sont remémorés par un adulte qui reconstitue ses pensées enfantines. Petit à petit, des éléments extérieurs à la famille interviennent, et, comme le dit la 4e de couverture : « un amour d'adolescents tourne au tragique tandis que, dans les montagnes environnantes, une insurrection tourne court ».
L'essentiel est juste suggéré, seul un geste de vengeance affreux est presque décrit.

Dans la fin du texte le narrateur, adulte et loin de son village natal, torturé de culpabilité, incapable de se pardonner ni de se faire pardonner, revient aigrement sur l'irréversibilité du temps et sur la douleur du souvenir.

Les éditions Gope proposent une sélection de textes de l'Asie du sud-est et m'ont offert ce livre par Babelio et Masse Critique. Je les en remercie, je voulais découvrir un petit morceau de littérature Thaïlandaise et ce livre m'a beaucoup intéressé et plu, bien que le sujet ne soit pas très gai.
C'est une supplique, dont le narrateur sait qu'elle ne sera pas comprise, et même pas lue par sa destinataire. Est-elle même un acte thérapeutique, quand la culpabilité est ineffaçable ?

L'essentiel pour moi, au-delà de la description vivante de la vie rurale dans le sud de la Thaïlande dans les années 70, est la belle construction du texte, qui sollicite efficacement l'attention, l'intelligence et la sensibilité du lecteur tout au long d'un parcours de vie douloureux.

*Virgile, géorgiques, une des citations préférées de mon père.
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[...]

À travers des souvenirs de son enfance, qu'il se remémore pour la fameuse Priya qui donne son titre à la nouvelle et dont on ne sait au départ rien du tout, et qu'il remonte petit à petit le cours du temps jusqu'à arriver aux jours présents, le narrateur nous dépeint l'histoire d'une famille, la sienne, d'un village, celui où il a grandi, mais aussi d'un peuple et d'une révolution. le tout à travers les yeux d'un enfant qui ne comprend rien aux enjeux de qui se passe sous son nez.

Si tout, au début, semble aller bien, avec l'école, les instituteurs, les cours de trompette, la musique jouée par le père qui fait du village un endroit si agréable, la rudesse de la mère qui pourtant pense à ses enfants plus qu'à elle-même et la rivalité fraternelle qui unit autant qu'elle oppose le narrateur et son frère, temps finit par passer et plus les pages se tournent, plus se dessinent sous nos yeux les prémisses de gros changements à venir.

Il y a d'abord le fantôme retrouvé flottant dans la rivière, puis les escapades nocturnes du père, les disputes, l'angoisse et enfin les militaires.
À mesure que le narrateur grandit les ennuis deviennent plus concrets. Ne les avait-il pas remarqué plus tôt à cause de son jeune âge ou la vie était-elle vraiment en train de changer ?

Dans ce maelstrom d'émotions, de craintes et de sentiment d'injustice, il y a pourtant une chose immuable qui rassure, un phare dans l'obscurité qui s'installe. La présence de Priya. Priya, si douce, si belle. Priya, pas vraiment une soeur, pas vraiment autre chose non plus. Son prénom, répété inlassablement tout du long donne à cette nouvelle un air de poésie, la transforme en danse légère et intime.

À mesure qu'il grandit, le narrateur prend conscience des sentiments qu'il nourrit à son égard. Bien que nous l'ayons compris depuis longtemps, lui, s'en rend compte presque par hasard.
Et on s'imagine alors qu'une fin heureuse est possible. Avant de se rappeler que cette histoire est en quelque sorte une lettre qu'il lui envoie.
Vient alors l'angoisse, pourquoi cette histoire ne peut-elle pas bien se finir ? Que va-t-il encore se passer pour envoyer en l'air leur bonheur naissant ?

Malgré tous les problèmes que va rencontrer le narrateur, bien que les histoires vraies manquent bien souvent de magie et que je m'en désintéresse très rapidement, je dois reconnaitre que j'ai beaucoup aimé ce livre.

L'écriture, en tout cas la traduction, est très agréable. On s'attache rapidement, aussi bien au narrateur qu'à Priya ou à la large galerie de personnages qu'on rencontre. le rythme quoique posé est très bon, l'auteur arrive en quelques pages à peine à nous intéresser et on l'écoute finalement nous raconter ses souvenirs en ressentant autant d'affection pour lui que s'il était un ami très cher. Je regrette une petite baisse de régime dans les toutes dernières pages que j'ai trouvées moins chantantes. Alors que jusque là même les thèmes difficiles avaient été abordés avec cette même poésie les dernières pages semblent avoir été traduites par une autre personne. C'est dommage car ça nous sort un peu de l'histoire à quelques pages à peine de la fin.

Malgré ce tout petit problème c'est une lecture dont je garde un très bon ressenti et j'espère voir d'autres textes de cet auteur traduits un jour.
Lien : http://kobaitchi.com/priya-k..
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Empruntée pour valider la Thaïlande sur le challenge Globe-Trotteurs 2021, je découvre cette longue nouvelle racontée de façon originale. L'auteur utilise la première personne du singulier pour faire parler le narrateur, dont nous ne connaîtrons jamais le prénom.
Récit bilingue thaï/français traduit par Marcel Barang.

Dans le sud de la Thaïlande, en pleine insurrection communiste thaï et malaisienne, l'homme se souvient de son enfance, en parlant à Priya, celle qui a partagé sa jeunesse, recueillie par ses parents. Ils vont voir tous deux un sentiment amoureux naître, alors que pendant ce temps-là les parents sont dans la tourmente du fait des évènements climatiques (torrent) et politiques.
Les évènements ne sont pas clairement exposés, on devine ce qu'il se passe dehors au travers des yeux et des découvertes du garçon.
L'auteur a su mêler suspense narratif, émotion et humour par le biais du point de vue du garçon qui ne comprend pas tout ce que font les grandes personnes, ni pourquoi, au point de se sentir coupable et/ou mal-aimé.
D'autant plus qu'il est en conflit permanent avec son frère.
Il fait le constat amer qu'avec le temps, tout change, que ce soit la nature, l'environnement, ou bien les êtres humains.
Il est nostalgique de son début d'enfance innocente bercée par la musique, et par les moments passés avec Priya. Il va nous livrer sa descente aux enfers vers la peur, la tristesse et la culpabilité.

Le récit est d'autant plus émouvant qu'il est conté via les souvenirs d'enfances de cet homme.
Impossible de ne pas avoir envie de savoir ce qu'est devenue la fameuse Priya et le narrateur et sa famille : la fin est d'ailleurs mouvementée.
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Ce livre, comme le sous-titre l'indique, est une version bilingue, thaï-français. Bien que je ne parle ni ne lise le thaïlandais, j'ai apprécié retrouver cette langue sur la page de gauche et la traduction française sur la page de droite. Je trouve que c'est un vrai plus pour qui se lance dans l'apprentissage de la langue et veut tester ses progrès.
Si je trouve le même genre en japonais ou en coréen, ça serait super ! :D

Si je devais donner un petit bémol, côté français, c'est que parfois j'aurais aimé plus de notes explicatives de l'éditeur par rapport à certaines choses, pour mieux les situer, les comprendre, comme par exemple plus de détails sur cette révolution.
Pour le bémol côté thaï, je dirais que l'auteur, à force de faire des sous-entendus, m'a un peu perdue. Je ne savais plus quoi croire ni dans quelle direction il voulait aller. Une fois le livre refermé, j'ai tout de même eu pas mal de réponses à mes questions, mais pas à toutes. Comme par exemple le rôle des "autres livres" dans l'histoire. Pas pour l'enfant (j'ai bien compris ce point lol), mais bien pour les adultes. Pourquoi y en avait de plus en plus ? Nan, parce que je me suis imaginée plein de choses moi.

Pour parler plus précisément, ici nous sommes sur une nouvelle où un homme nous livre ses souvenirs d'enfance sous forme de lettre à Priya, jeune fille un peu plus âgée que lui et élevée dans sa famille comme sa soeur. Il y retransmet ce qu'il voyait et ressentait avec ses yeux et son coeur d'enfant, les moments joyeux remplis de musique, les moments pénibles où il fallait accomplir les taches quotidiennes, les moments de douceurs passés avec Priya, les moments d'incertitude et de tristesse avec son père, les moments de découvertes, les moments d'horreur avec les "fantômes" de la rivière, les moments d'incompréhension qui vont augmenter avec le temps...

C'est un enfant comme les autres mais qui va vite comprendre que la vie et les adultes ne sont pas si simples à comprendre. Comme par exemple cette mère qui semble le battre assez souvent, pourtant, avec ses yeux d'adulte, il sait que c'était pour son bien ; comme ce père qui disparait mystérieusement et dont personne ne veut rien lui dire ; comme ces rumeurs qui vont finir par causer beaucoup de tort ; comme le fait que même les adultes font parfois des choses qu'ils ne sont pas censés faire ; comme sa famille, son peuple et cette révolte qui gronde dans le pays...

Tout au long de cette lettre, de ce plaidoyer, on lit et on sent résonner en nous le prénom de Priya, comme une petite poésie emplie de douceur, comme une amulette protectrice, comme un mantra rempli d'amour. Mais rien n'est jamais simple dans la vie, même en amour, et parfois on apprend à nos dépends que certains actes peuvent avoir de très fortes répercussions sur l'avenir... On termine sur une scène très forte, preuve d'un fort traumatisme passé.

Mais, au final, tente-t-il de convaincre Priya ou de se convaincre lui-même ?

En résumé, vous avez là une jolie nouvelle bilingue thaï-français très agréable à lire qui nous plonge en pleine Thaïlande, dans une maison au bord d'un torrent, dans le quotidien d'une famille rurale de la fin des années 70. Quotidien qui, petit à petit, va se retrouver complètement chamboulé et brisé par la révolte qui secoue le pays. La plume est agréable, oscillant parfois entre philosophie et poésie, mais en restant toujours abordable.
A découvrir si le genre vous tente. ^^
Lien : http://booksfeedmemore.eklab..
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Kanokphong Songsomphan , trop tôt disparu , nous livre ici une petite merveille , un petit bijou d'écriture . Quoique beaucoup de ses écrits aient été traduits en anglais et en japonais il s'agit à ma connaissance de la première traduction en français de son oeuvre et c'est une réussite que l'on doit à Marcel Barang !! le récit se passe dans le sud profond de cette Thaïlande peu connue du monde et encore moins des touristes à la fin des années 70 , époque où les forces communistes thaïlandaises avaient pris les armes contre l'état central et déjà les explosions et les morts … Un homme face à sa mort violente qui se devine être un rêve ( mais est ce vraiment un rêve …..) se souvient de sa vie ,de son enfance , de son amour impossible et pourtant partagé pour Priya , de la vie dure souvent dans cette Thaïlande rurale en lutte et malgré tout pleine de tendresse , de joie et d'espérance en un avenir souriant . Un récit plein de nostalgie également pour une manière de vivre qui déjà n'existe plus qu'en souvenir. Un passé merveilleux et amer . Ce conte initiatique du passage de l'enfance à l'âge adulte mêlant adroitement humour et émotion est réellement une bouffée d'air frais et de tendresse malgré la violence qui accompagne les personnages de ce récit . le genre de lecture prenante dont les protagonistes me hanteront longtemps encore après l'avoir refermé le livre . Petite particularité encore cet ouvrage est une édition bilingue , c'est-à-dire que face au texte français se trouve le texte original en thaïlandais .
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Il faut que je te dise une vérité, Priya : il n'y avait que papa qui était un vrai instituteur. Il avait fini le secondaire et postulé pour être enseignant. Par la suite, il a passé l'équivalent de l'examen de fin d’École Normale ; alors les autres instituteurs l'ont bombardé directeur . Mais maman n'a étudié que jusqu'en quatrième, et j'ai appris plus tard que, si elle est venue nous enseigner, c'est qu'on manquait d'instituteurs quand l'école s'est ouverte. N'importe qui pouvait être instituteur ; il suffisait de savoir lire et écrire couramment.
Page 15
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A l'époque, combien y avait-il de familles qui savaient ce que c'était que le dentifrice ? La plupart se brossaient encore les dents avec de la cendre. Les jours où l’instituteur annonçait une inspection des dents, lors de la mise en rang du lendemain matin, tout le long du chemin qu'on prenait pour aller à l'école on voyait de monceaux de feuilles râpeuses arrachées aux rotsoukone : c'étaient les gosses aux dents entartrées qui s'en servaient pour se les nettoyer.
Page 15
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On avait beau croire que le torrent n'avait pas changé, l'eau n'était plus la même. Il suffit de détourner la tête et puis de regarder de nouveau : l'eau n'est déjà plus la même. Priya, l'eau du torrent s'écoule en permanence, l'eau que l'on voit est aussitôt passée ; on n'est même pas capable de courir à sa suite et de la récupérer au creux de la main pour la faire s'écouler de nouveau.
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Priya... Rien ne dure, rien ne retourne à la source... Et plus je grandissais, plus j'en étais convaincu. Même si papa revenait, la maison ne serait plus la même, maman ne serait plus la même. De la même façon, Priya, les militaires étaient apparus pour un jour pour s'en aller ; les patriotes dans la montagne étaient apparus pour un jour disparaître ; mais rien ne serait plus comme avant ; le courant ne remonte jamais la pente.
Page 101
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Priya... Nous n’avons pas moyen de savoir ce que nos actes d’aujourd’hui nous vaudront demain. Il suffit de se détourner pour que le présent soit déjà le passé, alors même que nous sommes projetés vers l’avenir. Priya, est-ce que tu peux comprendre ? Si nous faisons une erreur aujourd’hui, en un rien de temps nous nous retrouverons en train d’en souffrir le lendemain et incapables en plus de retenir ce qui fut hier.
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