AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,44

sur 169 notes
5
5 avis
4
3 avis
3
3 avis
2
3 avis
1
4 avis

Critiques filtrées sur 2 étoiles  
Dans la catégorie "ce livre n'aurait pas pu être préfacé par Laure Adler" (et pour cause, et c'est déjà très bon signe!), je me suis farci Comprendre l'Empire avant-hier. Eh bien, comment dire… Ce n'est malheureusement pas très bon. Quelqu'un sur Internet l'avait qualifié de "manuel de sociologie pour mongoliens". Indépendamment du fait que je trouve moyennement marrante l'allusion à une maladie génétique qui ne l'est pas, je ne suis pas complètement en désaccord avec l'idée exprimée: c'est vraiment bas de gamme, intellectuellement parlant. Pourtant ce livre a connu, paraît-il, un gros succès. Alors, oui, bien sûr, comme le dit le toujours très humble Andreï Makine, le succès d'un bouquin est inversement proportionnel à sa valeur (et il sait un peu de quoi qu'il cause, l'Andreï). Seulement, là, précisément, ça ne colle pas. Parce que le public qui a acheté ce livre n'est justement pas le public mainstream préformaté par la propagande dominante et seulement avide de tourner en rond dans le cercle vicieux des idées toutes faites (c'est étonnant, d'ailleurs, ce besoin compulsif des lecteurs d'aujourd'hui d'"alimenter" en permanence la chaudière de leur petite usine à gaz portative avec des conneries dupliquées de chez dupliquées jusqu'au néant le plus absolu- ça tient de la dépendance toxicomane à la connerie ou du rituel névrotique obsessionnel; moi, je n'arriverais même pas sous la menace d'une arme à enchaîner lecture merdique sur lecture merdique relatant sur le mode polardeux toujours les mêmes histoires de nazis, de pédos, de nazis, de pédos, de nazis, de pédos, etc. Bon, j'arrête avec les parenthèses).

Bref, qu'est-ce qui a fait le succès de Comprendre l'Empire, au fond? Il est évident que ce n'est pas le bouquin lui-même. C'est le personnage public de Soral. En examinant ce personnage avec attention, ce que j'ai passé quelques heures à faire pour la première fois de ma vie sur les deux derniers jours, je me suis posé toute une série de questions. Ce type est-il une soupape de sécurité créée par les services? Un agent provocateur? Un agent de l'Etranger stipendié pour déstabiliser le Système ou pour permettre au contraire de le renforcer suivant le schéma classique provocation-répression? Un escroc intellectuel qui subjugue une population vulnérable pour exploiter une révolte latente à des fins commerciales? Ses ennemis prétendent qu'il y a un peu de tout ça. Peut-être qu'il n'y a rien de ça. Comment savoir? Mais il paraît plus probable qu'Alain Soral s'est réellement recomposé une vision du monde qui s'accorde avec ses expériences vécues, expériences qu'il n'avait plus aucune raison de chercher à nier ou à refouler puisqu'il était de toute manière chassé de partout. Il a donc essayé de leur donner une cohérence, de les harmoniser selon la loi de l'empirisme organisateur dans la vision d'un monde dominé par des entités ennemies de l'humanité.

Le résultat n'est pas très convaincant. Sans doute, d'abord à cause de l'usage d'une grille marxiste parfaitement périmée pour expliquer ce que Jean-François Gayraud appelle, avec beaucoup de pertinence, les "entités hybrides" du néo-capitalisme, d'essence criminelle. Il y a aussi ce concept un peu stupide des "classes moyennes". Il faut bien se rendre compte que la classe moyenne dont il parle (les artisans, les commerçants, les sacrifiés de la mondialisation néo-libérale d'après-guerre que Poujade avait tenté de sauver de la ruine), cette classe n'existe pour ainsi dire plus. Les analyses sociologiques, qui font de l'idéologie beaucoup plus que de la sociologie, exploitent la confusion et le malentendu en parlant de "classe moyenne", mais en réalité ils savent très bien que c'est une façon de faire diversion. Car la classe moyenne, maintenant, c'est eux-mêmes, les salariés du Système rémunérés pour en perpétuer le fonctionnement. Ainsi que mon cher professeur en histoires des idées à l'Université de Zurich, l'a décrit dans sa non moins célèbre série d'articles des années 2000 intitulée "Les Colla-bobos": la classe moyenne enracinée, productive et consciente d'elle-même a été remplacée par une classe moyenne hors-sol, improductive et zombifiée, celle des "bobos" qui ne sont pas simplement un phénomène de mode ou un effet de langage comme les enfumeurs le prétendent, mais une véritable révolution sociale, ou plutôt anti-sociale.

Cette classe moyenne SALARIEE est la classe "jaune" briseuse des révoltes populaires légitimes. Elle est la classe-bouchon qui bloque l'ascension sociale au mérite des mal-pensants. Elle est… Mais plutôt, citons l'auteur même de cette analyse (bien étouffée car bien incommode):

"(C)'est le rétrovirus transfecteur de l'idéologie du pouvoir. C'est lui qui assure la cybernétique de l'autocensure, lui qui empêche la réalisation du bien collectif par sa fatuité d'imbécile et son stupide esprit de compétition. Pour la démocratie libérale, il est le pion majeur, l'atomiseur social, celui qui enraye le retour du politique contre la dictature technocratique des marchés: l'idiot-outil." – (Vers un homme fonctionnel: le colla-bobo, 2001)

"Le marxisme culturel, c'est la langue de cette nouvelle classe sociale post-industrielle, les fonctionnaires « culturels », les « créatifs », toute cette industrie d'inutiles et de fumistes « connectés » qui gagnent beaucoup d'argent à vendre du vent, de l'image et du réseau, des « conseils », de la « com », de la « pub » et qui travaillent dans le sociétal, le juridique, la finance, l'informatique […] Ces gens-là ne sont pas marxistes, ce sont – comme disait Gorz dans sa Critique du capitalisme quotidien – « les agents dominés de la domination »." – (Entretiens de Milan)

"[C]'est la classe jaune intercalaire qui assure la « communication », c'est-à-dire la circulation de la propagande aliénante et l'autocensure collective. Bourdieu pensait que c'était une classe inconsciente de son utilisation parce qu'elle est entièrement absorbée par un individualisme… un « individualisme cosmétique », je dirais: captivé par le souci débile de l'extérieur, la Rolex à 50 ans, les séances d'abdominaux, le bronzage parfait, les petites vacances à Mikonos. Oui, chez eux le cosmétique a pris la place du cosmique. le créatif a remplacé le créateur. C'est un simulacre d'existence." – (Entretiens de Milan)

"Le « citoyen » – ce mot terroriste tiré des poubelles de l'histoire par le bobo pour se glorifier d'être un flic bénévole de la pensée qui ne pense pas lui-même…" – (Now)

On pressent bien que ça, ci-dessus, c'est un peu autre chose en termes de potentiel subversif que les médiocres analyses de Comprendre l'Empire qui apparaissent comme l'emboîtement maladroit d'un puzzle composé du Capital et de l'Enquête sur la monarchie dont les vieilles pièces archi-usées ne sont plus d'aucune utilité.

Pour conclure, à quoi Soral doit-il son succès? Il le doit, malgré l'indigence ou l'anachronisme de ses analyses, au besoin que des Français jeunes et intelligents - mais pauvres et bloqués en France par l'impossibilité de s'expatrier, et en bas de l'échelle sociale par l'impossibilité de s'élever suivant leur mérite - ont de RES-PI-RER mentalement sous la chape de plomb des contre-vérités de la pensée unique, unique, unique, unique, unique, unique… Et ça s'est cristallisé sur Soral parce qu'il est le seul disponible, je suppose. Dommage? Oui, les mal-pensants méritaient peut-être mieux. Où sont-ils passés, ceux qui eussent pu présenter une alternative talentueuse à Soral? En Australie? Au Père-Lachaise?
Commenter  J’apprécie          230
J'ai eu envie de me forger ma propre opinion sur Alain Soral à force d'entendre à peu près tout sur son compte voire de lire dans la presse des expressions comme "la Soralisation des esprits...". le moins que l'on puisse dire du personnage c'est qu'il est cultivé à la lecture de cet ouvrage. Comme souvent, je suis prudent face à l'utilisation des faits historiques pour appuyer une thèse ou un discours. L'Histoire est si riche que l'on pourrait y puiser des évènements qui mit bout à bout étayeraient n'importe quelle construction idéologique. J'ai eu cette impression. Même si, certaines de ces assertions sont pertinentes ou ne peuvent de bonne foi être démontées, au bout du compte je me suis lassé de ce fameux complot banco-judéo-américain qui transpirent à chaque page comme une obsession qui lui colle à la peau et sûrement contingente sa réflexion.
Après que l'Amérique soit un empire qui use de tous les moyens pour asseoir sa domination et l'étendre, il n'y a que lui pour croire que c'est une découverte qu'il révèle au monde ou à la masse alors que celle-ci n'en doute certainement pas, mais qu'elle a d'autres chats à fouetter comme assurer l'essentiel, c'est à dire la satisfaction des besoins élémentaires nécessaires à survie et à celle de sa famille ou qu'elle considère que celui-ci en vaut bien un autre...
Commenter  J’apprécie          164
j'ai lu ce livre sur la recommandation d'un collègue qui me disait qu'il était intéressant de lire d'autres point de vue que ceux auxquels j'adhérais ! l'analyse est très pertinente et la partie critique (notamment sur la prise de pouvoir de la banque) très bien construite ! Ça se gâte quand l'auteur passe aux remèdes, dont on se demande comment ils peuvent apporter des solutions et aux injonctions qui virent assez vite à la démarche pamphlétaire, et la ce n'est plus crédibles. D'autant que l'auteur s'emporte et le style perd en pertinence, et devient carrément illisible !
Commenter  J’apprécie          40


Lecteurs (412) Voir plus




{* *}