Ce nom de
George Kaplan rappelle-t-il peut-être quelque chose aux cinéphiles ? Un avion d'épandage agricole qui s'écrase contre un camion citerne, ou bien encore, un couple fuyant sous les regards de pierre de quatre présidents américains taillés dans le roc : eh oui, il s'agit de : « La mort aux trousses » de ce cher
Hitchcock. Dans ce film,
George Kaplan est un personnage sans réalité qui est pourtant partout présent, c'est un fantôme fabriqué par les services secrets. C'est de ce spectre dont se saisit
Frédéric Sonntag pour sa pièce. Cette identité en suspension, ce mirage flotte dans l'air, tous croient l'utiliser pour leurs propres fin. La pièce se découpe en trois parties, à chacune d'elle correspond un groupe dont les âges et les positions sociales vont croissants. Dans la première partie un collectif de jeunes activistes projette la destruction du système par l'usage viral du nom :
George Kaplan. Quant à la seconde, sous la surveillance supposée de commanditaires invisibles, un staff d'auteurs et de scénaristes, toutes et tous entre deux âges, planchent sur les intrigues dont G. Kaplan serait le héros. Enfin la dernière regroupe les seniors du sommet de la pyramide, ce sont eux qui tirent toutes les ficelles du pantin : Kaplan, eh pourtant, il leur échappe. Hé voilà ! Rien n'y fait, ils ont beau s'épuiser en raisonnements, ils se retrouvent devant l'inconsistance d'une fiction qui s'auto-entretenait par le court-circuit, le larsen, la mise en abyme.
Ce texte illustre bien l'émergence et la dissémination des légendes informatiques qui prennent corps jusqu'à parfois atteindre des dimensions mondiales. Des mythes se créent, enflent et éclatent comme des bulles de savons. Cette incertitude, cette désorientation qui mène à la défiance et à la paranoïa,
Frédéric Sonntag en joue avec une virtuosité joviale ; il y a dans cette pièce des éléments comiques, burlesques voire vaudevillesques.
George Kaplan est un texte très riche qui mêlent les registres, du grave au léger, tout en maintenant une ligne narrative cohérente soutenue par une écriture inventive.