AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Victor-Henry Debidour (Traducteur)Francis Goyet (Éditeur scientifique)Albin Lesky (Préfacier, etc.)
EAN : 9782253067139
137 pages
Le Livre de Poche (01/01/1994)
  Existe en édition audio
3.79/5   1640 notes
Résumé :
Un mal mystérieux s’est abattu sur la ville de Thèbes. Ses terres et ses troupeaux sont frappés de stérilité. La population est décimée. Les femmes ne portent plus d’enfants. Le roi Œdipe, qui jadis, par sa clairvoyance, a sauvé la Cité et l’a rendue prospère, saura-t-il encore la tirer de l’abîme où les dieux l’ont aujourd’hui plongée ? Lui, qui parvint à déchiffrer l’énigme du Sphinx, pourra-t-il élucider l’oracle qui désigne l’auteur de tous ces maux et promet la... >Voir plus
Que lire après Oedipe roiVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (95) Voir plus Ajouter une critique
3,79

sur 1640 notes
En toute sincérité, cette pièce de Sophocle permet de mesurer l'étendue de la puissance évocatrice de la langue grecque dont elle est un des fleurons de l'âge d'or, ici versus athénien du Vème siècle avant l'ère commune.
Du haut de Oedipe roi, 25 siècles vous contemplent !
Ce texte est restitué en français dans une prose fidèle aux battements élégants du texte source. Avec une langue aussi belle que élégante, aux élans modérés par la raison et par le raisonnable qui sont sources ici chez Sophocle de grandeur et de respectabilité.
Malgré des sommets tragiques le ridicule est splendidement absent de ce texte qui y est pourtant bien exposé , de par ses transports émotionnels ,civiques et personnels extrêmes. Des transports qui se contentent pourtant ici d'êtres éloquents, parlants et riches d'enseignements sans êtres grotesques ,même rituellement ou moralement. Ce texte vous fera penser aussi à juste titre à la mythologie psychanalytique contemporaine mais je ne m'étendrais pas là-dessus (sourires).
Le théâtre grec à des sources totalement religieuses et il est en rapport avec le culte dionysiaque. Les représentations théâtrales sont littéralement un aspect du culte et progressivement un aspect majeur, très populaire et très élaboré du culte civique dans le cadre poliade.
L'auteur de théâtre n'a pas que du talent il est aussi porté par l'enthousiasme et l'inspiration au sens grec de ces termes. Ceci lui confère une certaine liberté et une certaine utilité sociale et religieuse.
Le titre grec fait référence à Tourannos ,c'est le texte en latin qui parle de Rex. le texte de Sophocle n'utilise pas le mot Basileus qui est le vocable pour parler du souverain royal légitime et en majesté en grec. Il emploie le mot de Tourannos qui dès la même époque évoquait déjà suffisamment (les lettres de Platon) en sciences politiques ce qu'évoque notre mot actuel de Tyran. Tourannos anciennement veut dire roi ,roitelet, potentat ,souverain mais le mot induit une certaine dépréciation et en tout cas il induit un déficit de grandeur considérable.
Donc cette titulature vous mettra peut-être la puce à l'oreille sur le fait que si vous avez dans l'idée de plaindre Oedipe vous pouvez le faire ,mais son destin l'entache dès le départ d'une aura de faillite structurelle et rituelle en tant que souverain.
Le choeur n'hésitera pas dans la confrontation d'Oedipe avec le devin à la fin de l'oeuvre à qualifier Oedipe de Tyran.
Dans le mythe originel ,Héra la déesse du foyer est très en colère car on a assassiné Laïos roi de Thèbes (au cent portes). Elle envoie donc le Sphinx ravager le territoire de la polis de Thèbes.
Oedipe va résoudre l'énigme du Sphinx et hériter du trône de la cité . Il n'est pas sans tache néanmoins même s'il l'ignore car sans le savoir il a épousé sa mère (Jocaste) après avoir tué son père Laïos.
Il y a là trois enseignements helléniques : le parricide et l'inceste sont des souillures « abominables » ,la souillure est indélébile et elle porte mécaniquement de l'efficience néfaste et fatale. le roi sert à protéger la cité du désastre mais il peut aussi causer sa perte.
Oedipe comme ses véritables parents avant lui seront les victimes d'une mauvaise interprétation de l'oracle de Delphes . Ils ne sont pas les victimes d'un manque de chance donc .
Le théos (le Divin qui à l'époque.classique ne signifie pas Dieu) est la cause de tout et il plane sur l'univers pour le meilleur et pour le pire. Ses effets résultent de la justice immanente (à chacun ce qui lui revient de par sa nature et non de par une égalité immanente et ontologique).
Les voies et les voix divines sont impénétrables car par sa nature un homme même savant ne peut appréhender la véritable nature des choses ( les connaitre) . C'est pour cette raison que la consultation des oracles est une science. Il est très périlleux d'improviser en la matière. Je le souligne ,c'est une véritable science qui est l'objet d'un enseignement spécialisé sérieux et réputé. Un savoir qui niche sa fonctionnalité notoire jusqu'aux plus hauts paliers de l'état.
Les spectateurs de Oedipe Tourannos compatirons donc avec ces gens qui crurent poussés par la nécessité , qu'ils pouvaient improviser dans l'interprétation des oracles ,les malheureux ! Voici pour un grec qui ajoute du drame par deux fois à la tragédie.
Les effets du Théos s'imposent aux dieux comme aux hommes d'ailleurs.
Trois personnes royales qui vont causer conformément à leurs êtres souillés, la perte de Thèbes aux cent portes, qui pour l'heure est terrassée par une peste impitoyable et donc par les flèches d'apollon.
Selon la version du mythe retenue par Sophocle Oedipe aura des enfants de sa mère (d'une seconde épouse dans d'autres versions) .Ses crimes pourtant accomplis dans le cadre d'une cécité aveuglante (sourires) le rendront malheureux et ils rendront défaillante sa nature de souverain et par là son statut royal.
Ultimement ses enfants seront aussi maudits (par lui et par le destin) et cela nous vaudra le plaisir de lire : Les sept contre Thèbes.
Lorsque Sophocle offre cette pièce au démos (peuple) d'Athènes en réunion quasi ecclésiale sur les gradins des pentes de l'acropole Athènes est à un des sommets de sa puissance. C'est pour cela que je mentionne les cent portes de Thèbes qui soulignent la majesté de cette cité qui pourtant bien qu'elle fut grande elle fut mortellement accablée par les effets de la souillure de ses rois.
Cela sonne comme un grand péril potentiel pour les athéniens au sommet de leur puissance (ligue de Délos et expédition de Sicile) et cela fait une part importante de la portée émotionnelle de la pièce.
Sophocle anime un mythe dans cette oeuvre ce n'est en aucun cas un texte laïc au sens contemporain du terme et il ne saurait même être regardé comme totalement profane et il ne l'est pas même s'il a une portée politique.
Le nom originel d'Oedipe ( Oedipais et non comme ultérieurement Oedipous) fait référence à une mer tempétueuse donc à mon humble avis les embruns représentent bien oedipe dont la présence ne manqua jamais de faire des vagues (sourires).
L'histoire d'Oedipe appartient à un cycle épique mis (anciennement) par écrit en vers à Sparte mais il est aussi ,une pièce ancienne de la tradition orale instable, poétique d'un narratif mythologique de Oedipe .
Même « Homère » au chant XXIII de l'Iliade se fait l'écho de funérailles d'Oedipe à Thèbes ( et non en exil) . Par ailleurs Ulysse au chant XI de L'Odyssée croise dans l'Hadès (séjour des morts) la mère d'Oedipe qui n'est pas Jocaste.
Le public de Sophocle savait tout cela et je serai bien en peine de savoir exprimer ici les résonnances antiques véritables de cette oeuvre qui ne peuvent manquer d'être subtiles et largement impénétrables pour nous autres.
Oedipe triomphe du sphinx par la Métis qui est plus que la ruse car elle est aussi le signe d'une capacité à questionner le Logos (discours ,raison). Oedipe est un roi défaillant même si » innocent » et pourtant responsable bien que floué par le destin.
Cette défaillance d'oedipe montre en quoi il leur était difficile , à nos chers athéniens et aux grecs en général de considérer le libre arbitre comme une valeur intrinsèquement fondatrice de la moralité et même de la responsabilité. Ce qui n'est plus notre cas sourires.
Bon voilà j'ai moins essayé de commenter Oedipe roi que de parler et penser grec, pour vous ,pour vous servir à quelque chose.
Souvenez-vous que le titre en français vient du latin ,Rex n'est pas conforme à Tourannos et le titre grec ne parle pas véritablement d'un roi au sens latin et grec du terme (Rex – Basileus).
Il faut noter enfin et pour conclure que Sophocle parle à ses concitoyens dans un langage religieux ,mythique et épique. Quand il mobilise la forme politique royale devant ses pairs il est dans le passé épique car il n'y a plus et de longue date, de rois en Grèce.
par contre il y a des tyrans et notamment à Syracuse en grande Grèce qui confisquent le pouvoir (sourires) alors que les démocrates athéniens se précipitent contre eux ce que ne fait pas Nicias qui bien que stratège en Sicile est un des chefs de la faction oligarchique athénienne qui ne persécutera pas Sophocle à la fin du régime démocratique à Athènes et qui ,soit dit en passant, était un grand amateurs de divination et d'oracle comme Sophocle.
Commenter  J’apprécie          742
Voici donc la tragédie " so folk " de Sophocle. Mais pourquoi est-elle si populaire ?
Pourquoi tellement elle et si peu Ajax, par exemple, dont la finalité profonde me semble si comparable ?
C'est vrai qu'elle est très bien écrite et que définitivement, Sophocle est LE grand tragédien grec, selon moi, devant tout autre. Mais ça ne suffit probablement pas pour expliquer un tel succès.
Le sujet alors ? Pourquoi pas, mais je le répète, Ajax n'est pas si différente de cette pièce à cet égard.
Alors je vais avancer ma théorie (au sens que j'ai indiqué une fois, c'était dans ma remarque sur Terre Des Hommes, il me semble), qui vaut ce qu'elle vaut, mais que je vais essayer d'étayer, tant bien que mal.
Et bien, selon moi, si Oedipe Roi est si populaire et fonctionne si bien encore de nos jours, c'est probablement parce que c'est l'une des seules tragédies grecques qui nous replace à peu près dans le même bain culturel que les spectateurs de l'Antiquité auxquels elles étaient toutes destinées.
Je m'explique. Il n'était pas un spectateur des pièces d'Eschyle, Sophocle ou Euripide qui ne connaissait sur le bout des doigts les subtilités de la mythologie ainsi que les archi-classiques (même pour l'époque) Iliade et Odyssée.
Donc, aucun point du scénario de ces pièces n'était une découverte pour les spectateurs, seuls comptaient la qualité de la langue dans laquelle était énoncée les tirades et la morale sous-jacente à chacune.
De nos jours, peu nombreux sont encore les fervents connaisseurs de ces moindres détails mythologiques. le scénario est donc une découverte et nécessite même souvent des explications pour le néophyte.
Qu'en est-il d'Oedipe ? Qui ne connaît pas le fameux " complexe " ? Et est-il faux d'affirmer que, peu ou prou, parmi les lecteurs, tout le monde sait plus ou moins qu'Oedipe a tué son père et épousé sa mère ?
Voilà donc un point très important : pour ainsi dire, chaque lecteur moderne de cette tragédie en connaît par avance le scénario, exactement comme nos aînés de l'Antiquité.
Voilà pourquoi l'empathie fonctionne si bien, voilà pourquoi l'on peut encore être bouleversé, car on voit, sous nos yeux, s'accomplir un destin que chacun de nous connaît, sait inéluctable, fatal, implacable et pathétique.
On se met à la place du pauvre diable, qui est un homme bien sous tous points de vue, honorable, héroïque, magnanime... et qui, pourtant, sous l'angle de la morale, pour qui connaît le fin mot, est le dernier des derniers.
Il n'a pourtant jamais voulu se rendre coupable de quoi que ce soit. Mais c'était plus fort que lui, c'était au-dessus de lui que cela se jouait, c'était de l'ordre de la destinée, du divin. Et un simple mortel n'est rien, dans l'esprit de l'époque, face au divin, face aux oracles et toutes les choses de ce genre.
La finalité civique de cette pièce est donc exactement la même que pour Ajax, édifier le public et lui montrer qu'il n'est point de salut sans allégeance aux dieux.
C'est pourtant le volet psychologique qui nous intéresse le plus aujourd'hui. C'est donc un curieux hasard qui fait qu'on s'intéresse, de nos jours, plus à cette pièce qu'à beaucoup de ces petites soeurs. Pour Sophocle, parricide et inceste étaient probablement parmi les pires maux qui soient et avaient pour vocation de faire vibrer la corde sensible du trémolo de notre âme, agitant pitié, empathie et commisération.
Pour nous c'est autre chose et papa Freud y joue un grand rôle, mais peu importe, grâce à notre connaissance préalable du mythe, nous entrons mieux dans la tragédie et elle fonctionne donc à ravir.
Le mot de la fin sera donc, me concernant, si vous n'en choisissez qu'une, parmi tout l'héritage classique, optez plutôt pour celle-ci qu'une autre, car il y a plus de chance qu'elle fonctionne avec vous que toute autre. Mais bien évidemment, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
Commenter  J’apprécie          782
Ça craint à Thèbes . La peste s'est abattue sur la ville et la ville s'en remet à son roi, Oedipe, qui l'a déjà libérée du Sphinx. le roi a envoyé son beauf , Créeon , demander conseils aux Dieux. Tant que les assassins de Laïos, l'an roi, ne seront pas retrouvés, point de salut...

Qu'est ce que c'est bien quand même . Digne d'un bon polar, avec des héros pour qui l'honneur prévaut sur la vie . Et quelle énigme. Pauvre Oedipe, ce n'est pas bien cool comme situation tout ça. Coucher avec sa mère, tuer son père, tout cela sans le savoir, on ne le souhaite pas à son pire ennemi...
J'ai trouvé le texte très moderne, très facile à lire , et vraiment contemporain dans les idées. A part pour l'honneur des dirigeants. Quand dans la Grèce antique on est prêt à mourir pour un écart de langage , nous on a des politiciens qui nous mentent "les yeux dans les yeux "(quel champion celui là mais la déontologie qui m'habite me fera taire son nom).
C'est une heure de lecture , du suspens quand on ne connait pas l'énigme (il vaut mieux quand même entamer la lecture avec deux trois notions chronologiques ) mais aussi un plaisir de lectures avec des tirades magnifiques .
Sophocle, so folk !
Commenter  J’apprécie          395
Dans mon cursus universitaire, je suis tenue de lire certains ouvrages - majoritairement des classiques -, ce qui m'a amenée à découvrir le très célèbre Oedipe Roi de Sophocle.

Nous suivons le tragique destin de ce personnage, Oedipe. Roi de Thébès, il doit sortir la ville d'une période sombre en découvrant qui a tué l'ancien roi de Thébès, Laois.

Cette histoire n'était pas évidente à suivre, d'autant plus que je ne suis pas habituée au genre théâtral, si bien que je n'ai pas franchement aimé ma lecture. Toutefois, c'était chouette de pouvoir découvrir ce texte connu et reconnu ! Je pourrais éventuellement le relire dans un cadre moins scolaire qui me permettra de mieux l'apprécier !
Commenter  J’apprécie          413
Qui est donc cet Oedipe dont le nom a fini par devenir celui d'un complexe ? Cité à tout bout de champ, à tort ou à raison, on se persuaderait presque de le connaître sans en avoir lu la légende. Sophocle nous apprendra-t-il quelque chose de plus que nous ne savions pas encore ?


Le plus grand défaut d'Oedipe Roi est peut-être son succès. Tout le monde connaît la conclusion de l'histoire : Oedipe a tué son père, épousé sa mère, il se percera les yeux et sera banni de la cité. En revanche, on connaît moins l'histoire qui précède ces révélations. C'est sur ce point précisément que l'Oedipe Roi de Sophocle est intrigant.


La peste s'est abattue sur Thèbes. En cette époque où tous les maux ont une origine divine, un prêtre et des enfants viennent supplier le roi Oedipe de combattre le coupable de ce châtiment, comme il avait auparavant su vaincre Sphinx. Oedipe envoie son beau-frère Créon consulter l'Oracle de Delphes pour en apprendre davantage. le verdict tombe : les dieux sont courroucés par la mort de Laïos et ne seront pas en paix tant que son meurtrier ne sera pas découvert. A cette étape-là de l'intrigue, nous avons déjà tous deviné la nature du coupable. Tirésias le devin intervient alors pour suggérer à Oedipe, à demi-mot, qu'il serait peut-être bien responsable de la colère des dieux… Malheur au devin ! Oedipe s'insurge, pense à une machination de Créon pour s'emparer du trône, et refuse de croire aux prédictions. Jocaste, la femme d'Oedipe, en rajoute et lui conseille de ne pas accorder trop de crédit à ces oiseaux de mauvais augure. Pour le rassurer, elle prend en exemple un oracle reçu jadis par son ancien époux Laïos : il devait mourir assassiné par un enfant né de leur union, mais il fut finalement tué par des étrangers au cours d'un déplacement, et le seul enfant né de Laïos et Jocaste avait été abandonné sur le mont Cithéron dès sa naissance. Rassuré, mon petit Oedipe ? Plus tellement…


Oedipe se souvient que jadis, l'Oracle de Delphes lui avait révélé qu'il n'était pas le vrai fils de Polybe et de Mérope, et qu'il serait un jour coupable de parricide et d'inceste. Ne réfléchissant pas à la contradiction, Oedipe avait alors décidé de fuir ses parents pour ne pas accomplir les deux dernières prédictions. Chemin faisant, il avait subi une altercation avec une troupe d'hommes de laquelle il était sorti victorieux, massacrant toute âme qui vive. La vérité continue de cheminer avec les témoignages d'un messager puis d'un berger. Ce dernier finira par avouer qu'il a récupéré l'enfant abandonné par Jocaste et Laïos, et que cet enfant n'est autre qu'Oedipe. Grand fracas ! A présent, nous connaissons tous la suite de l'histoire : Oedipe n'est pas le fils de Polybe et de Mérope. Il est l'enfant de Laïos, qu'il a assassiné au cours de sa fuite, et l'enfant de Jocaste, qu'il a épousée et dont il a eu deux filles. Là où Oedipe et Jocaste, en bons précurseurs de Freud, auraient simplement pu tomber dans la névrose, ils préfèrent avoir recours aux expédients les plus extrêmes : Jocaste se pend et Oedipe se perce les yeux avec les épingles des vêtements de Jocaste.


Pour mieux apprécier cette histoire, il faut encore une fois se projeter loin dans le temps et imaginer être un spectateur qui découvre pour la première fois Oedipe Roi. On imagine que l'intérêt pris pour la progression de l'intrigue doit être beaucoup plus grand que le nôtre, puisque nous connaissons déjà sa résolution. Est-ce un plaisir pour Sophocle de mettre en scène des rois qui doivent à chaque fois apprendre l'humilité et la soumission à des forces qui leur sont supérieures ? Il se permet ainsi de nous glisser une petite leçon de morale qui fait toutefois pâle figure face aux détournements sordides empruntés par son esprit créateur.


Prise en elle-même, cette pièce n'est intrigante que pour ceux qui ne connaissent pas le mythe d'Oedipe. Elle est distrayante car sans cesse rythmée par les sentiments et les impulsions démesurés de ses personnages, mais ralentie par des complications dramatiques qui semblent parfois gratuites. Si Oedipe Roi n'était inventé qu'aujourd'hui, nous n'en dirions sans doute pas grand-chose, mais si cette pièce n'avait pas été créée plus tôt, notre héritage culturel serait radicalement différent. Peut-être parce que je louche un peu trop, il me semble reconnaître dans cette pièce tous les fondements qui ont permis à de nombreux auteurs postérieurs de fonder ou de contester leurs hypothèses concernant le destin, et c'est pourquoi Oedipe Roi est finalement le plus fascinant.
Lien : http://colimasson.over-blog...
Commenter  J’apprécie          265


critiques presse (1)
LeMonde
28 août 2018
C’est donc lui, l’homme en marche vers la connaissance, l’homme sur terre allant de l’obscurité à la lumière, l’homme qui du monstre fait naître l’humain : l’Homme. Il porte en lui tous les âges de la vie et nous rappelle notre condition, sous le soleil de la tragédie que Sophocle éclaire à son zénith, et prolonge, avec Œdipe à ­Colonne.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (119) Voir plus Ajouter une citation
Ne va pas, sur un simple soupçon, m'incriminer sans m'avoir entendu. Il n'est pas équitable de prendre à la légère les méchants pour les bons, les bons pour les méchants. Rejeter un ami loyal, c'est en fait se priver d'une part de sa propre vie, autant dire de ce qu'on chérit plus que tout. Mais cela, il faut du temps pour l'apprendre de façon sûre. Le temps seul est capable de montrer l'honnête homme, tandis qu'il suffit d'un jour pour dévoiler un félon.
Commenter  J’apprécie          481
Subitement, il poussa un cri terrible et, comme mené par un guide, le voilà qui se précipite sur les deux vantaux de la porte, fait fléchir le verrou qui saute de la gâche, se rue enfin au milieu de la pièce... La femme est pendue ! Elle est là, devant nous, étranglée par le nœud qui se balance au toit... Le malheureux à ce spectacle pousse un gémissement affreux. Il détache la corde qui pend, et le pauvre corps tombe à terre... C'est un spectacle alors atroce à voir. Arrachant les agrafes d'or qui servaient à draper ses vêtements sur elle, il les lève en l'air et il se met à en frapper ses deux yeux dans leurs orbites.
Commenter  J’apprécie          340
Œdipe. Eh bien, ce mystère, je remonterai à sa source, moi, et je l'éclaircirai. Phœbos a pleinement raison, et toi aussi tu as raison, Créon, de prendre en main la cause du mort. Et mon intervention n'est pas moins légitime, lorsque ce pays et le dieu réclament réparation. Ce n'est pas dans l'intérêt d'amis éloignés, c'est dans mon propre intérêt que j'abolirai cette souillure : quel qu'il soit, l’assassin de Laïos m'a déjà condamné ; prêter assistance au défunt, c'est donc me défendre moi-même. Allons, vite, mes enfants, debout ; et emportez ces rameaux suppliants. Que l'un de vous assemble le peuple de Cadmos : je prends en main l'affaire. Avec l'aide du dieu, vous me verrez réussir ; sinon, je ne m'en relèverais pas.
Commenter  J’apprécie          170

LE DOMESTIQUE

Pour être bref et t'instruire vite,
la divine et chère Jocaste est morte.

LE CORYPHEE

La malheureuse ! Qui en est cause ?

LE DOMESTIQUE

Elle-même. Et le plus affligeant t'échappe
car tu n'as pas vu. Mais tu sauras
autant que le permet ma mémoire,
ce qu'a souffert la malheureuse.
Dès le vestibule passé, prise de fureur,
elle courait vers le lit nuptial,
elle s'arrachait à deux mains les cheveux.
Elle entre, elle claque les portes derrière elle.
Et elle appelle Laïos, mort depuis longtemps,
elle évoque les enfants qu'elle en eut jadis
et par qui il mourut, la laissant leur enfanter
une abominable descendance. Elle gémit
sur la couche où, misérable, elle enfanta
son époux de son époux, ses enfants de son enfant.
Je ne sais comment elle a péri - nous n'avons pu
voir ce malheur car Oedipe s'est précipité
en hurlant et nous l'avons regarder tourner.
Il allait et venait, il nous demandait
une épée, et sa femme qui n'était pas sa femme
mais, glèbe doublement fertile,
sa mère et celle de ses enfants. Dans cette rage
un dieu sans doute l'a renseigné mais en tout cas
aucun de nous qui étions là. Avec un cri
terrible et comme guidé par quelqu'un, il se rue
sur les deux battants de la porte, il fait sauter
les pentures des gonds, il se jette dans la pièce.
Nous y aperçûmes la femme pendue
au lien qui l'étranglait. Le malheureux, à cette vue,
pousse un rugissement terrible et rompt le lien.
Le pauvre corps tombe sur le sol
et nous vîmes alors une horrible scène.
Il lui arrache les agrafes d'or dont elle attachait ses vêtements ; il les lève
et s'en frappe le creux de yeux en disant :
"Ils ne verront plus le mal que j'ai subi
ni celui que j'ai fait. Dans les ténèbres
ils ne verront plus ceux qu'ils ne devaient pas voir,
ne connaîtront plus ceux que je voulais connaître."
Il répétait ce cri et ne cessait de frapper
sous ses paupières. Le sang de ses prunelles
ruisselait de ses joues, non pas
un suintement de sang mais une sombre averse,
une grêle de sang qui ruisselait.
Ce n'était pas le malheur d'un seul, mais d'eux deux,
le malheur conjoint de l'homme et de la femme.
L'ancien bonheur était vraiment jusque là
un bonheur, mais n'est plus aujourd'hui
que gémissement, malédiction, mort et honte,
tout ce qu'on peut nommer de pire sans exception.
Commenter  J’apprécie          40
Ces pertes sans nombre épuisent la citée ;on abandonne sans les pleurer, sans les plaindre ,les corps gisant sur le sol où ils propagent la mort- cependant que les épouses, les mères aux cheveux gris priant au pied des autels,d'un côté de l'autre hurlent leurs sanglots d'âpre détresse.

(Parodos,Antistrophe II)
Commenter  J’apprécie          330

Videos de Sophocle (39) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Sophocle
SOPHOCLE — Entretien sur 'Antigone' avec les Bollack (France Culture, 2005) L'émission "Tire ta langue", par Antoine Perraud, diffusée le 25 janvier 2005 sur France Culture. Présence : Mayotte et Jean Bollack.
autres livres classés : théâtreVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (6858) Voir plus



Quiz Voir plus

Titres d'oeuvres célèbres à compléter

Ce conte philosophique de Voltaire, paru à Genève en 1759, s'intitule : "Candide ou --------"

L'Ardeur
L'Optimisme

10 questions
1325 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature française , roman , culture générale , théâtre , littérature , livresCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..