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Alphonse Dain (Éditeur scientifique)Jean Irigoin (Éditeur scientifique)Paul Mazon (Traducteur)
EAN : 9782251003078
194 pages
Les Belles Lettres (15/12/2002)
4.5/5   11 notes
Résumé :
Les trois pièces réunies dans ce volume, Ajax, Œdipe Roi et Electre remonte à la maturité du poète : ce n’est pas l’une des moindres prouesses de Sophocle, que d’avoir su, à plus de 8O ans, raconter la colère du guerrier Ajax, l’aveuglement du jeune roi Œdipe ou la vindicte meurtrière d’Electre, et de les avoir rendus immortels. Ajax, outragé de ne pas recevoir en héritage les armes d’Achille, porte son glaive d’abord contre les siens, puis contre lui-même. Où le fi... >Voir plus
Que lire après Tragédies II : Ajax - Oedipe Roi - ÉlectreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce volume réunit trois des quatre tragédies les plus connues de Sophocle. Sophocle, ce grand esthète devant l'éternel, ce tragédien tellement poète, ce poète tellement philosophe. Je ne vous cache pas que parmi les trois pères fondateurs grecs de la tragédie, c'est à lui que je décerne la palme, devant Euripide et loin devant Eschyle.

AJAX
Ajax, c'est l'un des fiers guerriers grecs qui sont allés venger l'affront du rap d'Hélène, femme du roi Ménélas, par le troyen Pâris. Assurément, c'est un brave parmi les braves.

Mais c'est aussi un fameux goujat, qui n'hésite pas à aller poursuivre de ses avances la troyenne Cassandre jusque dans le temple d'Athéna, chose absolument défendue (pour les Grecs anciens, il aurait pu la violer n'importe où, mais pas dans un temple consacré à la déesse Athéna !). Si bien que notre Athéna se trouve vexée d'une telle liberté et complote un mauvais coup pour les Grecs victorieux des Troyens lors de leur retour en Argos.

Le thème principal de la pièce me semble être (mais c'est discutable) un questionnement sur l'orgueil et plus particulièrement sur l'orgueil mal placé.
De fait, Ajax, furieux de ne pas avoir été désigné comme le guerrier le plus valeureux, le plus digne de recevoir la distinction des armes forgées par Héphaïstos, face à Ulysse, décide d'aller jouer du sabre pour venger ce qu'il considère être un affront.

Il souhaite donc trucider Ulysse et toute sa bande.Mais c'est sans compter sur le concours d'Athéna, déesse de la sagesse, fort courroucée de l'impétuosité d'Ajax qui prétend n'avoir besoin que de son courage pour vaincre les troyens et pas de l'appui des dieux.

Ainsi, Athéna trouble les sens d'Ajax, qui croyant étriper les compagnons d'Ulysse, joue en fait de l'estoc et de la taille dans le bétail accompagnant les guerriers du roi Ithaque. Détrompé de ses visions, Ajax mesure l'affront, plus grand encore, d'avoir été ainsi joué par les dieux. Je vous laisse découvrir la suite si vous ne la connaissez déjà. (Sachez seulement qu'Ajax, par sa façon d'agir, a quelque chose de très japonais et des solutions, elles aussi très japonaises, si vous voyez ce que je veux dire, avec les kamikazes et les hara-kiri.)

Pour moi, l'idée forte de Sophocle est donc de mettre en relief tout ce qu'il peut y avoir de vain et de destructeur, même pour un être de grande valeur comme Ajax, à se nourrir d'orgueil, à laisser parler son ego plus que tout le reste, plus que l'intérêt général, plus que le patriotisme ou la déférence aux autorités (divines ou royales).


Je lis aussi, de manière plus diffuse et en filigrane, une considération de l'auteur sur la valeur des individus qui n'a rien à voir avec leur milieu d'extraction (c'est le cas du demi-frère d'Ajax, Teucros, fils d'une esclave, au coeur plus brave et plus noble que certains dignitaires). Un thème qu'Euripide reprendra dans sa version d'Électre.

OeDIPE ROI
Lorsque j'essaie de me demander pourquoi Oedipe Roi a encore tant de succès de nos jours, comparativement à d'autres tragédies grecques, j'en viens à considérer qu'à l'heure actuelle, peu nombreux sont es fervents connaisseurs de ces moindres détails mythologiques de l'Illiade ou de l'Odyssée, textes de référence pour bien comprendre les tragédies.

Là où le scénario est totale découverte et nécessite souvent des explications pour les autres pièces, ici, peu ou prou, parmi les lecteurs, tout le monde a déjà entendu parlé du fameux " complexe d'Oedipe " et sait plus ou moins qu'Oedipe a tué son père et épousé sa mère. Ceci place le lecteur à peu près dans les mêmes conditions que les spectateurs de Sophocle qui connaissaient Homère sur le bout des doigts (ou plutôt des lèvres).

Voilà pourquoi l'empathie fonctionne si bien ici, voilà pourquoi l'on peut encore être bouleversé, car on voit, sous nos yeux, s'accomplir un destin que chacun de nous connaît, sait inéluctable, fatal, implacable et pathétique. On se met à la place du pauvre diable, qui est un homme bien sous tous points de vue, honorable, héroïque, magnanime... et qui, pourtant, sous l'angle de la morale, pour qui connaît le fin mot, est le dernier des derniers.

Il n'a pourtant jamais voulu se rendre coupable de quoi que ce soit. Mais c'était plus fort que lui, c'était au-dessus de lui que cela se jouait, c'était de l'ordre de la destinée, du divin. Et un simple mortel n'est rien, dans l'esprit de l'époque, face au divin, face aux oracles et toutes les choses de ce genre.

La finalité civique de cette pièce est donc exactement la même que pour Ajax, édifier le public et lui montrer qu'il n'est point de salut sans allégeance aux dieux. C'est pourtant le volet psychologique qui nous intéresse le plus aujourd'hui.

Pour Sophocle, parricide et inceste étaient probablement parmi les pires maux qui soient et avaient pour vocation de faire vibrer la corde sensible du trémolo de notre âme, agitant pitié, empathie et commisération. Pour nous c'est autre chose et papa Freud y joue un grand rôle, mais peu importe, grâce à notre connaissance préalable du mythe, nous entrons mieux dans la tragédie et elle fonctionne donc à ravir.

ÉLECTRE
À beaucoup d'égards, et ce rapprochement a déjà été fait moult fois, Électre est une héroïne qui rappelle énormément une autre des tragédies fameuses de Sophocle, en la personne d'Antigone : une rebelle, une fille de monarque, qui s'oppose au roi en place, qui préfère prendre des coups, risquer sa vie et la disgrâce plutôt que de lâcher d'un pouce sur la question de l'honneur, et notamment l'honneur dû aux morts.

Ici, la fibre tragique est encore plus tendue car le responsable de la mort d'un père n'est autre que sa propre mère. Aussi, venger l'un équivaut à commettre un odieux parricide envers l'autre. Douloureuse alternative. Mais ça, ce n'est pas tellement son problème car si meurtre il y a, ce devra être l'oeuvre d'Oreste, son frère bienaimé qu'elle a soustrait jadis aux griffes meurtrières de sa mère, Clytemnestre et de son nouvel époux, Égisthe.

Électre passe donc une bonne partie de son temps à se lamenter sur son sort tragique, celui d'avoir vu son père, Agamemnon, assassiné sous les ordres de sa propre mère par le fourbe Égisthe, celui de subir au quotidien les brimades engendrées par son manque d'allégeance au nouveau couple royal, celui de savoir son frère vivant mais ne tentant toujours aucune action pour venir restaurer l'honneur meurtri de son père.

Il est à noter également que, comme dans le cas d'Antigone, Électre est accompagnée d'une soeur non rebelle, qui l'enjoint à accepter son sort sans trop de mauvais ressentiment et qui ne fera rien pour aller contre la volonté des maîtres, creusant ainsi, s'il en était besoin, le fossé entre l'attitude " commune " de la soeur, ici Chrysothémis, et l'attitude de l'héroïne en ce qui concerne la question du droit, de la morale, du légitime et du respect des règles publiques établies.

Tout semble tourner court lorsqu'on vient annoncer à l'infortunée Électre que son malheureux dernier espoir, Oreste, vient de trouver accidentellement la mort lors de festivités dans une cité voisine (festivités proches des jeux olympiques).

La terre s'arrête presque de tourner pour notre rebelle en mal d'action mais...,
mais...,
... toutes les informations sont-elles toujours fiables ? C'est ce que je vous laisse le soin de découvrir par vous-même. Il me reste peut-être encore à tâter deux ou trois mots quant au sens probable, civique et religieux, que cette tragédie revêtait durant l'Antiquité. Il faut peut-être y voir le fait que les dieux sont au-dessus de tout et que, peu ou prou, ils font concourir les événement à la justice. Que le fourbe qui a gagné par félonie sur le juste ne se réjouisse pas trop vite, son tour viendra... les dieux n'oublient jamais rien ni personne !

Même si l'impression générale de la pièce est pour moi moyenne, je tiens tout de même à signaler et à saluer la grande audace stylistique, ce tonique incroyable, cette palpitante écriture qui intervient lors du récit du drame de la course de chevaux et qui annonce déjà un genre encore inconnu à l'époque et qui fera long feu : le roman.


Bref, une très belle édition pour ces trois belles tragédies avec, pour ma part, une nette préférence à Oedipe Roi, mais ce n'est que mon avis. Et que valent les avis à 2500 ans de l'époque ou les pièces ont été écrites ? Pas grand-chose.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Mais à quoi bon se lamenter pour rien ? Il faut se mettre à la besogne au contraire, et vivement.

AJAX.
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Pour moi, je viens d’apprendre que l’on ne doit haïr son ennemi qu’avec l’idée qu’on l’aimera plus tard ; et, pour l’ami, je n’entends de ce jour l’assister, le servir, qu’avec l’idée qu’il ne restera pas mon ami à jamais. (Ajax)
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Vidéo de  Sophocle
SOPHOCLE — Entretien sur 'Antigone' avec les Bollack (France Culture, 2005) L'émission "Tire ta langue", par Antoine Perraud, diffusée le 25 janvier 2005 sur France Culture. Présence : Mayotte et Jean Bollack.
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature hellénique. Littérature grecque>Littérature grecque : drames (40)
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