Aujourd'hui c'est mercredi et mercredi, c'est... ?
« Les histoires à Berni ! »
Sandrine, la maîtresse d'école a fait entrer les élèves dans la classe.
Tout d'abord pour inaugurer le thème de l'histoire de ce mercredi qui portait sur les inventions, la petite Dori nous a invité autour d'une table qu'elle avait dressée dans le fond de la pièce. Il y avait des verres et une grande bouteille. Elle tenait à nous faire goûter une boisson chocolatée qu'elle avait concoctée à partir d'une recette dont elle avait le secret.
La couleur du contenu de la bouteille était indéfinissable. On s'en est tous rendu compte en contemplant les yeux exorbités du caméléon perché sur les épaules du petit Paulo, qui semblait songeur, pour ne pas dire énigmatique.
La petite Anna s'est approchée de la table et a dit d'un air ironique, s'adressant à la petite Dori : « Tiens ! Tu as sorti le vitriol ? »
La petite Chrystèle s'est saisie d'un verre, l'a levé devant ses yeux presque admiratifs et a dit : « Il a pourtant un air honnête. »
Nous avons retenu notre souffle, le temps semblait brusquement suspendu à cet instant à la fois indécis et décisif pour la suite de l'histoire du mercredi, nous nous demandions qui serait le premier à goûter le divin breuvage. La petite Sylvie a saisi à son tour un verre et a dit, le contemplant :
« Si vous êtes franchement malhonnêtes, au premier abord comme ça il a l'air assez curieux. »
C'est Gaby la plus courageuse qui a avalé d'un trait son verre. Elle a tenté de rester comme elle-même, imperturbable. On a pourtant vu une légère grimace se dessiner sur son visage, une petite goutte de transpiration est venue brusquement perler sur son petit front.
« Ugh ! a-t-elle dit, Ah, faut reconnaître, c'est du brutal. »
Alors tous les enfants se sont jetés sur leurs verres.
« Tu as raison, il est curieux, hein ? a fait la petite Nico, le visage un peu remué.
- Faut quand même admettre que c'est plutôt une boisson d'homme ! a dit le petit Paulo.
- J'ai connu une Polonaise qui en prenait au p'tit déjeuner, a rajouté là-dessus le petit Pat.
- J'lui trouve un goût de pomme, a dit la petite Anne-So.
- Y en a ! a répondu la petite Doriane presque déçue par le manque d'enthousiasme des premiers retours.
- Tu as beau dire, y'a pas seulement que d'la pomme, y a aut'chose..., a fait la petite Isa qui semblait se délecter de ce breuvage.
- Ça serait pas des fois de la betterave ? Lol, a fait la petite
Sonia D un air inspirant.
- Si, y'en a aussi… » a répondu la petite Dori retrouvant le sourire.
Sur ces considérations hautement culinaires, on s'est alors aperçu qu'il manquait quelqu'un à l'appel. C'était la petite Domi. Mais où donc pouvait-elle bien être ?
Alors on s'est retournés. de petites jambes s'agitaient sous le jukebox en réparation.
« J'suis là ! Z'inquiétez pas pour moi. »
Puis aussitôt on l'a entendue éructer, mais vraiment des mots qui ne ressemblaient pas à la douce petite Domi qu'on connaissait jusqu'à présent.
« Putain de jukebox de mes deux, il commence à me bouffer les roustons celui-là ! »
Sandrine, la maîtresse d'école, s'est alors approchée du jukebox avec un air un petit peu sévère.
« Mais, Domi, en voilà des façons de parler ainsi. Où as-tu appris ce langage de charretier ? Veux-tu bien revenir vers nous et nous expliquer un peu tout ce qui t'arrive. »
Bon, la maîtresse d'école, Sandrine, n'était pas en général très sévère, mais là sans doute la petite Domi avait dépassé les bornes. Cependant, je voyais un léger sourire de la maîtresse d'école et je devinais qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de rire de ce qui arrivait. La maîtresse, moi je commence à la connaître, mais n'empêche, une classe comme ça, faut la tenir hein !
On a vu alors la tête de la petite Domi sortir de dessous du jukebox, elle s'est justifiée ainsi :
« Je parle comme les mécanos maintenant que Pat m'a appris le métier. » (*)
Le petit Pat s'est retourné vers la maîtresse d'école, Sandrine, avec des bras ballants, tout confus.
- Je t'assure ma chère Sandrinette que je ne lui ai jamais appris ces mots, répliqua-t-il tentant d'apaiser la situation. D'ailleurs, en mécanique quantique il n'y a pas de gros mots.
- Ah, ils sont tous pareils ces hommes, s'est écriée la petite Chrystèle, levant les bras vers le ciel, on leur demande d'assumer leurs responsabilités et ils te répondent par de la mécanique quantique.
- Allez, Pat, passe-moi une clé de 13 au lieu de faire le mijaurée, a renchéri la petite Domi sans se laisser départir.
- Une clé de 13 ? Mais c'est impensable, a dit le petit Pat paniqué, tu vas casser le vinyle collector de Karen Cheryl ! »
Alors je me suis tourné vers la petite Nico. Il était temps que je reprenne la main...
« Ma chère Nico, je te dédie cette nouvelle histoire du mercredi. le personnage principal est un petit garçon de ton âge, il est turbulent, désobéissant, a des parents scientifiques surdoués qui inventent des machines pas possibles.
J'ai montré à toute la classe la première de couverture d'un jaune pétant de cette petite BD qui s'appelle Niko : Super inventions et grosses bêtises. Les dessins qui figuraient sur cette couverture, où l'on voyait le petit Niko d'un côté et ses parents de l'autre, donnaient déjà le ton.
- Rhooo ! Tu m'enchantes, Berni-Chou, a dit la petite Nico toute confuse. Finalement il est vraiment différent de moi alors ! se rassura-t-elle tout émoustillée.
- Turbulent, désobéissant… Oui tu as raison Nico, a observé la petite Marie-Caroline un tantinet ironique, le seul détail c''est que c'est un garçon…
- Mais euh ! » s'est écriée la petite Nico tirant la langue à sa copine.
J'ai senti qu'il était temps de leur raconter cette histoire.
Raconter cette histoire leur a plu. Mais de quoi parle-t-elle au juste.
Niko a une dizaine d'années, il vit dans un avenir qui ressemble beaucoup à notre époque, mais où les inventions les plus folles sont possibles. Autant dire que ses parents inventeurs s'en donnent à coeur joie ! Trois aventures, trois objets fous : une machine à défaire le temps, un petit frère robot très obéissant et un rayon laser qui rend tout appétissant. La plus grande joie de Niko est de voler leurs inventions à ses parents et de les détourner... Au risque, bien sûr, de créer quelques magnifiques catastrophes. Heureusement, les adultes finissent toujours par remettre la main sur Niko, et tout rentre dans l'ordre... jusqu'à la bêtise suivante !
Ainsi, dans la première histoire, il s'agit du refaitout qui permet de réparer tout ce qui est cassé. Dans la deuxième, ils créent un petit frère pour Niko mais pas n'importe lequel, c'est un robot qui est parfait et qui s'appelle Kevin. Et dans la dernière, ils inventent le rayon super appétissant qui permet de donner envie de manger n'importe quel aliment, mais pas que…
J'ai senti qu'ils adoraient les trois histoires comme un monde à la fois étranger et idéal. Mais fallait-il rêver de ce monde si différent et peut-être pas si différent après tout ? Comme à chaque fois, la maîtresse d'école, Sandrine, a cherché à amener un échange entre les élèves.
C'est sans doute le thème du compagnon « parfait » à l'image de ce petit robot, Kevin, qui a suscité le plus d'idées.
« C'est important de ne pas être parfait, a aussitôt répliqué la petite Nico, au moins on sait qu'on a une marge de progression.
- Haha, a répliqué la petite Dori, tu parles en toute connaissance de cause.
- Mais heu !
- Moi je n'ai pas aimé les parents dans cette histoire, a fait la petite Marie-Caroline,
- Moi non plus, a répliqué la petite Fanny.
En effet, tous étaient d'accord pour considérer que les adultes de cette histoires étaient dépeints comme des personnages calamiteux, irresponsables, inconscients, égoïstes, qui ne pensaient pas au bonheur de leur enfant.
Sandrine a alors tenté d'amener le sujet sur le thème des parents, des générations.
« Parfois on a un peu de mal avec nos parents, a reconnu la petite Chrystèle, se tournant vers ses petits camarades qui opinaient du bonnet.
- Il faut dire qu'on a de plus en plus de mal à les éduquer, ces parents, a rajouté la petite Anna d'un air très affirmatif.
- Ils n'en font qu'à leur tête, a renchéri la petite Sylvie.
- C'est peut-être notre faute après tout, on a laissé filer les choses, on n'a pas été à la hauteur de notre rôle d'enfant », a conclu la petite Francine.
Devant ce désarroi, il fallait une parole rassurante pour conclure, elle vint de la part de la petite Gaëlle.
« J'ai bien aimé ton histoire, camarade. Les enfants, les parents, ce sont souvent des relations compliquées, mais tellement essentielles. Nous serons peut-être un jour aussi à notre tour des parents… »
Cette BD de
Paco Sordo a un ton complètement délirant, son trait rond et tendre, et ses couleurs pétillantes donnent du peps et de la bonne humeur. Je vous la recommande à vos enfants, qu'ils soient turbulents, désobéissants, ou sages.
Ah j'oubliais de vous dire que la petite Domi était sortie ravie de dessous le jukebox enfin réparé. Après avoir rendu la clé de 13 à la petite Gaby, elle a alors appuyé sur la touche qui a envoyé la musique et toute la classe s'est mise alors à chanter et à danser sur l'air tout droit sorti de l'appareil :
♫ Nicolas, Nicolas, ma première larme ne fût que pour toi ♫
On était des enfants, notre peine valait bien celle des grands, ♫
♫ Nicolas, Nicolas, c'était de l'amour, on ne le savait pas
C'est la vie, qui nous prend ♫
Qui nous emmène où elle veut et où elle va... ♫ ♫
(*) Ici il est fait référence à une précédente chronique du mercredi matin intitulée "Matilda".