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Charles Guittard (Éditeur scientifique)Robert Pignarre (Traducteur)
EAN : 9782080710239
211 pages
Flammarion (01/01/1999)
3.89/5   1281 notes
Résumé :
La tragédie grecque dans toute sa splendeur

Antigone, fille d’Œdipe, s’apprête à braver l’interdit du roi de Thèbes en accomplissant les rites funéraires destinés à son frère, le paria Polynice. Pour ce geste, elle risque la mort. Mais c’est le prix à payer pour ce qu’elle estime être son devoir : envers l’amour qu’elle porte à son frère, envers les dieux. Son propre oncle, le roi Créon, ira-t-il jusqu’à la condamner en dépit des lois divines, non écr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (89) Voir plus Ajouter une critique
3,89

sur 1281 notes
C'est peu dire qu'Antigone est l'une des plus célèbres tragédies grecques (parmi celles qui nous sont parvenues, à savoir, fort peu, volontairement détruites au IIème siècle sous l'Empereur Hadrien par des autorités morales anonymes, les « pédagogues grammairiens », qui ont décidé lesquelles devaient être transmises à la postérité. de la sorte, ces éminences grises ont dégraissé Eschyle, Sophocle et Euripide, pour ne citer que ces trois-là, de 87 % de leurs productions, soit les 44 pièces survivantes sur 348 à l'origine).
Ainsi donc, parmi ces survivantes, Antigone n'est pas une tragédie canonique, mais LA tragédie canonique. Ce n'est pas pour rien qu'Hegel s'est appuyé en particulier sur celle-ci pour parler de la tragédie grecque en général.
Le poids du religieux dans la Grèce de Sophocle est difficile à appréhender de nos jours et c'est vraiment un exercice délicat que d'essayer de comprendre dans le détail les visées réelles de l'auteur. L'une des questions civiques et morales soulevée par la pièce est celle de l'obéissance à l'ordre émanant de la hiérarchie, même s'il va à l'encontre de nos convictions. Dit autrement, doit-on exécuter un ordre s'il est immoral ? Je doute que la lecture d'Antigone soit au chevet de beaucoup de nos militaires ou policiers, pourtant, c'est une vraie question. Il en va de même pour tout fonctionnaire. On sait ce que Vichy, pour ne parler que de ce régime, a été capable de faire. Les fonctionnaires de Vichy avaient-ils lu Antigone ? À méditer…
Voilà donc, Antigone, fille du célèbre Oedipe, qui vient de perdre ses deux frères bien aimés. L'un se battant pour Thèbes, l'autre contre. Thèbes obtient la victoire, et Créon, le roi de Thèbes, offre des funérailles dignes à celui qui a donné sa vie pour Thèbes, mais interdit qu'on laisse reposer l'autre frère selon les rites, car jugé comme traître, doit pourrir sur place ou être dévoré par des bêtes. Antigone, elle, refuse cette sentence et décide de braver l'interdit. Sa soeur, Ismène, elle, fait l'autre choix.
L'autre axe qui me semble majeur dans la pièce est celui de l'orgueil qui nous empêche de revenir sur une parole prononcée afin de ne pas « perdre la face ».
Je dirai simplement qu'à propos de faces perdues, Créon, se jugeant dans son bon droit, pour ne pas avoir voulu revenir sur sa décision risque d'en perdre bien d'autres de faces…
En somme, une bien belle tragédie, qu'il nous est parfois difficile de recontextualiser, mais dont certaines questions conservent toute leur raison d'être et leur verdeur, même après vingt-cinq siècles et quelques autodafés, mais cela n'est presque rien, tout juste mon minuscule avis, ma toute petite vérité, et j'aime autant laisser à Sophocle le mot de la fin :

"Ne laisse pas régner seule en ton âme l'idée que la vérité, c'est ce que tu dis, et rien d'autre. Les gens qui s'imaginent être seuls raisonnables et posséder des idées ou des mots inconnus à tout autre, ces gens-là, ouvre-les : tu ne trouveras en eux que le vide."
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La mort de deux frères s'entretuant au combat, va provoquer la condamnation à mort d'une jeune fille, puis... d'autres morts !
Le choeur: Entendez le vol des corbeaux au dessus du corps de Polynice! Entendez les croassements odieux!

- Je ne suis qu'une jeune fille, et n'ai pas connu l'amour d'un homme, mais j'irai, oui, j'irai recouvrir le corps de mon frère !
- Non Antigone, ma soeur ! Notre oncle, le roi Créon, l'a interdit, sous peine de mort!

Le choeur: Entendez Ismène, qui essaie de sauver sa soeur. Entendez Hémon, le fils du roi Créon, plaider pour sa fiancée. Entendez notre devin Tirésias, intervenir pour cette fille folle!
Entendez le Coryphée, le chef du choeur antique parler d'une affaire menée par les Dieux eux-mêmes...

-J'ai les mains en sang, les ongles arrachés, ma tunique est salie par le sang qui suintait encore du corps de Polynice. Mais, je l'ai tenu contre moi, j'ai peigné ses cheveux avec mes doigts, et je l'ai embrassé une dernière fois...
J'ai écarté les bêtes qui rôdaient, dans la nuit noire. On est venu me repousser! Mais, je suis revenu en rampant, pour tromper les gardes.
Et j'ai arraché, j'ai creusé la terre, pour recouvrir le corps de Polynice. C'était mon frère!
Si son corps n'est pas enterré, Polynice ne pourra reposer en paix... Son âme ne peut errer éternellement, les Dieux sont avec moi!

Dans cette tragédie, Créon ne peut pardonner car cette fille, même si c'est sa nièce, ne peut contredire un Roi. Il ne peut perdre la face!
Le maintien de l'ordre dans la cité, après la guerre, implique le calcul, le mensonge et... le cynisme.

Elle s'appelle Antigone, et elle va devoir être une Antigone, tenir son rôle, jusqu'au bout...
Elle ne pleurera pas, sauf pour son frère ! C'est une adolescente intransigeante, qui refuse la médiocrité et les compromissions...

Même quand elle connaîtra sa condamnation à mort, elle affirmera sa fidélité aux lois divines et morales qui dépassent la justice des hommes!
La liberté individuelle prime sur la loi des hommes et sur les décrets des Rois...

- Je suis faite pour partager l'amour, non la haine". Antigone de Sophocle.
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Quand faut y aller, faut y aller (ce qui pourrait être la devise d'Antigone, après tout). Mais c'est une souffrance toujours renouvelée que de m'attaquer à la critique d'une pièce de théâtre grec antique. C'est une joie et une souffrance (pour reprendre une célèbre réplique de Truffaut , qu'il a utilisée pour une mise en abyme dans un film sur le théâtre, soit dit en passant, ce qui n'a d'ailleurs strictement rien à voir avec Antigone).


Donc, souhaitant faire une pause du côté des suites désastreuses de la guerre de Troie, ne voilà-t-il pas que je me lance dans les malheurs innombrables des Labdacides. Qui valent largement ceux des Atrides, mais ça vous le saviez déjà.


L'histoire d'Antigone fait suite à l'histoire des Sept contre Thèbes. Oui, mais, me direz-vous, ne serait-ce pas Eschyle qui a composé Les Sept contre Thèbes ? Et Sophocle qui a composé Antigone ??? Bien sûr, vous avez raison. Mais il semble aujourd'hui établi que ce n'est pas Eschyle qui a écrit la fin des Sept contre Thèbes, mais une main anonyme, afin que la tragédie annonce la confrontation de Créon et Antigone. Nous ajouterons en passant qu'Euripide lui-même avait également composé une tragédie sur Antigone, ce dont nous nous fichons royalement ici, vu que la pièce est perdue. Ce qui importe, c'est qu'encore de nos jours, on se demande à quel point Antigone n'est pas un personnage créé presque de toutes pièces par Sophocle, étant donné qu'il est impossible de trouver quelque source que ce soit de cette pièce.


On va en profiter pour se remettre vite fait dans le contexte - que je connais peu, pour tout dire. Toujours est-il qu'en -441, date de composition d'Antigone, les débats allaient bon train en Grèce sur la législation, l'opposition entre les lois humaines, sociales, et les lois dites "naturelles", c'est-à-dire de nature religieuse. Eschyle prenait parti pour les lois religieuses, quand Euripide se fichait éperdument de celles-ci. Quant à Sophocle, il a toujours été en retrait de tels débats : là ne réside pas son intérêt, là n'est pas son propos. Et ici, c'est Antigone, la jeune fille déterminée à atteindre son but coûte que coûte, qui l'intéresse. On sait d'ailleurs que les dieux, chez Sophocle, sont des entités inatteignables, dont les lois sont incompréhensibles, dont les desseins ne peuvent pas être appréhendés par les humains. Il est donc bien plus intéressant pour lui de se consacrer au destin individuel d'un personnage, qui luttera jusqu'au bout, même si Sophocle est évidemment conscient des questionnements liés à l'époque et au respect des lois.


J'évoquais Les Sept contre Thèbes, je résume l'intrigue au minimum pour ceux qui ne l'auraient pas en tête. Après la mort d'Œdipe, ses fils, Écléon et Polynice, se partagent le pouvoir à tour de rôle pour gouverner Thèbes. Jusqu'au jour où Écléon décide de garder le pouvoir. Révolte de Polynice qui, avec d'autres chefs militaires, va essayer de renverser Écléon et de monter sur le trône. Les deux frères s'entre-tueront, mais seul Écléon aura droit à des funérailles, Polynice étant jugé comme traître à sa patrie par Créon, le nouveau souverain. C'est là que se termine la tragédie d'Eschyle (avec quelques petits ajouts, comme on l'a vu précédemment), et que peut commencer la tragédie d'Antigone.

Antigone, fille d'Œdipe et de Jocaste, décide donc, en dépit de l'édit de Créon, de préparer des funérailles pour son frère Polynice, dont le corps est exposé aux yeux de tous et voué à être dévoré par les bêtes. Il n'existe aucun dilemme chez Antigone : pour elle, les lois religieuses sont sacrées et outrepassent les lois de la cité, son frère mérite d'être enterré et peu lui importe la punition encourue. Elle sait depuis le départ qu'on va la condamner à mort pour sa désobéissance, mais non contente d'assumer son destin, elle le choisit en pleine connaissance de cause. C'est un personnage qu'on pourrait qualifier de nos jours de psycho-rigide, et même d'obsessionnel, tellement elle est fermée à toute discussion. Elle va même plus loin que ça : quand sa sœur Ismène préfère se conformer à l'édit du souverain, elle la renie presque. Antigone semble n'éprouver d'amour pour personne : sa sœur et son fiancé ne lui importent pas ; jamais elle ne prononcera le prénom de son fiancé Hémon, jamais elle ne souciera des conséquences que ses actes pourront provoquer - il faut bien se mettre en tête qu'elle a mis en danger Ismène en lui dévoilant son plan, et que celle-ci n'échappe que de très peu à la condamnation à mort pour complicité. Si elle invoque sans cesse les morts (Œdipe, Jocaste, Polynice, mais non Étéocle) et son désir de les rejoindre dans la tombe, c'est moins par amour (comme si ce sentiment lui était étranger et qu'elle était atteinte de psychopathie) que par le sens du devoir dont elle est certaine qu'il lui incombe ; mais aussi parce qu'elle ressemble à une ombre, plus proche des morts que des vivants.


Créon est l'opposé d'Antigone, son ennemi et l'antagoniste sans lequel elle n'aurait pas de raison d'être et d'agir. Malgré ses beaux discours du début, on constate vite qu'il est assoiffé de pouvoir, peu soucieux du bien du peuple, insensible même aux prières de son fils Hémon. Mieux, il envisage de faire mourir Antigone sous les yeux de celui-ci. Si Antigone est une psychopathe, lui a tout du sociopathe. Ismène, Hémon, jouent les rôles habituels des médiateurs, sans succès. le coryphée, étonnamment, au lieu de tempérer les disputes à l'aide du chœur, ne sait à qui se vouer et adopte sans vergogne le point de vue du dernier qui a pris la parole. Quant au chœur, il n'intervient pas directement, c'est à peine même s'il relate le contexte. Son rôle semble plus du côté de la mélopée, du spectacle, que de la participation à l'intrigue - mais peut-être est-ce dû à la traduction que j'ai lue, qui rend en tout cas aussi bien que possible l'ambiance d'une pièce de théâtre grecque antique sur scène.


Difficile de trouver personnage plus rigide, plus déterminé, plus maîtresse de son destin que cette jeune fille issue d'une famille harcelée par les dieux, mais qui jamais ne déviera du chemin qu'elle s'est tracé.
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Oedipe a quitté Thèbes mais pour autant, le calme n'est pas revenu. C'est Créon qui hérite du trône après que les deux fils d'Oedipe se sont entretués . Créon décide que Polynice, l'un des deux fils, ne mérite pas les honneurs funéraires. Antigone, soeur du défunt, ne supporte pas l'offense et décide de passer outre les ordres royaux.

Même si le niveau d'Oedipe roi n'est peut être pas atteint niveau tragédie , on est encore sur des niveaux que les auteurs actuels doivent hésiter à mettre en place pour ne pas entamer leur crédibilité. les Labdacides sont maudits , et bien comme il faut.
Au delà du destin familial, Antigone apparait comme une vraie pièce politique , le "doit on obéir à tous les ordres?' en toile de fond et sa réponse "Appartient il à l'opinion publique de nous dicter notre conduite ?".
De vraies questions , intemporelles, abordées ici rendant la position de Créon cornélienne bien avant l'heure !
Moins intemporelles, les querelles entre les Dieux du haut et ceux du bas et leur omniprésence dans la vie quotidienne.
Une pièce relue avec beaucoup de plaisir et qui m'entrainera assurément à nouveau dans la Grèce antique .
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Je viens de voir une représentation de « Antigone » de Sophocle. C'est peu dire que c'était une découverte tant je suis ignorant en théâtre grec classique. de plus ce n'était pas une représentation très « classique », puisque cela se passait au théâtre plein air de Saint-Gilles à la Réunion. Pour ceux qui connaissent, ce théâtre est situé sur les hauteurs de la ville, en forme d'hémicycle, en béton brut, très dépouillé. Sous les étoiles, on aurait pu vaguement se croire à Epidaure ou à Delphes. La scène, également très épurée, faite de caissons de bois et caisses plastique, avec ce qui pouvait faire penser, de loin à la façade d'une case créole. Et c'est justement ce mélange qui m'a paru intéressant, entre Grèce antique et culture afro créole. le texte, avait aussi été adapté, avec des dialogues et des chants en partie créoles. Cela n'aurait certainement pas déplu à Sophocle de voir sa pièce adaptée ainsi sous les tropiques. de plus le thème de l'obéissance à un tyran ou de suivre sa propre morale en en assumant toutes les conséquences, reste tout à fait d'actualité, il y a 2500 ans comme aujourd'hui et sous toutes les latitudes. Ce n'est pas sans rappeler parfois l'histoire de la Réunion, notamment la période de l'esclavage. Mais c'est une lecture peut-être un peu extrapolée de cette pièce. Voire… Les acteurs, magnifiques, Antigone et Créon resteront inoubliables, mais aussi les personnages secondaires clairement inscrits dans la créolité réunionnaise. Ce chef-d'oeuvre classique restera pour moi une des grandes découvertes culturelles de cette année.
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critiques presse (1)
Sceneario
07 février 2017
On se fait happer par cette tragédie intemporelle qui s’appuie sur une mise en image audacieuse.
Lire la critique sur le site : Sceneario
Citations et extraits (116) Voir plus Ajouter une citation
Quel charme la vie aura-t-elle pour moi, si je te perds ?
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CRÉON. À notre âge, souffrir qu'un jouvenceau nous donne des leçons de sagesse !
HÉMON. Ne retiens que ce qui est juste. Je suis jeune, c'est vrai, mais juge-moi sur mes actes, non sur mon âge.
CRÉON. La belle action, en vérité, que d'honorer des rebelles !
HÉMON. Je n'intercéderais pas pour des cœurs dépravés.
CRÉON. Eh ! ce n'est pas justement le cas de cette fille ?
HÉMON. Le peuple de Thèbes est unanime à le nier.
CRÉON. Appartient-il à l'opinion publique de nous dicter notre conduite ?
HÉMON. Ne vois-tu pas que tu parles là comme un jeune homme ?
CRÉON. Ce n'est pas pour moi, peut-être, que je dois gouverner ?
HÉMON. De cité faite pour un seul, il n'en existe pas.
CRÉON. N'est-ce pas un principe reconnu que la cité appartient au souverain ?
HÉMON. Il ferait beau te voir régner sur un désert.
CRÉON. Ce garçon, à ce qu'il me semble, fait cause commune avec la femme.
HÉMON. Est-ce donc toi la femme ? C'est ton intérêt que je défends.
CRÉON. Misérable ! En faisant le procès de ton père ?
HÉMON. C'est que je te vois prêt à commettre une injustice.
CRÉON. Je commets une injustice quand je fais respecter mon pouvoir ?
HÉMON. Tu le fais mal respecter si c'est aux dépens des dieux.
CRÉON. Ah ! vile nature, qu'une femme asservit !
HÉMON. Tu ne me trouveras point asservi à des sentiments bas.
CRÉON. Tous les mots que tu dis ne sont que pour elle.
HÉMON. Et pour toi aussi, et pour moi, et pour les dieux infernaux.
CRÉON. Cette femme, non, jamais tu ne l'épouseras vivante.
HÉMON. Elle mourra donc, mais de sa mort, un autre périra.
CRÉON. Tu as le front de me menacer, maintenant ? Tout beau !
HÉMON. Où vois-tu que je te menace ? Je ne fais que répondre à tes pauvres raisons.
CRÉON. Pauvre cervelle toi-même, il va t'en cuire de tes remontrances !
HÉMON. Si tu n'étais mon père, je dirais que c'est toi qui as le cerveau troublé.
CRÉON. Vil jouet d'une femme, ne me romps plus la tête.
HÉMON. Tu t'étourdis de paroles pour t'empêcher de m'entendre !
CRÉON. Vraiment ? Par l'Olympe, tu vas payer cher tes reproches insolents. (À un serviteur.) Amène cette odieuse fille ; je veux la faire périr, séance tenante, sous les yeux de son fiancé.
HÉMON. Cela, vois-tu, n'y compte pas : elle ne mourra pas sous mes yeux. Et toi, tu n'auras plus jamais à souffrir de ma présence. Donne ta folie en spectacle à tes courtisans.

Troisième épisode
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ISMÈNE. Mais, ma pauvre amie, si les choses en sont là, que je m'en mêle ou non, à quoi cela nous avancera-t-il ?
ANTIGONE. Vois si tu peux prendre ta part de risques dans ce que je vais faire.
ISMÈNE. Quelle aventure veux-tu donc courir ? Quel est ton projet ?
ANTIGONE. Je veux, de mes mains, enlever le corps. M'y aideras-tu ?
ISMÈNE. Quoi ! tu songes à l'ensevelir ? Mais c'est violer l'édit !
ANTIGONE. Polynice est mon frère ; il est aussi le tien, quand tu l'oublierais. On ne me verra pas le renier, moi.
ISMÈNE. Mais, folle! et la défense de Créon ?
ANTIGONE. Créon n'a pas de droits sur mon bien.
ISMÈNE. Hélas, réfléchis, ma sœur. Notre père est mort réprouvé, déshonoré ; lorsqu'il s'est lui-même découvert criminel, il s'est arraché les yeux, et sa femme, qui était sa mère, s'est pendue. Et voici nos deux frères qui se sont entre-tués, ne partageant entre eux que la mort, les infortunés ! Demeurées seules, nous deux à présent, ne prévois-tu pas l'affreuse fin qui nous guette si nous enfreignons la loi, si nous passons outre aux édits et à la puissance du maître ? N'oublie pas que nous sommes femmes et que nous n'aurons jamais raison contre des hommes. Le roi est le roi : il nous faut bien obéir à son ordre, et peut-être à de plus cruels encore. Que nos morts sous la terre me le pardonnent, mais je n'ai pas le choix ; je m'inclinerai devant le pouvoir. C'est folie d'entreprendre plus qu'on ne peut.

Prologue
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Nombreuses sont les merveilles du monde,
Mais la plus grande des merveilles reste l'homme.
À travers la mer blanchissante,
Il court, le vent du Sud en poupe,
Il va, sous les vagues gonflées,
Dont le bruit l'environne.
Et la divinité qui ne cède à personne,
La terre inépuisable et porteuse de grains,
Au soc de ses charrues chaque année ramenées,
Il l'a usée et retournée
Avec les fils de ses poulains.

Le peuple des oiseaux légers,
Il le capture et l'emprisonne ; 

Les bandes des bêtes sauvages, 

Les tribus marines des vagues, 

Dans les replis de ses filets tressés, 

Il a cent ruses pour les prendre. 

Il dompte aux lacets de ses pièges

La bête fauve des hauteurs et des espaces, 

Et sous le double joug il mène

Le cheval au col chevelu, 

Et le fier taureau des montagnes.

Et le langage et la pensée ailée, 

Et l'esprit poli des cités, 

Il a appris à les connaître. 

Il sait fuir sous son toit les coups de la gelée, 

Et ceux de la pluie importune. 

Il est l'Être aux mille ressources,
Et jamais l'avenir ne le prend au dépourvu. 

Il sait l'art d'échapper aux maux inguérissables. 

Seul le pays des morts peut arrêter sa course.
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Antigone:
Oui, car ce n'est pas Zeus qui l'avait proclamé. Ce n'est pas la Justice, assise aux côtés des dieux infernaux. Non, ce ne sont pas là les lois qu'ils ont jamais fixées aux hommes, et je ne pensais pas que tes défenses, à toi, fussent assez puissantes pour permettre à un mortel des passer outre a d'autres lois non écrites, inébranlables des dieux!
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Vidéo de  Sophocle
SOPHOCLE — Entretien sur 'Antigone' avec les Bollack (France Culture, 2005) L'émission "Tire ta langue", par Antoine Perraud, diffusée le 25 janvier 2005 sur France Culture. Présence : Mayotte et Jean Bollack.
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